Samedi 30 mars, Troy von Balthazar donnait un concert très privé aux alentours de Bordeaux, chez un de mes amis et rédacteur du PdR. L’aventure a commencé sur Facebook lorsque Troy a demandé sur son profil si des gens souhaitaient un concert privé alors qu’il prévoyait une traversée de notre hexagone. Nous avons donc répondu, chacun de notre côté, en se disant qu’entre Toulouse et Bordeaux, il y aurait un choix à faire mais hé ! Autant maximiser ses chances, non ?
C’est ainsi que Bordeaux s’est avéré « the place to be » durant une soirée pour le moins magique devant une trentaine de personnes. Si l’avant et l’après concert resteront du domaine du privé, je voulais partager avec vous ce qu’il peut y avoir de surprenant et d’étrange d’avoir une personne que l’on suit musicalement depuis assez longtemps, chez soi, en train de jouer pour vous et vos amis. Lors de l’organisation, au-delà de la pure excitation, on finit par se poser quelques questions du style : » Euh, oui mais s’il arrive tôt avant le concert, que vais-je bien pouvoir lui dire ? Faire avec lui ? etc. » En fait, tout se fait assez naturellement et l’appréhension disparait rapidement une fois le bonhomme arrivé sur place.
Troy est un personnage assez étrange, réservé, et pour autant assez facile d’accès car d’une simplicité touchante. Pour lui, la vie n’est qu’un laps de temps sur terre durant lequel il ne souhaite que créer et jouer de la musique. Amoureux de la simplicité et de la tranquillité, presque de la solitude, loin du tumulte, Troy von Balthazar imprime sa personnalité dans sa musique qu’il veut garder minimaliste. C’est ce qui donne à sa musique, je crois, une couleur si particulière. Au-delà des textes, souvent très beaux, la mise en musique s’insinue jusque dans votre âme pour y tracer des circonvolutions sombres et indélébiles dont on ne ressort en général jamais indemne.
Dans le salon, réaménagé pour l’occasion, la lumière tamisée rendait la performance encore plus intimiste malgré la présence d’une trentaine d’amis, de copains, invités pour l’occasion. Il aurait été dommage de ne pas partager ce moment. La moitié de l’audience ne connaissant pas sa musique, la formule du concert privé prédisposait à la découverte de cet artiste pour le moins lunaire.
Troy von Balthazar se dirige vers le micro, se présente et annonce une chanson gaie. Surement la seule de sa discographie d’ailleurs. TvB s’extirpe du monde qui l’entoure pour trouver refuge derrière ses paupières closes, seul endroit où sa liberté prend toute sa dimension pour rejaillir en musique. Sa voix, fragile, comme sur le fil, telle une équilibriste, égraine des textes au travers desquels raisonne une certaine poésie, portée par une musique minimaliste et pourtant presque palpable tant par le coeur que par l’âme, si vous savez écouter.
Il est assez difficile de parler de la musique de TvB tellement chacun pourra tisser sa propre relation personnelle avec elle. C’est une musique intelligente, construite pour tracer une ligne directe entre lui et vous. Ce soir-là, je crois bien qu’il a touché bon nombre de personnes qui ne le connaissaient pas. L’endroit, cosy, a beaucoup participé à l’ouverture des chakras, ces centres énergétiques qui sont à la base de la médecine ayurvédique et qui permettent la circulation, de bas en haut, du souffle vital. Et c’est bien ce que transporte cette musique si aérienne défiant toute prévisibilité au sein même de sa structure. Troy von Balthazar s’affranchie de toute technique basée sur les gammes classiques de l’instrument pour laisser libre cours à sa créativité. TvB a donc enchainé tranquillement une quinzaine de morceaux durant la soirée, reprenant pour l’occasion Who By Fire de Léonard Cohen et Valentine de son ex formation Chokebore. Le set s’est joliment clôturé sur Wings, magnifique morceau.
Anecdote sympathique, mais qui montre aussi l’attachement que TvB peut porter à sa guitare qui le suit partout depuis plus de vingt ans: celle-ci lui a été offerte, début 1994 par Kurt Cobain lors d’une tournée en compagnie du groupe de l’ex enfant prodige du mouvement grunge. Sûremment parce que le leader de Nirvana a reconnu en Troy un solitaire, comme lui. A la différence près que Kurt subissait son isolement alors que Troy le recherchait et le recherche encore, ne comprenant pas vraiment le monde dans lequel il vit. La vie normale, encouragée par notre société, ne lui convient pas. Troy chante donc son mal-être sans pour autant tomber dans la victimisation ou la caricature, simplement en portant un regard acéré et plein de bon sens sur lui-même et ce qui l’entoure.
La soirée s’est poursuivie autour d’un pantagruélique buffet préparé par nos hôtes, d’échanges avec l’artiste, de discussions entre ceux qui connaissaient et ceux qui venaient de découvrir. Ce soir-là, nombre d’entre eux seront repartis avec, sinon le disque, au moins l’envie de reposer ses oreilles sur la musique de TvB, et au-delà de notre plaisir à le recevoir, c’était bien là le but de ce happening.
Le lendemain matin, seul un très petit comité profitait encore de la venue, surréaliste, de Troy, autour d’un petit déjeuner anglais, tout en discutant de musique, du futur, de sa façon d’appréhender le monde et la musique en général. Un grand merci à Troy von Balthazar de nous avoir fait vivre ce moment hors norme, hors des sentiers battus des salles de concerts et d’avoir insufflé en nous une certaine magie que l’on essaiera de garder encore longtemps comme une petite chose précieuse dans un écrin de velours.
Greg Pinaud-Plazanet