Dans le rétro/Grands Classiques

Rock Cult : Queens of the Stone Age et leurs « Chansons pour les Sourds »

QOTSA

Quand on parle de rock entre passionnés, il est très difficile de rester parfaitement rationnel. Très difficile. C’est pour cette raison qu’on assiste trop régulièrement aux débats classiques type 1-Led Zeppelin : hard rock ou heavy blues, 2- pourquoi Metallica a remplacé Dave Mustaine par un mec que Joe Satriani considère comme son pire élève, 3- Guns N’Roses peut-il être toujours considéré comme Guns N’Roses ou 4- qui est le meilleur guitariste de tous les temps ? (1- on s’en tape, 2- parce que ce mec a écrit Enter Sandman, alors on peut lui accorder un peu de crédit, 3- Non, mais ça veut pas dire que c’est devenu un groupe de merde et 4-Slash. Parce que Slash. Hendrix ? Bof. Page ? Mouais. Cobain ? Hahaha).

On peut assister aux mêmes querelles de clocher dans le métal (et ses douze trillions de styles différents), et c’est assez triste de constater que cela amène des préjugés qui empêchent de découvrir et d’apprécier des groupes qui mériteraient une attention bien supérieure à celle qu’ils ont. Personnellement j’ai toujours cru que Hoobastank était un faux groupe de Rock qui balançait une demi-ligne de guitare électrique par chanson pour pouvoir être catalogué Rock et passer top des ventes dans au moins une catégorie. Merci The Reason (la chanson, hein, pas l’album) pour m’avoir pendant des années fait passer à côté d’un super groupe. Bref, si beaucoup de préjugés parasitent le cœur de notre belle musique, il y a cependant des groupes qui mettent tout le monde d’accord. Queens of the Stone Age (QOTSA pour les intimes) fait partie de ceux-là.

Tout d’abord, les QOTSA sont un peu le phénix qui a émergé du tas de cendres du groupe Kyuss (co-fondateur du Stoner Rock), et ont commencé leur carrière précédée d’une excellente réputation. Le leader Joshua Homme possédait, en effet, à l’époque un réseau d’amis musiciens plutôt large, au sein duquel on pouvait notamment compter la présence de monsieur Dave Grohl. Le succès de Kyuss avait ouvert au groupe la reconnaissance des aficionados, mais ne leur avait pas permis de percer dans le mainstream, chose qui sera faite avec la sortie de Rated R (« Classé X » en français) et les hits Feel Good Hit of the Summer et the Lost Art of keeping a Secret.

Queens of the Stone Age est aussi un groupe qui a la particularité de changer de line-up entre chaque album, en plus d’inviter un nombre important de guest stars, issus de son collectif Desert Sessions. Après la tournée de Rated R, le duo Homme-Oliveri (ex-Kyuss, qui a intégré le groupe pour cet album), retourne en studio et réussit à intégrer Dave Grohl dans le groupe, au poste de batteur. Le chanteur Mark Lanegan rejoint le trio et complète ainsi le groupe qui composera le prochain disque. Pour résumer, l’album s’annonçait comme l’aboutissement d’une gestation de plusieurs années, orchestrée par les meilleurs rockeurs indé du moment.

Songs for the Deaf – littéralement « Chansons pour les Sourds » – est un concept album, mais pas comme Melody Nelson, American Idiot ou The Black Parade (nous y reviendrons dans un futur que j’espère proche). Il ne nous conte pas une histoire, mais nous décrit de manière quasi-documentaire un voyage en voiture dans le désert du sud des USA, le long de la frontière méxicaine, avec une radio un peu défaillante dont les chansons ne sont que des sautes de fréquence en fréquence.

Le résultat possède des allures de trip halluciné et de fin du monde inexplicable le tout enchâssé dans une beauté très contemplative. L’univers, cher à Josh Homme, est magnifiquement transféré à l’écran pour le clip vidéo de Go with the Flow, qui est l’un des deux titres bulldozers de l’album. Avec ses décors rouges explosifs (ciel, désert, routes !) striés de personnages en noir et blanc (la Sainte-Trinité des couleurs du rock), le clip est une des marques fortes de l’évolution visuelle de QOTSA, qui découle un peu de l’esthétique de l’allumée Feel Good Hit of the Summer. L’autre bombe de l’album est le deuxième titre, No One Knows, qui démontre l’amplitude de technique et de composition dont sont capables les Queens. Un riff anthologique, un solo dantesque, une batterie énervée et un walking bass exceptionnel de Nick Oliveri. 

qotsa-go with the flow

Si ces deux titres hantent les radios américaines depuis leurs sorties, les autres titres de l’album n’ont pas à rougir de la comparaison avec eux. Du côté des chansons « classiques », on a Six shooter qui est un Quick and to the Pointless 2, style punk énervé expédié en 1 :20 montre au poignet, First It Giveth et Do it Again (remarquables en concert), ainsi que Gonna Leave You et son pragmatisme triste, et Hangin’ Tree, servi par les râles de Mark Lanegan, qui évoque le western, et ses arbres aux pendus. On peut revenir sur You think I ain’t worth a dollar, but I feel like a Millionaire, l’introduction de l’album, qui est devenue un classique des concerts de QOTSA, même après le départ du groupe de Nick Oliveri.

Songs for the deaf comporte aussi quelques bizarreries, des titres qui sortent de l’ordinaire dans un album stoner : Another love song se moque des chansons niaises et interchangeables avec beaucoup d’humour, humour qu’on retrouve dans une version drôlissime de Everybody’s gonna be happy, reprise d’une chanson des Kinks (disponible uniquement sur les éditions anglaises et japonaises du disque). Cette reprise fait partie des deux titres cachés de l’album, la deuxième étant l’excellente Mosquito Song, avec ses guitares acoustiques, son piano et ses cuivres finaux, qui conclut (presque) le disque de manière paradoxalement épique.

Mais les meilleurs titres (d’un point de vue absolument personnel !) sont ceux qui maintiennent les autres titres un peu foutraques et leur donnent une cohérence pourtant pas si évidente. Ce sont ceux qu’on pourrait qualifier de « chansons d’ambiance » : The Sky is fallin’, God is in the radio et le diptyque Song for the Dead/Song for the Deaf. Ces chansons sont l’incarnation de ce qu’est le stoner rock : des sons lourds, des solos à rallonge, des jams inspirés entre musiciens talentueux, avec plus de changement de base rythmique qu’une chanson de Tool. Le genre de titre qui rajoute de la mystique à l’album de manière inexplicable mais qui permet un enchainement jouissif du début à la fin.

Cet album réconciliera les plus récalcitrants des amateurs de rock : c’est du hard, c’est du métal, c’est du rock, avec une pointe de psyché, de punk, c’est créatif, c’est fun, c’est perché… On pourrait continuer longtemps tant le bébé des QOTSA, qui fourmille de trouvailles créatives. Déjà, un album qui se propose comme un road trip, c’est sympa, mais entrecoupé d’annonces de (véritables !) DJ’s, c’est mieux, surtout quand ils se permettent le luxe de fustiger les TV et radios à grande audience qui balancent de la boue consensuelle à longueur de journée (oui MTV, c’est pas sympa mais c’est toi qui est pointée du doigt) ! Mettre non pas une, ni deux, mais TROIS pistes cachées –dont une est cachée au début du disque -, autre idée originale et généreuse.

Le fait d’avoir trois chanteurs différents est très agréable aussi. Non seulement leur utilisation est très judicieuse, avec Homme et sa voix douce et mélodique, Lanegan et sa gorge arrachée et son coffre puissant, et, Oliveri et ses cris rageurs et stridents, mais les trois voix sont très complémentaires et varient agréablement entre les chansons et les différentes ambiances.

La symbolique est aussi très forte dans cet album charnière dans l’histoire des Queens, car cet album, s’il marque l’entrée du groupe dans les plus grands noms de la musique alternative du 21ème siècle, pose aussi les bases de ce que deviendra Queens of the Stone Age : un groupe à géométrie variable, dont les collaborateurs gravitent autour du leader gou-roux Josh Homme. Parmi les plus grands noms (il y en a tellement…), on peut bien évidemment parler des trois autres membres du groupe pendant l’enregistrement, Dave Grohl, Nick Oliveri et Mark Lanegan. Mais on doit aussi citer Alain Johannes et sa femme Natasha Schneider, Brody Dale, Trent Reznor, Troy Van Leeuwen, Billy Gibbons, Shirley Manson, et même Elton John !

D’ailleurs, Songs for the Deaf inclut un extrait des albums qui l’entourent dans la discographie du groupe : un passage de Feel Good Hit of the Summer à la fin de A song for the deaf, et une phrase qui sera le nom de leur prochain album Lullabies to parlayze dans Mosquito Song !

De gauche à droite : Troy Van Leeuwen, Josh Homme, Dave Grohl, Nick Oliveri et Mark Lanegan

De gauche à droite : Troy Van Leeuwen, Josh Homme, Dave Grohl, Nick Oliveri et Mark Lanegan

Les musiciens présents pour l’enregistrement de l’album sont désormais considérés comme le meilleur line-up des QOTSA depuis leur création, à raison quand on s’aperçoit que malgré les efforts, Josh Homme n’a jamais pu sortir un disque à cette hauteur, même si …Like Clockwork vient redresser la barre après deux albums en demi-teintes.

Songs for the Deaf fait partie de ces albums instantanément cultes, qui résistent au passage du temps. C’est tout simplement un des jalons qui façonnent l’évolution de notre musique préférée de manière si parfaite qu’on ne peut pas se contenter de l’apprécier, et que l’on se sent forcé de montrer pour prouver que non, le rock n’était pas forcément mieux avant.

En cadeau de fin, une jolie petite version live de A song for the Dead, avec une intro qui pousse Mémé dans les orties avec l’eau du bain.

Et si vous êtes en train de vous rendre compte que cette expression n’existe pas, vous arrêterez de vous poser cette question à la fin de la chanson parce que votre cerveau coulera par vos oreilles.

Baptiste Chausson

Une réflexion sur “Rock Cult : Queens of the Stone Age et leurs « Chansons pour les Sourds »

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