Villejuif Underground

Le Villejuif Underground, ce diamant brut qui ne demande pas à être poli – Episode 2 : Le Passage au crible

Souvenez-vous ! Lors du premier épisode, nous dressions un portrait exhaustif du groupe du Val-De-Marne. Cette fois-ci, nous allons enfin passer aux choses sérieuses en vous parlant du son si atypique du Villejuif ! Go ahead !

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Le Villejuif Underground  avec de gauche à droite : Antonio (clavier), Nathan Roche (chant, guitare), Adam (basse), Thomas (batterie, guitare)

L’importance du Son

Difficile ne pas paraître impressionnable lorsqu’il s’agit de donner son avis sur le groupe, cependant, il faut bien avouer que ce dernier a véritablement cueilli à la loyale un paquet de gens et nous les premiers. Un premier indicateur permettant de pointer du doigt un bon groupe, c’est dans sa faculté à créer un son. Une identité perceptible immédiatement aux premières notes jouées, aux premières mesures captées, aux premiers riffs dégustés. Que cela passe par un jeu de batterie sourd, une voix singulière ou l’utilisation d’une certaine pédale d’effet, les groupes pourront toujours avoir un truc, ce truc, leur truc. Une fois ce travail exécuté, y a plus qu’à.

« Bon et sinon ça vaut quoi le Villejuif Underground ? »

Pour le coup, on peut dire que les gars ont leur son à eux, aligné dans la pure tradition du Rock Psyché des années 60’s. Dick Dale apprécierait. Les guitares couinent, transpirent. Le synthé déballe lourdement ses mélodies sur une ligne de basse oisive mais à l’affût. Le rythme, sec et vif par moment, brise habilement la moiteur du bazar. Et alors, si en plus vous avez une voix qui porte bien, à l’instar du timbre caverneux de ce bon Nathan Roche, il y a de quoi se reposer sur ses lauriers. Voilà pour le briefing.

Les deux albums sont de très bonnes factures, attachants, denses et tout sauf lassants. Il y a quelque chose d’immédiat, d’accessible, de prenant, d’accueillant chez eux. D’une simplicité déconcertante, chaque titre sort du lot. Le côté organique apporte une valeur ajoutée plus qu’appréciable. La force du Villejuif Underground tire des leçons du maître à penser Mac Demarco. Indétectable à première vue, la troupe entretient soigneusement cette capacité à leurrer en livrant sur place une fausse légèreté, mal interceptée, et qui par la force des choses, s’infuse pour dévoiler tout son sel aussi riche qu’un Lannister.

C’est épatant bien qu’encore mal compris. Non, le Villejuif Underground n’est pas un collectif de branleurs désabusés. Ce sont bel et bien des mecs doués, malins, sensibles et qui se sont bien trouvés. Ils réussissent qui plus est à faire sortir mutuellement le meilleur de chacun, vérifiable à l’écoute de leur discographie. C’est beau, c’est propre.

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Pochette du LP Le Villejuif Underground, sorti en 2016 sur le label SDZ Records

Avec sa voix grave et grasse, Nathan Roche se charge d’apporter un peu de poésie dans ce bazar mélodieux. Le bougre est plutôt bon et manie le verbe dans la langue de Shakespeare avec justesse et honnêteté. Il est bon parce qu’il sait laisser sa trace, capter l’attention, éveiller la curiosité. Illustration avec deux titres évocateurs que sont Wuhan Girl, issu du second album et Le Villejuif Underground que l’on retrouve dans le EP Heavy Black Matter. Tous deux intéressent, tous deux interrogent : « C’est qui cette fille de Wuhan ? » « Pourquoi vous citez un extrait de la demande de visa de Nathan ? ».

Roche écrit sans le savoir (ou pas) la légende du Villejuif Underground. Mais ce qui donne de la matière et permet d’affirmer que celui-ci est un groupe de qualité, c’est son habillage. Le texte est porté par des mélodies entraînantes, distinctes, inspirées. Il y a du rythme, du groove, de la résonance, de la diversité sans perdition hasardeuse. Le travail paie. Le public est au rendez-vous.

Un LP, un EP et un succès mérité

Le Villejuif Underground (l’album) est excellent. Bien plus candide et gai que le reste de la discographie, il se consomme du début à la fin avec délectation. Très frais, Le Villejuif Underground (encore l’album) pose les fondations du groupe. Dès le début, on est attrapé en plein vol par Visions for Shannon, chansonnette guillerette procurant une énergie revigorante à grand renfort de riffs de guitare bien Surf. On se trémousse, on apprécie et on attend la suite de pied ferme.

The Daintree is Gone s’inspire de son prédécesseur mais parvient à donner un peu de relief en ralentissant un chouia le rythme. On se croirait en croisière à Bora Bora, au côté de Buddy Holly. Que de douceur, c’est un grand oui messieurs ! C.C.C, une « Cool Crazy City », propose une mélodie singulière et entêtante. Dans la chanson, Roche dresse un portrait empirique d’une ville apparemment pleine de vie. Exquis.

Ah ! Parlons désormais de Since Evereything Changes. Tout droit sorti des années 60’s, le morceau est dégoulinant de paresse, lazy à souhait. On imagine sans peine que des substances ont probablement donné un coup de pousse à la composition du titre. Démonstration en vidéo ci-dessous.

https://www.youtube.com/watch?v=BEh3hntAJjQ&ab_channel=ThePassengerISDEAD

Cold Dark Place in your Art calme un peu les ardeurs. Ici, on prend un peu de recul. Le rythme lent mais progressif donne au titre une teneur un peu plus construite que ses homologues. À côté, Portrait of a Serial Killer passe un peu à la trappe mais sauvegarde le tonus de cet album qui jusqu’à présent fait un sans faute. C’est alors qu’arrive sur la table On the Seine ainsi que Chefchoen Blues, deux poids lourds, deux merveilles.

On the Seine est sans conteste l’un des meilleurs morceaux de Le Villejuif Underground (l’album) et du Villejuif Underground (le groupe). Tout se marie à la perfection. La guitare onirique épouse idéalement les notes hallucinogènes du synthé. Le refrain est délicieux. Ça fond dans la bouche… Notre imagination s’agite à l’écoute de cette ballade. On se projette au cours d’un retour de soirée bien arrosée, titubant au bord de la Seine, l’esprit troublée ou au contraire enjoué d’avoir enfin pécho la personne tant convoitée (I’m in Heaven). De l’or en barre !

https://www.youtube.com/watch?v=HVLrrHKGAMw&ab_channel=MaxDembo

Concernant Chefchoen Blues, tout laisse à penser qu’un voyage au Maroc a donné quelques idées à Nathan Roche pour accoucher de ce morceau pour le moins coloré. Un voyage à Chefchaouen plus précisément, où le bleu vif et la disposition labyrinthique des ruelles épatent autant que l’efficacité de ce titre aux accents californiens. On pourrait aisément y voir une métaphore sur la complexité de la vie que distille Roche, ou simplement un avis du bourg sur Tripadvisor. Ou alors tout ça n’a aucun sens et aucun rapport avec le Maroc. Bref, c’est bon, dynamique, mélodieux, habile, irrésistible. Nickel.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=112&v=_qMtWubUjh0&ab_channel=CrocoDealos

Sake of the Sake se veut en revanche bien plus zen ou plutôt bien plus mystique mais aussi plus introspectif. Le clip nous plonge en pleine festivité au sein du fameux QG de la bande de potes. Le goût au palais est particulier. La sensation d’accompagner en plein trip la compagnie n’est jamais très loin de nous. C’est assez déroutant mais fun à vivre. Après vous.

https://www.youtube.com/watch?v=46lsMJpCsKs

Absinthe Minded Woman n’est guère plus débordant de vitalité. Cela ne l’empêche pas de faire le café et de rappeler tout le génie de Roche, à savoir celui de faire travailler une nouvelle fois notre imagination. Il suffit d’un nom de titre abscons pour immédiatement dresser un portrait robot de cette femme, probablement portée vers la boisson de Van Gogh.

Portrait of A Serial Killer, Wuhan Girl, Absinthe Minded Woman… Il est encore temps de se questionner sur les fréquentions de l’australien. Toujours est-il que la mission est plus qu’accomplie. Le temps est si vite passé ! C’est du moins le sentiment qui se dégage au sortir de ce premier essai indiscutablement transformé par l’équipe du Val-de-Marne. Il y aurait tant à dire sur Le Villejuif Underground (l’album). Une chose est sûre, c’est un album à se procurer sans hésitation !

Dans la foulée, le groupe en profite pour nous pondre Heavy Black Matter. Le mariage est déjà consommé entre le collectif et Born Bad Records. Par l’intermédiaire du EP, nous avons la possibilité de faire plus ample connaissance avec Le Villejuif Underground (le groupe). Car en effet, c’est à travers Le Villejuif Underground, premier morceau du set, que nous pouvons véritablement appréhender la légende des loubards du 94 (now I’m lockdown, waiting patiently in the dark, I’m hiding illegally from french officials, where I cannot be found… in Le Villejuif Underground). Imparable, jubilatoire, clinquant, Le Villejuif Underground (la chanson) s’exhibe logiquement comme la bannière toute froissée du quatuor.

https://www.youtube.com/watch?v=TIjtRQEyYBo&ab_channel=BornBadRecords

Le reste du EP se laisse timidement croquer. On reste en revanche un peu en dessous du premier LP. Rock’n’Roll  80’s Violence relève un peu la barre en nous proposant un son de guitare crasseux percutant comme on aime.

Février 2019, l’heure de vérité

Nous sommes en 2017 et la légende du Villejuif Underground n’est plus. Certes, le groupe existe toujours mais plus la colocation, suite à une inondation dans la maison qui a forcé la troupe à lever le camp pour de bon. Les esprits restent encore marqués par cette claque prise en 2016.

Désormais, il va falloir en mettre une deuxième, tout aussi claquante sur l’autre joue que tend à peu près tout le monde. Sacré pression sur les épaules pour mettre en route un second bébé, que le groupe a eu du mal à porter sur ses épaules frêles. On raconte que l’enregistrement était long, crispant, fastidieux et cela se ressent pas mal à l’écoute de When Will the Flies in Deauville Drop?.

Exit l’insouciance des premiers instants. Il s’agit dorénavant de garder le cap pour ne surtout pas décevoir. On sent un sérieux, un contrôle bien plus perceptible qu’auparavant dans le squelette de ce très réussi When Will the Flies in Deauville Drop? (fiou). Sacrebleu, l’honneur est sauf même si vous étiez déjà spoilé au début de ce long article.

Image associée

Pochette du LP When Will the Flies in Deauville Drop?, sorti en 2019 sur le label Born Bad Records

Le plus impressionnant là-dedans, c’est que la magie reste on ne peut plus intacte. When Will the Flies in Deauville Drop? s’inscrit avec brio comme la suite logique du premier opus. Un ouf de soulagement qui a plus de sens qu’en apparence et sur lequel nous reviendrons plus tard. Pour l’heure, concentrons sur ce deuxième jet qui commence sur les chapeaux de roue, grâce au ravageur John Forbes. Une jolie dédicace à l’encontre du poète australien, coup de cœur artistique de Roche (qu’il ne faut pas confondre avec le mathématicien de renom John Forbes Nash). Jouissant d’une intro hyper rétro, John Forbes introduit de la meilleure des façons ses pairs.

Deuxième sur la liste, I’m Sorry JC, complainte sincère et touchante de Nathan Roche à destination cette fois-ci de John Cale, ancien membre du groupe Velvet Underground. Roche était jeune et dans un état second lorsqu’il assiste à un concert du musicien qui, à un moment donné, rend hommage à un ami disparu. Dans une inexplicable impulsion, Roche éclate de rire, pensant écouter une blague de la part de Cale. Inutile de s’étendre davantage sur la gêne ressentie par le jeune australien puisqu’il se charge de lui donner vie d’une admirable manière.

Post Master Failure accélère la cadence sur un jeu de batterie frénétique. Apparemment, la Poste n’apporte pas ce que l’Avenir promet à Nathan Roche, guidé ici par une mauvaise expérience avec notre service public. Qu’importe… Il est à noter que l’on fait face à quelque chose d’encore inexploré dans la construction du morceau, qui convainc tout de même sans peine. Puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, l’excellent Wuhan Girl sonne enfin à la porte.

https://www.youtube.com/watch?v=BLsXXthjnk8&ab_channel=BornBadRecords

Il semblerait que cette « Wuhan Girl » n’a pas laissé de marbre les garçons, qui ne délient pas beaucoup leur langue pour parler de cette fille manifestement bizarre. La saturation stridente de la guitare n’extirpe jamais la poésie qui règne autour de ce single, déjà disponible avant la sortie de When Will the Flies in Deauville Drop?. Backpackers se donne pour mission de réveiller les deux du fond pensant que le Villejuif Underground ne sait faire que dans le décalé. Le titre fournit un peu de souffle dans sa composition aéré et sans prétention. Le guide du routard apprécie.

https://www.youtube.com/watch?v=m8eDRKJMk1k&ab_channel=BornBadRecords

Les idées crépitent inlassablement pour Nathan Roche, qui peut se gargariser d’avoir autant vécu de choses, d’avoir autant voyagé mais également d’avoir autant de sensibilité et d’empathie. Exemple avec l’audacieux Bataclan. Sobre, Bataclan range dans le placard l’espièglerie du groupe, ce qui n’est pas le cas du savoureux Subterranean Skies. On retrouve à nouveau tout le groove du groupe qui commençait un peu à nous manquer. Ça fait du bien.

Sur le même registre, Come Back Special est tout aussi funky. C’est assurément dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Attention, les nouveautés qu’insère le Villejuif Underground sont plus que les bienvenues. Can You Vote for Me ? le prouve en faisant admirablement le pont entre les deux LP. Le titre combine l’authenticité de Le Villejuif Underground (l’album) et la précision de When Will the Flies in Deauville Drop?. Bon on ne va pas épiloguer sur le contenu du clip, encore moins sur la présence de Marine Lepen en son sein. Vous l’aurez compris, on est à rebours des clips VEVO sur-calibrés, même s’il faut bien avouer que c’est rigolo à mater. Enfin et malgré les apparences, n’y voyez aucun message politique là-dedans. Merci de votre compréhension.

https://www.youtube.com/watch?v=-O8WcfxdAA0&ab_channel=BornBadRecords

Aimez-vous Pernety dans le 14ème ? Nathan oui, un peu en fait et vous le fait savoir sur le traînant I Like Pernety. When Will the Flies in Deauville Drop? baisse le rideau avec le concours de l’hypnotisant Haunted Château. Sur ce titre, l’australien raconte ses déboires avec notre si belle langue, avant de refermer le livre.

Et maintenant ?

Applaudissements. “C’était super chouette” scande un spectateur dans la salle et effectivement, Le Villejuif Underground touche à nouveau sa cible avec When Will the Flies in Deauville Drop?. Le LP se tient relativement bien et confirme la belle lancée de la clique parisienne. La stratégie consistant tout simplement à s’exécuter et de voir ensuite aura porté ses fruits. Du coup, tout va bien dans le meilleur des mondes alors non ? Oui mais… Oui mais quid de l’avenir ? Pour traiter cette question éculée, que diriez-vous de faire un peu de psychologie de comptoir ? C’est sur cet angle incongru que nous concluerons cette saga dans le prochain numéro

Marcus Bielak

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