Edito de la semaine

L’Edito du Lundi: Who the fuck is Greg Dulli ?

Aujourd’hui je ne vais pas passer en revue les quelques sorties qui m’ont éveillé les oreille, parce qu’il n’y en a pas. Rien qui ne m’ait donné envie de remettre le disque ou de fondre sur la touche Repeat. Alors je vais profiter de ce petit espace où je jouie d’une totale liberté pour vous parler d’une nuit barcelonaise, celle du 24 février. 

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En attendant devant le Barts, superbe salle située sur la parallele de Barcelone, au pied de Montjuic, je regarde le panneau lumineux annonçant An Evening With Greg Dulli en pensant à une foule de choses. Ce nom, bien qu’il ne dise absolument rien pour bon nombre de gens, me ramène à mon adolescence : période faste où je découvrais nombre d’artistes et de groupes que j’écoute encore aujourd’hui et que j’ai fait découvrir à d’autres, essayant de passer le témoin. Mais « Who the fuck is Greg Dulli ? » Me direz-vous… Cette phrase arborant les t-shirts en vente dans le hall de la salle où nous nous apprêtons à pénétrer, me rappelle que si l’artiste est bien connu au US et dans la plupart des pays d’Europe, il n’a jamais rencontré le succès escompté dans notre beau pays. Raison pour laquelle d’ailleurs, le monsieur s’y fait rare et n’y passe pas durant sa tournée 2016.

Les aventures de Dulli commencent pourtant très tôt lorsqu’il débarque en 1987 dans le rock avec Afghan Whigs. Un groupe, produit par le label Sub Pop, qui au départ va être apparenté au mouvement grunge alors qu’il n’en est rien. Les Whigs sont plutôt tournés vers une version rock’n roll d’une soul teintée 70’s. Un rock groovy, chaud, qui donne envie de se froter au sexe opposé. Après six albums et un franc succès aux US et ailleurs, le groupe tire sa révérance, estimant avoir fait le tour. Mais Dulli est un hyperactif de la composition, de la cover, de la production et surtout des collaborations. C’est ainsi qu’il rassemble un tas de bons musiciens autour du projet des Twilight Singers. Un collectif qui verra, entre autres, Mark Lanegan y donner de la voix, bien avant que les deux lascars ne fondent d’ailleurs The Gutter Twins. Le groupe propose des compositions beaucoup plus fines que les Whigs, tout en restant sur un registre assez proche. En France, on peine à trouver les albums… Je ne vais pas vous refaire toute l’histoire ici et maintenant, si vous avez envie d’en savoir plus, de précédents articles sont à votre disposition ici ou encore ici et .

Le 24 février, Greg Dulli nous invitait donc à passer la soirée avec lui lors d’une tournée solo, plus intime, baptisée An Evening with Greg Dulli. La nuit barcelonaise est fraîche et contraste avec l’accueil cosy de la salle du Barts. Des rangées de sièges occupés au rez de chaussée, une seule rangée au premier. Nous nous plaçons au balcon, face à la scène. Ce qu’il y a de bien avec ces salles de taille modeste c’est qu’où que l’on soit on a finalement l’impression d’être très proche de ce qui va se passer derrière le rideau. Pour l’heure, c’est Manuel Agnelli qui occupe la scène. Je mets un peu de temps à percuter qu’il n’est autre que le fondateur d’un groupe de rock italien que j’ai découvert en 2005, par hasard : Afterhours, éventuellement connu pour son seul disque édité en langue anglaise (Ballads for Little Hyenas) mais qui, si vous n’êtes pas allergiques à l’italien, vaut un pit stop sur leur discographie. Ballads for Little Hyenas a d’ailleurs été produit par Dulli et le très bon label One Little Indian. Seulement accompagné d’un violoniste sur scène ce soir, Agnelli, tel un Lou Reed ou un Mark Lanegan (deux de ses sources d’inspiration), mêle morceaux anciens et futurs (un album est en préparation pour 2016, dixit l’intéressé lui-même lors de notre after). Quant à moi, je suis comme un gosse et ne peut m’empêcher d’étaler dans l’oreille de ma femme toute ma foutue connaissance sur le sujet. Il faut dire que Léo, ma femme donc, n’a que peu d’accroche pour le rock à la base, préférant les paradis artificiels de l’électro. Mais il faut dire aussi que depuis que nous nous sommes rencontrés (si vous n’en avez rien à carrer, passez quelques lignes), le rock s’est insidieusement glissé en elle, et si elle aime beaucoup les Twilight Singers, elle n’est pas fan des Afghan Whigs même si tout ce petit monde tourne autour de la même planète. Et si l’on ajoute en plus Queens of the Stone Age, Lanegan, Eagles of Death Metal, Dave Grohl, Steve Kilbey (The Church) on a une image assez précise de l’univers Dulli. J’essaie donc de lui brosser un tableau complet afin qu’elle appréhende un peu mieux la soirée.

Puis vient le tour de Greg Dulli, très attendu. Le grand bonhomme débarque avec un bassiste et Dave Rosser, son guitariste attitré depuis de nombreuses années, on va d’ailleurs bientôt devoir parler de duo tellement ces deux-là sont collés ensemble. On attaque directement par If I Were Going, morceau ouvrant l’un des albums les plus connu des WhigsGentlemen. Le concert s’annonce assez intimiste puisqu’il ne sont que trois sur scène, même si l’on s’attend à ce qu’ils soient rejoints à un moment donné par Agnelli et son violoniste (cela a effectivement été le cas un peu plus tard dans le set) vu que certains morceaux de la carrière de Dulli mêlent piano, guitare et violon. Et c’est bien le principe de la formule de l’Evening with : un balayage d’une sélection de morceaux de la carrière du monsieur, orchestrés ou arrangés différemment. Seule surprise ce soir, la présence de certains morceaux qui formeront le prochain album d’Afghan Whigs, à sortir fin d’année. Une façon de leur faire prendre la route pour y faire les derniers arrangements, voir ce qui fonctionne ou non. C’est donc au beau milieu d’une cover de Nina Simone (Black is the Color…) et de quelques titres plus ou moins récents (The Lure Would Prove Too Much, tirée de l’excellent EP A Stick In Time des Twilight ou le magnifique It Kills, issu de Do To The Beast des Whigs) qu’apparaissent My Funny Valentine ou encore Demon In Profile. Sur certains morceaux comme Forty Dollars (issue de son album solo Amber Headlights), le public quitte le confort des fauteuils pour montrer que l’audience barcelonaise est bel et bien chaude ce soir.

Le fait que le balcon ne soit réduit qu’à une seule rangée de fauteuils ayant trouvé preneur me permet de naviguer sur tout l’étage et d’aller filmer et photographier au plus près de la scène, en surplomb. Place de roi qui n’en perd pas une miette, surtout lors de morceaux comme So TightCan Rova ou encore  Summers Kiss qui, lui, emporte littéralement la salle dans un élan général. Les musiciens s’amusent sur scène et encourage le public à bouger. Les paroles chantées par Greg dessinent des tragédies mais donnent envie de se lever, de bouger. C’est cette énergie soul qui fait la force du bonhomme. En France la soul ne fonctionne pas ou peu, et honnêtement, le public français est connu pour être l’un des plus froid d’Europe. Alors je sais très bien que nous avons tous déjà été dans un concert où ça bougeait, oui, heureusement d’ailleurs… Mais ce n’est pas une généralité, nous sommes perçus comme timides. Nombreux sont celles et ceux qui n’osent pas, de peur d’être le ou la seul(e) à se faire remarquer parmi la foule. Heureusement aussi, de plus en plus de jeunes s’en foutent et se mettent à bouger, notre réputation ne peut donc aller qu’en s’améliorant… Ici à Barcelone, les sièges ne soutiennent plus les culs avachis, non, et les bras sont levés, et ça chante, et ça danse au rez de chaussée. Une excellente ambiance pour un excellent concert, un écrin que l’on pense confectionné rien que pour soi, un rubis écarlate dans du velours noir.

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La fin du set se fait sur un rappel de trois morceaux dont un nouveau, The Spell, et fini sur un classique qui fout une pêche d’enfer : Teenage Wristband des Twilight Singers. Puis, alors que le set semblait se terminer, Greg Dulli glisse un mot à chacun de ses musiciens qui dès lors, quittent la scène pour le laisser seul sur la cover de Bowie : Modern Love, qui clôture une soirée riche. Il faut savoir que chaque set est différent. En effet la set list change un peu, la formation aussi (à New York, un batteur était présent), les musiciens aussi parfois (Agnelli et son violoniste ne font pas toutes les dates), bref chaque ville a l’impression de vivre une soirée différente avec le même amoureux. Et à la sortie, pour les plus courageux, Dulli dédicace le live de New York de cette année, déjà mis sous presse, les fameux t-shirts dont je vous parlais au début, les posters de la tournée. Et pour quelques uns, dont nous, ils est encore resté discuter un bon moment, rejoint par Dave Rosser, adorable, et Manuel Agnelli qui, même s’il fut de son côté accaparé par un couple d’italiens, a trouvé un créneau pour une photo. Greg Dulli est un gars simple et avenant derrière sa carrure de boxeur et s’il reste impressionnant, c’est de gentillesse et bien-entendu de talent.

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Vendredi vous aurez l’occasion de lire une interview du groupe italien At The Week-End, un rock surprenant et bien foutu, en anglais. En attendant je vous souhaite une excellente semaine.

Greg Pinaud-Plazanet

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