Le 8 avril dernier sortait le dernier album d’un artiste prodige, dont l’actualité pourrait le faire devenir porte-voix d’une génération.
Des artistes africains à dimension internationale, il est vrai que cela ne court pas les rues. Peut-être Johnny Clegg, Amadou & Mariam, Salif Keita ou autres Mory Kante ont su porter haut et fort les couleurs du pavillon africain, dans son énorme diversité musicale sans oublier Youssou N’Dour, le ministre sénégalais au Tourisme et aux Loisirs. Bon, et puis, avouons aussi que ce qui nous intéresse, nous occidentaux, dans la musique africaine, c’est sa capacité à danser.
Alors, un artiste africain qui sort un album destiné au marché international reste quand même intéressant. La force de Bombino dans Nomad, son premier album hors de l’Afrique, réside dans sa qualité d’auteur-compositeur, guitariste et multi-instrumentiste. En 11 chansons, l’artiste nous fait naviguer entre deux eaux, entre son continent et le notre, entre la musique traditionnelle africaine et la musique blues.
Il est vrai que ses influences sont pour le moins classiques : pendant son enfance, en Algérie et en Libye, il découvre Jimi Hendrix et Mark Knopfler. Et son mentor n’est d’autre que Dan Auerbach, du duo The Black Keys, auréolé de 3 Grammy Awards en 2013. Les meilleurs dans leurs domaines.
« LE BLUES DU DESERT » TOUAREG
L’homme surgit dans un moment ou l’actualité le rattrape. Né Omara Moctar, au Niger près d’Agadez, non loin du massif des Ifoghas dont est originaire sa tribu, Bombino subit les contre-coups des exils forcés, face à un gouvernement refusant de prendre en compte sa condition. Dès lors, l’homme découvre, au hasard d’une rencontre avec des parents en visite depuis le front de la libération, une guitare. Elle ne le quittera plus.
Alors qu’il n’est plus un « bambino », mot italien désignant l’enfant et surnom qui lui est attribué par le guitariste Haja Bebe, Bombino partage sa vie entre la musique blues et son activité, berger du désert vers Tripoli. Le berger solitaire devenu légendaire reçoit alors la visite de l’équipe d’un documentaire espagnol : « Guitars from Agadez Vol.2 ». Plus tard, en 2009, le virtuose rencontre Ron Wyman. Ce dernier le voit à l’œuvre dans une de ses nombreuses cassettes vidéos disponibles dans la région du Niger et du Burkina Faso.C’est là-bas que le producteur et réalisateur américain le repère, à Ouagadougou, alors que la rébellion touareg a tué deux membres de son groupe. C’est un coup de cœur réciproque entre le musicien et Ron Wyman : le premier participe au documentaire du second, tandis que le dernier produit son deuxième album « Agadez » en 2011.
NOMAD, NASHVILLE ET L’AFRIQUE
Dans le studio Easy Eye Sound de Dan Auerbach, on croirait donc rêver. C’est bien à Nashville, dans le temple de la musique country, tellement synonyme dans l’histoire d’une musique conservatrice, que Bombino enregistre Nomad, l’album qui fait sa gloire en 2013. Omara Moctar, le manche solidement accroché à sa guitare vintage 1976, déclarait à RFI : « Ce nouvel album est aussi le fruit de l’aventure et il rappelle au monde que le mot nomade souffle la liberté et le mystère, comme le rock américain. ». Toute la fraîcheur et la simplicité des tribus touaregs frappent en effet, magnifié par la guitare de Dan Auerbach, qui vient même jouer sur certains morceaux de l’album. Ce son est voulu par la moitié des Black Keys. Omara raconte : « Dan a un amour du son simple et des vieux amplis. Dans son studio, tu peux jouer sans casque : entendre et sentir tes amis à côté, ça te met à l’aise et tu te sens chez toi. D’ailleurs, Nashville peut ressembler à notre désert pour la liberté et la chaleur ! »
Le son tranche parfois avec les longues plaintes de Bombino, ce qui fait tout le charme de Nomad. Parfois très courtes, les chansons rayonnent de ce charme de l’Afrique noire : « Adinat » mèle ainsi un riff, des harmonies et un rythme si caractéristique de cette musique. Dans ce tourbillon de musique plutôt traditionnelle on retrouve bien l’essence d’une musique blues : « Her Tenere » est un joyau de musique rock que Mark Knopfler ne renierait pas. « Azamane Tiliade » et « Amidinine » explosent et livrent leur liquide blues-rock à nos oreilles : aucun riff n’est en trop. Mais, c’est un fait, nous sommes repus…enfin, pas totalement, car lorsque les solos arrivent, notre corps décide de repartir de plus belle, nos jambes doucement sombrent dans la folie. Ce que fait Bombino dans « Amidinine« , c’est presque aussi fort que le « Lonely Boy » de son auguste producteur.
Au milieu de l’album se trouve la petite gourmandise que représente « Niamey Jam » : l’instrumental représente toute la folie de ce qu’on aime dans la world music. Certes, le terme ne plairait peut être pas au vulgarisateur d’un « blues du désert ». Quoiqu’il prend quand même conscience de sa grande popularité, face à une actualité africaine qui fait rage. Le massif des Ifoghas dont il est natif fut en effet la cible des combats de la guerre contre les terroristes du Mali. Loin du tumulte de l’opération Serval, Omara « Bombino » Moctar regarde la zone qu’il connait pour l’avoir parcouru en exil longtemps émaillée par les combats et les révoltes : « même en studio au Tennessee, je voulais toujours parler de notre culture et dire au monde que nous sommes des éleveurs et non des terroristes ! On n’a rien à voir avec les djihadistes. Chanter, ça ne veut pas dire qu’on cherche les problèmes mais plutôt qu’on cherche à les résoudre ! ».
La précision, en ces temps troublés, méritait d’être faite : on peut être éleveur de bêtes touareg sans être un dangereux terroriste. Bombino en fait la preuve dans Nomad. Passé à la Flèche d’Or le 18 avril, Bombino reviendra en France durant l’été à la faveur de nombreux festivals. Il sera aussi le 4 septembre à Paris à la Cité de la Mode et du Design. Entre temps, il parcourra l’Europe, de Manchester au Portugal, ainsi que quelques dates dans le Tennessee, aux US.
Source : RFI
By Mickael Chailloux
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