Aujourd’hui, c’est de mon lit, confortablement installé sous ma couette que je vous écris. Non, je ne suis pas malade, j’ai juste une flemme énorme de me lever, car je n’ai aucune envie d’affronter le vent froid qui souffle au-dehors. Alors je reste là, le chat tranquillement posé à mes côtés, me regardant de son air de « Tu ne voudrais pas arrêter de taper sur ton clavier, ça fait du bruit et je voudrais dormir ? ». Ta gueule, le chat. Pour la peine, je lui mets de la musique, celle dont je vais vous parler ce matin. Il y a pas mal de choses sympathiques en ce moment, il faut dire. Pour les vieux et les moins vieux, pour les générations se donnant la main, celles qui se passent le relais. Et puis pour les autres, aussi.
D’ici, je vois mes livres de chevet et le ciel, par le velux. Deux choses conjuguées pour accéder à l’évasion. Je me dis que j’ai tout de même pas mal de livres plutôt rock’n roll : Et l’âne vit l’ange de Nick Cave, Life de Keith Richards, Gonzo Highway d’Hunter S. Thompson et ce genre de choses de Jean Rochefort… Quoi Rochefort n’est pas rock’n roll ? Il a ce côté déjanté à la Dali. Et Dali était rock’n roll, alors merde, Jean aussi, point barre ! En fait dans cette piaule, il manque mes disques, ma platine et mon enceinte Marshall pour vraiment passer une belle journée au pieu à lire en écoutant de la musique. Malheureusement, je sais pertinemment que la réalité va frapper gentiment à ma porte ce matin et m’arracher à cette douce langueur pour me botter le cul et me mettre à bosser. Mais là, j’en profite encore un peu.
Aujourd’hui, ma discographie idéale, comprendre pour cet Edito, sera variée. Je commencerai par un album qui sortira vendredi seulement, mais dont l’écoute est dores et déjà possible sur le web : ça, c’est vraiment nous. Ok, sur le papier, cela aurait pu être inquiétant, la nouvelle génération reprenant les tubes d’un Téléphone qui vient par ailleurs de se remettre juste à sonner. Mais il n’en est rien. Un album qui ne sortira que vendredi, mais dont l’écoute est dores et déjà possible sur le web. À la pelle, on trouve Plasticines, Superbus, Skip The Use, Mademoiselle K, et puis d’autres qui d’emblée faisaient peur : Zaz, Viannet, Joyce Jonathan, Tété… Mais honnêtement ? Je trouve ce disque bien foutu, archi écoutable et parfois surprenant (Zaz sur Hygiaphone, en version rockeuse déjantée…). Après, c’est à vous de voir, perso, je n’ai jamais aimé Téléphone, je préférais Bashung (j’en profite pour vous conseiller l’excellent livre Marc Besse, Bashung(s), une vie), mais je reconnais aisément qu’ils ont été incontournables dans le paysage rock.
On reste dans les vieux pots avec Killing Joke, qui n’est, rappelons le tout de même, jamais mort, même si laissé en sommeil de longues années. Enfin, ils ne sont plus que deux de la formation d’origine hein… N’oublions pas non plus le nombre de groupes (Nirvana en tête) qui ont été influencés par ces Britanniques touchant à tout qui au fil des albums ont fait aussi bien de la new wave (Night Time, qui ne se souvient pas de Love Like Blood ?), du post punk (Fire Dance entre autres), de l’indus (l’incontournable Pandemonium), du gothique et j’en passe. Là où cela aurait pu passer pour une preuve de manque de décision, ici, c’est plutôt un même univers que le groupe visite et revisite de façon différente. Pylon, ne fait pas exception à la règle. Cet album est bon, et même très bon. Un long cri de révolte venant des abysses. Killing Joke est un groupe engagé dans une résistance affichée et précisément dirigée, et qui, comme sa musique, est sans compromis. Pylon clôt un triptyque comptant Absolute Dissent et MMXII en enfonçant le clou contre la musique mainstream et compatissante.
Allez, avant de passer aux trucs plus « jeunes », on va encore s’arrêter sur Dave Gahan & The Soulsavers qui sortent ce mois-ci Angels & Ghosts. Autant le travail de Martin L. Gore se détache de Depeche Mode, autant Gahan reste assez proche du concept de base, tout en le poussant plus loin. Ce n’est pas pour nous déplaire, mais c’est à souligner afin de savoir ou vous mettez les pieds, même si, il est vrai, l’électronique « modien» a disparu… C’est une seconde collaboration (The Light the Dead See – 2012) entre Gahan et Soulsavers (Rich Machin, et pas…Truc) avec cette fois une réelle volonté de faire fonctionner l’album sur scène en faisant le choix d’opter pour un son plus live. La voix, de plus en plus grave et profonde, de Dave Gahan est reconnaissable et toujours aussi bonne pour chanter ces espèces de ballades émotionnelles très dark. On joue ici dans les cordes mineures et avec des claviers fantomatiques. Cet album donne tout de même au chanteur emblématique de Depeche Mode, l’occasion de travailler avec d’autres musiciens que Gore, et par la même, de se dégourdir les jambes de façon créative en ajoutant de la guitare slide, des chœurs gospel blues-rock et des tambourins. A écouter d’urgence !
Pour les plus jeunes, mais pas trop non plus, il y a Central Belters de Mogwai. Une célébration des vingt années d’existence de Mogwai, soient huit albums. Après vingt ans, on pense connaitre ce groupe qui a toujours assuré avec le même line-up mais, qui tantôt fait du slowcore, tantôt de la noisy brute. Mogwai a beaucoup évolué, et tout au long de leurs albums, ces changements se sont fait sentir par un ou deux morceaux, disséminés au milieu des autres. Ce sont en majeure partie ces morceaux-là qui confèrent un réel intérêt à ce box-set. Sans compter que ces morceaux sont, pour un bon tiers d’entre eux, chantés, ce qui, pour Mogwai n’est pas habituel si l’on regarde leur façon de monter leurs albums. Ce box-set retrace tous les changements, toute la carte interne de Mogwai tout au long de ces années et montre un groupe bien différent de ce que l’on pensait de leur évolution sonore par rupture en faisant ressortir les chainons manquants auxquels nous n’avions pas fait attention.
Pour tous les autres, il y a Half Moon Run. Nous vous en avions parlé lors de la sortie de leur premier album, Dark Eyes, en 2013. On pistait alors les Canadiens qui, avec Full Circle, avaient enflammé quelque peu le paysage hivernal. Aujourd’hui, le groupe basé à Montréal revient avec un Sun Leads Me On plus posé, et beaucoup plus maitrisé. Par contre, nous nageons ici en plein folk-rock indé. Leur succès européen, essentiellement dû au fait qu’ils aient pu se faire connaitre auprès du public assez rapidement en assurant la première partie de Mumford & Sons ou encore de Monsters and Men, leur succès donc, les avait contraint au repos (plus d’une centaine de concerts par an). Et si Dark Eyes leur avait ouvert la porte de notre vieille Europe, Sun Leads Me. On pourrait, quant à lui, leur ouvrir les portes du marché US. L’ajout d’un quatrième membre a sans doute été pour beaucoup dans la composition de ce second album. Certains voient en eux les héritiers directs d’Arcade Fire, et même si je leur reconnais quelques similarités dans leurs expérimentations, je ne suis pas d’accord avec ce parallèle. Je le trouve réducteur et empêchant toute nouveauté. Ballades aériennes, harmonies entêtantes, cet album est totalement réussi à tout point de vue et Half Moon Run se retrouve dans l’intéressante position des gars qui pourraient changer la donne. Paradoxal pour un disque qui installe le doute comme thématique générale… A noter que le disque devrait bientôt connaitre une vie cinématographique… A suivre.
Bon, c’est fini pour cette semaine, mercredi, nous aurons un article sur Puts Marie, groupe ressuscité fin 2013 après six ans de silence et offrant un rock rampant et mélancolique de bonne facture. Vendredi, nous aurons certainement une Playlist, en attendant, passez une excellente semaine, pour ma part, je viens d’entendre la réalité frapper à ma porte et ainsi donner le signal du début du boulot…
Greg Pinaud-Plazanet