Construire une identité musicale n’est pas chose aisée ces derniers temps. On s’inspire de l’ancien monde pour bâtir le nôtre tout en évitant l’écueil de la pâle copie. Mais avec un peu de volonté, il est tout à fait possible rendre un bon devoir au professeur. C’est du moins ce que tente de reproduire Somehow, un groupe parisien d’Indie Pop aux accents Lo-fi, composé du chanteur et multi-instrumentaliste Erwan Pépiot ainsi qu’Aurélie Tremblay, également au chant. Les aficionado(a)s de Belle & Sebastian ou de Morrissey n’auront probablement aucun remord à faire connaissance avec cette belle surprise qu’est Somehow. Moteur.
Nostalgie d’une époque non révolue
The Smiths, Belle & Sebastien, Joy Division, The Cure, Morissey etc. autant de noms cités ici et là pour caractériser le spleen de Somehow. Aujourd’hui et alors que les anciens ont déjà pu ratisser large pour s’exprimer sur la scène internationale des années durant, les nouvelles générations d’artistes reprennent le flambeau tant bien que mal. Erwan Pépiot, tête pensante du groupe, se retrouve dans cette configuration. Oscillant entre une musique Indie Pop assez rigoureuse et une production désaxée dîte Lo-fi ou « Do It Yourself » (DIY), la formation Somehow fait le pari de composer avec cette tradition vieille de presque 40 printemps. La démarche est plus que louable et le résultat est relativement concluant.
Retour aux sources pour Somehow
Erwan P. est très vite initié à la musique grâce à ses deux frères. Après une première expérience en groupe, il bûche finalement sur un projet solo. C’est en 2006 qu’il achève son premier album solo pour le moins artisanal ou plutôt Lo-fi. Au diable les fioritures ! Pourvu que ça vienne du cœur ! Ce premier jet va lui permettre de trouver un sens à sa trajectoire, qu’il corrigera par la suite pour en fin de compte trouver un son plus fin, plus personnel sans pour autant perdre tout le sel de son univers. La chanteuse Aurélie Tremblay se joint à l’aventure peu après. Ensemble, ils accouchent en 2015 d’un premier LP auto-produit, intitulé The Desert of Wasted Time. Directement inspiré par l’esprit « Do it Yourself » (fais-le toi-même), le tandem n’attend pas que l’hiver arrive pour plonger dans le grand bain glacé de l’industrie musicale.
Si les deux parisiens parlent volontiers d’Indie Pop pour se définir, c’est avant tout pour faire écho aux années 80 et plus particulièrement aux formations Rock qui ont accompagnées cette mouvance n’hésitant jamais à briser le circuit classique. C’est ainsi que naît la culture Lo-fi où produire à moindre frais sans se soucier des codes et des conventions allait bon train. La présence d’Aurélie T. se fait moins ressentir sur les albums néanmoins, celle-ci permet un échange dynamique entre les deux artistes. La suite, elle se fera en démarchant les labels. C’est finalement Toolong Records, basé à Toulon, qui se chargera de prendre le groupe sous son aile.
Erwan Pépiot – Somehow
Le DIY n’est pas mort, vive le DIY !
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, faire du « Do It Yourself » ne signifie pas nécessairement faire n’importe quoi, n’importe comment pourvu que ce soit fait main. C’est avant tout un schéma de pensées, un véritable état d’esprit, une démarche. Bref, une culture à part entière: on bricole, on invente, on réutilise. On est complètement à rebours du productivisme à outrance. Dans la musique, cela peut se traduire sous la forme d’une lutte directe contre le merchandising racoleur employé sans scrupule par les majors. Oui mais voilà, faut bien remplir son caddie ma p’tite dame. Les temps sont durs et les moyens sont parfois rudimentaires. Qui plus est, le monde n’est pas si binaire qu’il n’y paraît. Si l’on a toujours cette image peu laudative du producteur de musique, adossé à son siège, le cigare au bec, déblatérant les sempiternelles discours avides, on peut se rassurer de voir des gens avec un minimum de sincérité artistique tirer leur épingle du jeu. C’est sur ce schéma-ci que nous avons le plaisir de retrouver le groupe aujourd’hui, rassuré d’être soutenu par un label.
Le parti pris de Somehow
Avec pour le moment deux albums au compteur, Somehow propose une musique délicate, introvertie et empreinte de mélancolie. C’est relativement doux sans être mièvre. Les deux albums se rejoignent pas mal dans la composition. Mais si The Desert of Wasted Time parvient à être plus assumé, plus libéré que son petit frère Hidden Memories, sorti en 2017, on sent malgré tout une certaine homogénéité à l’écoute des deux LP. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Toutefois, ce manque de relief peut avoir deux effets: soit elle va rassurer son auditeur en lui fournissant une structure familière et plaisante; soit à l’inverse, elle va finir par le lasser et le perdre. La vérité se situe probablement entre les deux. En dépit de cela, il est à saluer le talent certain que transmet le groupe. Les arrangements sont propres tout en gommant le côté lissé dans lequelle se complaît parfois la Pop Music.
Outre un léger manque de lâcher prise, la démarche reste toujours sincère. Les inspirations sont manifestes, en témoigne le titre There’s a Riot Coming. La manière de chanter, les notes au synthé façon 80’s rappellent bien évidemment le hit Love Will Tear us Apart de Joy Division. The desert of wasted time, dans un autre angle, se jette timidement à l’eau lorsque ce dernier s’agite un peu plus sur la fin. Toujours est-il que ce premier album, de bonne facture, reste un peu trop sur la réserve.
Il n’en demeure pas moins que Somehow a cette faculté de savoir composer des chansons mélodieuses, entêtantes. Cela se vérifie davantage sur Hidden Memories: Someday fait totalement mouche. Ici, le côté vague à l’âme du morceau fonctionne plutôt bien. Idem pour les titres A Man and a Diving Soul, Fear of Heights et While the Days Go By. Ce dernier est sans nul doute le meilleur profil de Somehow : un songwritting réfléchi, immédiat et profond. On y parle des choses de la vie : le temps qui passe, les déboires de la vie…
https://www.youtube.com/watch?v=lDKbOzufkp0&ab_channel=TOOLONGRECORDS
La spécificité de Somehow
Somehow parvient avec justesse à s’associer à la jangle pop des Smiths évitant au passage de servir la même soupe insipide que nous proposent péniblement Broken Back ou anciennement Frerot de La Véga (déso pas déso). Exit les artifices, les effets dispensables et les trois accords de guitares aléatoires. Somehow est un groupe sérieux, efficace, appliqué. On remarquera l’omniprésence de la guitare acoustique, épousant le timbre de voix quasi rauque, vibrant, lointain du chanteur. La ligne de basse résonne de part et d’autre pour introduire des textes intimistes et gracieux. Il ne reste plus qu’à attendre un troisième album tout aussi réussi et plus relâché que son prédécesseur, normalement prévu pour 2019. Guys, here we are !
https://somehow.bandcamp.com/album/over-the-raindrops-reissue
https://www.facebook.com/ThisIsSomehow/
Marcus Bielak