Il a eu une carrière florissante, vendu 20 millions d’albums environ. Et pourtant, il voulait d’abord être reconnu comme un chanteur de rock. Retour sur la carrière un peu plus inconnue de Daniel Balavoine, chanteur populaire aux racines glam rock.
1983. Daniel Balavoine reçoit une journaliste dans ce qui ressemble à un hôtel. Au bord d’une piscine, les lunettes de soleil visées sur les yeux, il ouvre un sac en toile noir. Et en sort un album de Peter Gabriel. Quelques années plus tard, après le succès de son dernier album Sauver l’amour, il évoque la possibilité de faire un disque avec son idole. Quelques mois plus tard, il meurt dans ce foutu accident d’hélicoptère sur le Paris Dakar.
Balavoine s’est toujours défendu de faire de la « guimauve », ou de faire de la variété. Et pourtant, il a souvent navigué entre variété et rock. Dans une interview, Philippe Manoeuvre avait déclaré dans les années 80 : « Comme Goldman, on voudrait qu’on dise que c’est un rockeur parce que ça fait bien. Mais non, désolé, Balavoine, il a jamais fait du rock ». A la même époque, dans Rock’n’folk, il se déchaîne contre Freddie Mercury et Queen. Comme quoi…
« Ce n’est pas de la musique anglosaxone avec des mots en français »
Daniel Balavoine, n’en déplaise à Philippe Manoeuvre, a pourtant débuté à Paris dans un groupe de rock, comme Goldman. En 1971, il fait partie d’un groupe nommé Présence. Créé par Jean-Louis Désumeur dès 1969, il intègre le groupe comme chanteur. Le groupe n’est pas au mieux lorsqu’il arrive : un des membres veut quitter la formation, et le créateur enregistre avec Richard Anthony. Et puis arrive Balavoine, avec Michel Cohen (basse) et Alain Crépin (batterie). Ils viennent compléter cette nouvelle formation. Un 45 tours sort alors, avec deux chansons écrites par Balavoine : « La lumière et la folie » et « le jour s’est levé ». Etonnantes chansons où se retrouvent l’influence des Beatles, du rock anglosaxon de Bowie ou de Genesis. Présence est un groupe de rock progressif qui tient la route mais n’aura jamais de succès. En mai 1972, Balavoine quitte le groupe pour enregistrer en solo. Un an plus tard, Présence sortira son premier 33T. Avant de disparaître.
Deux premiers albums, deux pépites
Balavoine, parti en solo, remontera certes un projet avec son frère Guy, Mélodie S.A. A Paris, le chanteur vivote. Il se fait d’abord repérer par Patrick Juvet, le chanteur à minettes qui l’engage comme choriste. En 1976, il participe à une comédie musicale sur la Révolution Française et participe, là encore comme choriste, au concours de l’Eurovision. On est loin du glam rockeur…encore qu’avec son apparence, les cheveux longs et la voix fluette, il commence à faire entendre sa voix différente. Il est finalement repéré par Leo Missir qui se bat pour le signer chez Barclay. Intelligemment, Balavoine demande les pleins pouvoirs pour réaliser ses trois albums.
Les deux premiers seront un échec. De vous à elle en passant par moi ne sera écoulé qu’à 5 000 exemplaires, 20 000 exemplaires pour le suivant, Les aventures de Simon et Gunter Stein. Et pourtant, il y a quelque chose de savamment expérimental dans ces deux projets. Ils sont tout d’abord deux concepts albums sur deux thèmes chers à Balavoine : l’amour, la liberté. Ce ne sont peut-être pas les meilleurs albums du chanteur, où les paroles pêchent un peu. Mais, c’est peut-être ceux qui sont le plus représentatif d’un passionné de rythmes progressif. Mais aussi ouvert sur tous les styles de musiques, un peu plus variétoche. Dans Vis Loin de Moi, face B du premier single de Balavoine, on retrouve une influence un peu passée inaperçue, celle de Queen. Evelyne et moi est l’un des plus beaux textes de l’album : histoire vraie d’une aventure avec une certaine Evelyne, on peut y voir les prémices de son talent de conteur d’histoires désespérées. La plus incroyable des chansons, et la plus anglosaxone reste cependant Tes pieds toucheront par terre.
Comme ses idoles anglaises, Balavoine se lance en 1977 dans la conception d’un « concept-album ». Pour la première fois, on trouve les germes de son engagement. En 1977, alors que Claude François sort Magnolia et que le disco fait son apparition, Balavoine ose faire un album entier sur…le mur de Berlin. L’histoire : deux frères séparés par le mur entretiennent une correspondance. On parle d’une évasion, d’une arrestation, des émotions d’une situation où des hommes privent de liberté d’autres hommes. Mis en musique avec des valses berlinoises, un peu de variété, et de la musique progressive, encore et toujours.
Le rock, c’est du live
Certes, les albums suivants déviennentt de cette ligne progressive dans lequel Balavoine a baigné. Il n’abandonne pas vraiment le rock, mais donne à sa musique un ton plus accessible : en témoigne des rythmiques disco, les synthétiseurs souvent présents dans ses albums. Dans le cinquième album, intitulé Vendeurs de Larmes, on trouve beaucoup de morceaux à textes, et de purs bijoux rythmiques. Viens danser/La danse est une des chansons les plus puissantes écrites contre l’armée et la guerre, La fillette de l’étang, balade FM, traite de l’inceste, ou encore Soulève Moi, qui sur des riffs de guitare, parle serieusement de la condition des prostituées. Plus tard, son meilleur album, le tiers-mondiste Loin des yeux de l’Occident, lui donnera la postérité, avec des chansons comme Frappe avec ta tête.
Pour saisir vraiment l’intensité du Balavoine des années 80, et son côté rock, il faut regarder du côté des deux albums lives sortis. A en faire pâlir Freddie. Si ça c’est pas du rock…
Mickael Chailloux
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