Découvertes

JAGWAR MA – Le meilleur groupe du monde ?

DJs, rockeurs, talentueux, Australiens… Les actifs de JAGWAR MA ont réussi à s’octroyer pas mal de casquettes au cours de ces trois derniers années depuis qu’est sorti Howlin, leur somptueux premier LP signé sur le label indé Mom + Pop Music à NYC. La suite, nos joyeux lurons l’écriront fin 2016 de leur patte sous la griffe Every Now and Then, propulsant les Australiens, à l’instar de MGMT avec Congradulations, au rang de « Mecs qu’il faut prendre au sérieux parce qu’ils pèsent dans le game ». Un statut énormément envié qu’ils arracheront d’un simple coup de papatte non sans tout le flegme et la nonchalance qui les caractérisent tant. Retour sur ces dernières années belles comme le jour.

I’m just talkin’ ’bout my g-g-g-generation

C’est une tendance qui sévit depuis un peu moins de cinq ans maintenant où celle de voir émerger sur le bord de l’eau, calmement mais sûrement, moult petites formations pas peu ambitieuses et dégourdies venant nous pondre des bijoux inattendus, surprenants, aux saveurs irrésistibles dont nous ne nous lasserons probablement jamais. Ces bijoux sont en train de marquer une décennie. Pire encore, une génération, composée pour la plupart de jeunes mélomanes devenus de jeunes adultes en provenance des quatre coins du globe. Le phénomène a commencé début 2010 avec Alt-J en tête de cortège et son fantastique An Awesome Wave sorti en 2012. D’autres rejoindront le mouvement, les plus connus étant Tame Impala, WU LYF, Temples, XX, Mac Demarco, Empire of the Sun, Warpaint et bien d’autres. Cette ambassade de groupes n’a pas encore de la bouteille que déjà se crée en nous plein de nostalgie en les citant. JAGWAR MA rejoint la compagnie en 2013 lorsqu’arrive leur pépite Howlin. En 2010, le trio n’existe pas encore. Il faut attendre 2011 pour que la rencontre entre le duo Gabriel Winterfield (le chanteur/guitariste qui sait que l’hiver vient) et Jo Ma (producteur des sonorités au synthé, des samples, des beats et également guitariste du groupe) se fasse. C’est un peu ce dernier qui chapote tout, même si nous le verrons un peu plus tard, JAGWAR MA est en fin de compte une sorte de petite machine bien huilée où chaque mécanisme, chaque rouage a son utilité pour produire cette musique à la fois complexe et évidente de simplicité et de vitalité.

JAGWAR MA avec de gauche à droite : Gabriel Winterfield (chant, guitare), Jo Ma (synthé, samples, beats, guitares) et Jack Freeman (basse)

Leur méthode de travail se révèle être très empirique. L’expérimentation est de mise. On bidouille, on teste et on voit si ça sonne bien. En fait, ils procèdent comme la plupart des groupes, si l’on rajoute en plus les amplis, la table de mixage, tous les instruments de prise de sons, le modificateur de voix, les pédales d’effets, le synthé, les guitares… sans oublier la basse qui, contrairement aux apparences, apporte aussi sa plus-value. En parlant de basse, n’oublions pas le bassiste Jack Freeman dans l’histoire, une vieille connaissance qui rejoint le groupe peu après. C’est à ce moment que JAGWAR MA naît. Leur premier LP est très bien accueilli en Angleterre mais aussi en France. Toutefois, leur visibilité se consolide définitivement en 2015, lorsque le groupe accompagne Tame Impala en tournée. La machine est véritablement lancée.

JAGWAR MA, l’usine qui vous fait danser

Clairement, JAGWAR MA est une formation calibrée pour la scène. La tête pensante, Jo Ma, le revendique d’ailleurs haut et fort. Leur son est impeccable. Le beat, à la fois fin et sec, claque dans nos esgourdes. Le flow, lui, happe, entraîne et ferait vibrer le cœur du plus coincé des snobinards. JAGWAR MA est, comme nous l’avions énuméré précédemment, une espèce de machine où bien une petite usine de production à la chaîne. Tout est millimétré, calculé et que rien n’était laissé au hasard à l’écoute des deux albums. Le plus, c’est d’arriver pour le trio à faire avec un son dance/pop/psyché que l’on mélange avec quelque chose de brut, d’abstrait, de froid et de chiadé. C’est un peu en brassant toutes ces influences que l’on pourrait définir Howlin et Every Now and Then. Le résultat est relativement bluffant quand on connaît l’enjeu mais ça marche du feu de Dieu. On écoute, on danse, on écoute puis on danse à nouveau. On s’amuse même à décortiquer chaque titre pour en extraire toute leur quintessence. Leur son est extrêmement bien équilibré, peaufiné, juste, étudié, nickel.

À l’ancienne :

La musique de JAGWAR MA sonne très 90’s. Il y a évidemment une énorme influence Madchester au travers des deux LP. La basse de Freeman y est d’ailleurs pour beaucoup. Elle apporte en effet tout le groove aux sonorités électro/dance du groupe. JAGWAR MA s’inspire aussi du travail d’Aphew Twins et de J Dilla, deux pointures du son électro. À l’époque de la sortie de Howlin, nous savions déjà que les gars ne rigolaient pas. Malgré un style décontracté, l’album est propre, carré, sans bavure. Du morceau introductif What Love jusqu’à l’obscur Backwards Berlin, il n’y a aucune fausse note. De cette liste de titres ressortent quelques singles tout simplement géniaux, à commencer par le fameux Come and Save Me. Le morceau, dans une power pop efficace, apporte énormément de fraîcheurs et de bonnes vibes tant il s’y dégage à travers les chants de Winterfield une forte énergie mais surtout beaucoup de gaieté et d’espièglerie.

Dans un tout autre esprit, What Love se veut bien moins enthousiasme mais tout aussi efficace. Il ouvre on ne peut mieux la voie pour laisser place à Uncertainely, un titre cool pourvu d’une intro irrésistible qui s’enfonce dans le ni trop ni pas. The Throw est dans la même veine que Come and Save Me, enjoué et puissant à ceci près qu’il s’insère un peu plus dans la house music. On commence tout doucement à rentrer dans la deep house à mesure que les pistes défilent avec le répétitif Four. Cette traversée dance se poursuit avec Let Her go avant d’arrêter brutalement sa course au moment où déboule le pétillant Man I Need. Ce dernier s’achemine immédiatement avec Exercise qui a sûrement dû signé un pacte avec les Stone Roses, très fort. Howlin finit avec des deux titres au ton lancinant : Did you have to et Backwards Berlin. Vous l’aurez compris, Howlin est d’excellente facture, méritant tous les éloges que l’on a pu lui allouer à l’époque.

Pochette de l’album Howlin, sorti en 2013

Deuxième album = Baptême du feu

On ne cesse de le dire, de le répéter à qui veut bien l’entendre. Il est d’ailleurs une véritable hantise pour tous les artistes qui se respectent, on parle bien sûr du deuxième album. L’exercice, pourtant pas si terrible que cela nous direz-vous, est en fait extrêmement périlleux et bon nombres de chanteur(euse)s et musicien(e)s se sont cassés royalement les dents en tentant de faire tout aussi bien voire mieux qu’avant. JAGWAR MA, on imagine, n’a sûrement jamais réfléchi à la question. C’est une hypothèse plausible qui peut expliquer une telle virtuosité dans ce second opus. Oui, Every Now and Then est une bombe, une merveille qui balaye d’un coup de revers les derniers doutes sur le potentiel de ces gars-là. Le LP est soigné, d’une justesse sans égale. Mais vraiment, on peut véritablement expliquer la réussite en Every Now and Then dans le fait qu’il a touché juste. Il n’a répondu à aucune demande, il ne sent pas le réchauffé, le trop bizarre, le trop convenu, le classique sans surprise, il n’est pas l’insipide deuxième album et il ne rentre pas dans un élitisme pédant et agaçant. Il est parfait, à point, idéalement pensé, écrit, composé, enregistré, mixé.

L’album commence sur les chapeaux de roues. Cette fois, c’est une vrai intro qui fait son apparition dans ce second album sur le titre Falling qui nous renvoie directement vers la piste Say What you Feel. On ne vous le cache pas, on a eu une petite frayeur en écoutant les premières notes de guitare. On a craint de voir arriver quelque chose de mièvre et fadasse mais c’était sans compter sur l’orchestre électronique de Jo Ma qui apporte la sous-couche électro hyper classe. C’est parti, on prend son pied.

Pochette de l’album Every Now and Then, sorti en 2016

Globalement, Every Now and Then est assez différent de Howlin sur pas mal de points : les titres sont pour la plupart plus longs, plus lointains donnant un côté DJ set à l’album. Les pistes qui suivent le catchy Say What you Feel sont ultra bien foutues. Que ce soit le malin Loose Ends ou le très hype Give me a Reason, on prend succinctement des claques dans la face et ce jusqu’à la fin. Un plaisir SM qui peut effrayer de prime abord mais qui finalement n’est pas si désagréable… Ce dernier est d’ailleurs splendide et méga bien ficelé. Monté comme une verrine que l’on déguste à l’apéro, Give me a Reason se découpe en plusieurs couches, toutes aussi savoureuses les unes que les autres. L’instro’ est à la fois puissante et raffinée. C’est le titre à passer en soirée.

Ordinary nous donne aussi beaucoup de plaisir malgré une intensité moins palpable. Batter Up et O B 1 redonnent le petit coup de jus dont nous avions besoin avant de planer sur le titre onirique Slipping. High Rotations, sans être mauvais, ne marquera pas les esprits. Il faudra compter sur les psychédéliques Don’t Make it Right et Colours of Paradise pour se souvenir que le LP est parfaitement parfait. C’est un terme, il est vrai, qui revient très souvent pour qualifier le travail de JAGWAR MA et vous seriez tenté de nous taxés soit de redondants, soit de bien trop partiaux ou encore de facilement impressionnables et peut-être que vous n’auriez pas totalement torts. Cela dit, si vous preniez la peine de voir ce que vaut Every Now and Then, vous comprendriez notre fascination.

Cet album est idéal. En effet, il est nuancé du début à la fin pour nous proposer différentes palettes de sa personnalité. On danse, on plane, on se pose mais surtout on ne s’emmerde pas une minute ! C’est un remarquable travail de la part du groupe d’arriver à nous transporter d’une humeur à une autre et ce sans pouvoir nous jauger au préalable. C’est ce qui fait un bon DJ d’un mauvais, parvenir à jauger son public pour mixer juste et bien et ça, les gars de JAGWAR MA l’on bien compris.

Il faut imaginer écouter l’album comme on écouterait le set d’un super bon DJ au flair imparable, qui balance constamment le bon son au bon moment pour capter la foule alors que ce dernier n’est physiquement pas dans la même pièce que les gens. Every Now and Then, c’est un peu cette prouesse assez dingue et improbable mais pourtant réalisé avec panache.

Donc oui, le titre de l’article peut prêter au sourire. Qui peut prétendre savoir quel est le meilleur au monde ? Cette question n’a d’ailleurs pas de sens et pourtant nous l’a posons une nouvelle fois, histoire tordre le coup une bonne fois pour toute à ce snobisme mondain qui nous empêche de véritablement exprimer le fond de sa pensée et hurler : « Bordel, qu’est-ce que c’est bon ! ». Du coup, on vous le dit : « Bordel, qu’est-ce que c’est bon ! »

Les Inrocks Festival, Grand Mix de Tourcoing, Vendredi 18 novembre 2016, 22h00 : l’apothéose

Vous commencez à nous connaitre avec le temps, on aime le travail bien fait à la rédaction. On a donc décidé de vérifier si tout ce qu’on ergotait au sujet du groupe était bien vrai. Nous nous sommes donc rendus au festival Les Inrocks Festival au grand mix de Tourcoing le vendredi 18 novembre 2016. La programmation, outre la formation Lost Under Heaven qui nous a laissé quelque peu perplexes sur sa performance, était top. Le concert de JAGWAR MA était tout bonnement excellent. Les voir jouer sur scène procure un nouveau plaisir, celui de ressentir cette chaleur si particulière qui se manifeste à chaque concert de groupe se mariait aux sonorités électro froides. La voix douce et joyeuse du chanteur ainsi que les vibrations des cordes de la basse ont vraiment fait le taff.

L’atmosphère de la salle était planante. On était comme plongés 20 ans en arrière, à Manchester, dans le club de la Haçienda, les rails de coke jonchant les tables basses en moins. Il y avait tout au long du set ce fascinant mélange de coolerie, simplicité, humilité et de professionnalisme. JAGWAR MA nous a régalé en jouant la plupart de ces tubes du premier et second LP, mise à part Man I Need que l’on aurait bien aimé écouter mais qu’importe. On est ressortis certes sous le froid mais avec une méga banane et une profonde motivation pour les revoir jouer. C’est également convaincu d’écrire un article des plus élogieux sur leur compte que nous sommes sortis de la salle de concert qui au passage (instant promo gratuite)  possède une acoustique au top. Nous espérons avoir accompli nos devoirs au travers de ces lignes à savoir : pour les gros fans du groupe, que vous partagez notre avis sur le groupe, pour les initiés mais non habitués à JAGWAR MA, que vous bougerez vos fesses pour les voir en concert et bien entendu, et pour les non connaisseurs du groupe, que vous vous empresserez d’écouter illico deux fantastiques albums.

Marcus Bielak

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