Review

Ronnie Dunn, de l’impuissance de la rebellion

Dans son nouvel album, l’ex-chanteur du duo Brooks & Dunn nous propose la paix, l’amour et la musique country (Peace, Love and Country Music– Little Will-E Records -2014). D’accord, mais ce n’est qu’en apparence. Car, dans le fond, les fissures se creusent entre country pop et country traditionnelle…

Ronnie Dunn à Las Vegas, le 1er avril 2011, lors d'un concert. ©Getty Images

Ronnie Dunn à Las Vegas, le 1er avril 2011, lors d’un concert. ©Getty Images

WOODSTOCK AU TEXAS ?

Pour écouter ce disque, on peut commencer par la fin, une fois n’est pas coutume. La dernière chanson de l’album est celle qui donne son nom, et sa tonalité au disque. « Chaque nuit, je m’agenouille devant mon lit et je prie pour trois choses : la paix, l’amour et la musique country » : Ronnie Dunn suit son chemin de croix, faisant des choses « simples » (de la musique en sorte), respectant sa religion et priant pour la sainteté (il faudrait donc bientôt envisager une canonisation) : la musique country. Réécoutons le morceau You don’t know me , inspiré peut-être de chansons soul, et nous pourrons apprécier le magnifique « orgue » dont nous gratifie Ronnie.

On n’insistera pas cependant sur l’aspect hippie ou religieux du disque, puisque nous devrions reconnaître qu’il n’y en a pas vraiment. En réalité, ce qu’il y a dans cet album, c’est beaucoup de guitares électriques, beaucoup de country-rock en réalité. Des morceaux comme Country This, Cowgirls Rock&Roll, Let’s Get the Beer Joint Rockin’ en sont de nombreux exemples majestueux du bon filon qu’exploite Ronnie Dunn le texan. Et le pétrole musical de Ronnie, c’est donc bien la country music. Les chiffres font tourner la tête : plus de 30 millions d’albums vendus avec son duo Brooks & Dunn (ce qui les placent en bonne position parmi les artistes qui gagnent le plus), dont 6 millions pour leur seul album (très bon, par ailleurs), Brand New Man. Cette musique, il l’aime énormément. Et logiquement, il a envie d’en faire la promotion, voire même d’évangéliser le monde pour que tout le monde écoute George Strait, Willie Nelson et autres grands musiciens.

LA TRADITION CONTRE LA MODERNITE ?

Mais voilà, maintenant, Ronnie Dunn est sur un nouveau label indépendant, Little Will-E Records, qu’il a fondé. Parce que Ronnie Dunn ne supporte plus l’industrie musicale country de Nashville, qu’il accuse d’avoir trop de pouvoir et de fabriquer des chansons-exécréments (pour être polis, dirons-nous) : « Etre mainstream, c’est la route vers la médiocrité. Ca m’a pris 20 ans pour le réaliser. Maintenant, je me sens prêt à essayer différentes choses » avait-il déclaré à David Meereman Scott.

Ronnie Dunn est un fervent soldat de la guerre contre les nouveaux groupes à vocoder-twangy, qui se permettent d’utiliser les ancestraux instruments en les associant à d’autres formes d’expression comme le rap ou encore la pop. Dans Country This, morceau phare du disque et un hymne très dur (et très bruyant, ou les guitares fusent de partout), Ronnie Dunn explique que “everybody talkin’ about dirt roads/everybody talkin’ about the tall pines/everybody sayin’ the « y’all » word… » bref, vous l’aurez compris, l’anaphore est simple : tout le monde utilise des mots qui sont vidés de leur substance, mais qui sonnent country. On habille quelque chose de country qui ne l’est pas.

Comme Eric Church, ainsi que l’a remarqué ce bloggeur, Ronnie Dunn fait partie maintenant du mouvement « new Outlaws », réminiscence de ce mouvement qui dans les années 90 faisait de sa bataille contre l’industrie de « Music City » Nashville sa priorité. Malheureusement, continue-t-il, l’album de Ronnie Dunn pêche selon lui par des chansons trop faibles et même pire, qui font appel aux mêmes outils que ses détracteurs : dans le collimateur, la chanson Cowgirls Rock’n’Roll, ou le son reste très radiophonique, voir très mainstream.

Ce débat a clairsemé l’année country 2013, et la controverse entre modernes et traditionnels risque de semer de nouvelles graines en 2014. Cet album en est une. C’est aussi pour cela qu’il faut l’écouter, et le juger sur pièce.

Mickael Chailloux

 

 

Une réflexion sur “Ronnie Dunn, de l’impuissance de la rebellion

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