En ce soir de décembre, Winter Camp Festival oblige, je me rends au concert de Samaris, à La Maison Folie Hospice d’Havré de Tourcoing. Ayant pris le tramway, en voulant éviter les inconvenus souterrains, j’arrive vers 19:15, bien en avance pour ne pas me retrouver face à une queue interminable.
Surprise l’endroit est désert, et ceux, même 15 minutes avant l’ouverture des portes, initialement prévue à 20h.
Seules quatre personnes attendent, irritées et grelottantes, aux portes de la salle. Tendant l’oreille, une langue inhabituelle me parvient. Et, jetant un coup d’oeil plus précis à cette petite troupe, et remarquant leur accoutrement atypique, je réalise que Samaris et son staff se trouvent à 10 mètres de moi, bataillant avec la porte que personne ne vient ouvrir.
Je reste figée sur place, me balançant d’un pied à l’autre. Et telle l’idéaliste que je suis, je les ai juste salué de loin, mais n’ai pas voulu perturber le mystère qu’ils m’inspirent encore à l’heure qu’il est. Je n’ai su me résoudre à briser la glace, habitée par l’impression absurde de me retrouver face à des OVNI, de part leur flegme islandais et l’idée que je me fais de leur façon d’appréhender le monde, qu’ils traduisent dans leur musique. Excuse irrecevable, je vous l’accorde, mais sur le moment, ce fut le cas.
Puis, ils s’éclipsèrent, et les premiers spectateurs arrivèrent, timing parfait pour qu’ils évitent ainsi un guet-apens de curieux mélomanes.
Quarantenaires habitués, jeunes curieux ou baroudeurs les ayant déjà vus dans leur fief, le public est particulièrement cosmopolite, mais nous ne sommes qu’une trentaine… Pour une salle qui doit faire la moitié du Grand Mix (salle tourquennoise qui, par ailleurs, sponsorisait ce Winter Camp Festival), l’ambiance est très intimiste, mais propice à un accueil tout à fait chaleureux.
La première partie du londonien Fyfe est brève, mais appréciable. Toutefois, aux antipodes de l’effet que Samaris fera sur nous tous : absolument mystique. Je pèse mes mots, sincèrement.
Comme je l’avais écrit, ce trio n’est constitué que de talents âgés d’à peine une vingtaine d’années. C’est absolument stupéfiant de voir l’atmosphère qu’ils créent à eux trois.
On discerne clairement le squelette de leur musique qui est guidé par la table de mixage branchée à l’ordinateur, que Þórður manipule, et dans lequel tous les morceaux sont déjà enregistrés. Mais ce qui fait la différence, c’est que même si cet élément est majeur, chaque acteur de cette presta est complémentaire au jeu de l’autre.
La clarinette d’Aslaug est la touche cosmique qui vient épurer les sonorités quelques peu chaotiques de ces mix, tandis que la voix de Jófríður vient les ponctuer, leur donner une note innocente, une sorte de trame ensorcelante.
Nous sentons au plus profond de nous-même que leur création est authentique.
La chanteuse est naturellement la représentante de cette authenticité à travers ses sautillements, ses élucubrations corporelles.. Ses mouvements sont tellement atypiques, que lorsque j’en parlais avec l’une des personnes que j’ai rencontré sur place, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec une courbe cardiaque.
Effectivement, ça parait flippant, vous visualisez peut-être Ian Curtis et ses crises d’épilepsies scéniques. Justement, non. Il se dégage une sorte d’innocente musicalité dans ses danses, elle vit leur musique, et c’est d’autant plus touchant lorsqu’elle essaye de mettre des mots en anglais sur la signification de leurs chansons : ode à la lune, fusion émotionnelle avec la nature… déclenchant l’hilarité de ses camarades.
Ils ont débuté leur live par Nótt, et l’ont clôturé sur Lísfíns Olgúsjór, Hrafnar. Ils mêlèrent les chansons de l’ancien comme du dernier album avec harmonie. Samaris sont indubitablement les enfants spirituels de Björk, Sigúr Rós… Trois elfes qui lient l’ère du temps et leurs sonorités électro avec le lyrisme de leur esprit profondément ancré dans leur culture islandaise.
Un passage nordiste furtif, mais dont nous sortons transformés d’une manière ou d’une autre.
Sandra Farrands