Oui je sais, le blog s’endort un peu cet été, nos rédacteurs ont aussi droit à des vacances, au bord de la mer, ou pas, pour parcourir les festivals riches en têtes d’affiche, ou pas. Et moi aussi je vais bientôt partir… ou pas.
Mais en attendant mon trip Californien de fin d’été, avec ce soleil j’ai voulu cette semaine me mettre dans l’ambiance et j’ai choisi d’écouter le dernier bébé de Julia Stone, sans son Angus de frère : By The Horns.
Cet album fait suite à la sortie en Avril d’un single Let’s Forget où nous pouvions la découvrir en duo avec l’homme qui en ce moment semble malheureusement incontournable, j’ai nommé notre Jack White national : Benjamin Biolay (si si, regardez des photos sur le web… ils se ressemblent de plus en plus). N’allez pas croire que je ne l’aime pas, c’est trop peu dire. Je le respecte en tant qu’artiste, lui trouve même du talent mais je ne le supporte simplement pas. Peut-être l’ai-je trop vu durant ces deux-trois dernières années, je ne sais pas. Au moins il ne me laisse pas indifférent, c’est déjà ça et je ne zappe pas cette ouverture. Le duo est bilingue, le texte est un peu… gentillet. La voix cristalline de Julia se marrie toutefois très bien avec la voix un peu trainante de Biolay. Ce n’est clairement pas le morceau que je garderai de l’album mais il est agréable à écouter en fin d’album. Manque de pot pour moi, il l’ouvre.
Viennent ensuite neuf autres morceaux (pour la version normale du Lp, treize au total sur la version Deluxe). Ces morceaux sont dans la veine des albums d’Angus et Julia, et dans la droite lignée du premier album solo de Julia Stone, passé presque inaperçu à l’époque de sa sortie: The Memory Machine. Je suis donc en territoire connu, un folk rythmé gentiment me faisant m’envoler avec un peu d’avance vers les contrées californiennes, ses routes infinies à perte de vue. L’orchestration de By The Horns est d’emblée beaucoup plus fine et travaillée que son prédécesseur. Une guitare folk, un piano, une voix claire, on retrouve tout de même les basiques, « everything in it’s right place » comme le chante Radiohead. Des rythmes enlevés, on n’est pas dans un truc mou du genou, l’autre single à sortir vous le prouvera « It’s All Okay » vous invite à avancer sur l’interstate depuis l’Ohio (Bloodbuzz Ohio, second morceau du Lp se trouve être un surprenant cover de The Nationals, plutôt typé country-Americana comme dirait notre Mickael C., docteur Es Country du PdR) et à vous enfoncer un peu plus encore dans ce paysage chaud aux palmiers omniprésents jusqu’à la mer, la plage, le sel. « I’m Here, I’m Not Here » est une partie de cache-cache calme, on éteindra le moteur de notre Impala pour l’écouter tranquillement, la tête reposée sur le dossier de notre siège, lunettes de soleil sur le nez, le regard perdu vers un ciel bleu, miroir exact de l’étendue d’eau au-dessous, et tout se dissout. On est porté tel un oiseau (essayez d’écouter cette chanson en volant, vous verrez… ah, vous ne volez pas vous ? pardon…) se laissant porter par les courants d’air chauds venus du Sud.
On attérit en douceur (mais peut-il vraiment en être autrement avec la voix magique de Julia ?) avec « Justine« , une discrète guitare électrique pose la rythmique en arrière plan, elle me susurre qu’elle voudrait vivre avec moi en Californie : »I wanna live with you in California(…) », réponse sans doute aux nombreuses lettres que je lui ai écrit depuis ces deux dernières années en espérant qu’elle me réponde… « Break Apart » me replonge dans cette légèreté toute californienne, comme elle le chante si bien : « we’ve got a lot to lose », mais je préfère tout garder et profiter du moment. Violon, reverb sur la voix, percus en sourdine, quelques arpèges c’est « With The Light » qui enchaîne, elle demande à ouvrir la fenêtre sous le prétexte que nous ne sommes pas libres, que nous n’y voyons rien et qu’avec la lumière ils (nous ?) trouveront ? Moi je ne veux pas, je suis bien avec elle sur cette banquette trop grande pour nous deux. Elle me dit alors qu’elle veut vivre ici, « I Want To Live Here« , est très calme, trop calme peut-être, cette chanson ressemble à un doux rêve qui aura du mal à se réaliser, la chanson est pourtant pleine d’espoir. Les textes de cet album dépeignent des drames là où The Memory Machine nous semblait seulement mélancolique.
Un clavier vintage, une petite batterie, une voix moins sombre, c’est le morceau titre « By The Horns« . Cette chanson est clairement l’histoire d’une résistante de l’amour faisant face à un homme plein de noirceur qui l’a trompé (donne moi son nom, m’en vais lui expliquer deux trois trucs moi…), laissant sa faim prendre le pas sur tout le reste, sur la considération de l’autre même. Le thème récurent de l’album semble être l’honnêteté. Quoiqu’il en soit elle croit en l’amour, « I believe in love(…) » et moi je dis que c’est tant mieux cela me laisse encore une petite chance avec elle. « The Line That Ties Me » est une douce berceuse piano-voix, la perte d’ un lien avec le monde, un homme, assise à ses côtés elle n’arrive à rien lui dire de ce qu’elle ressent et le garde pour elle, bientôt il ne sera plus.
Arrivent ensuite les chansons bonus, sorties sur l’EP de Let’s Forget que je n’ai pas trouvé pour ma part mais qui était sorti plus tôt dans l’année. « Tell Her a Story« , une histoire de mensonge, à tout le monde, à elle, à l’autre, à lui… décidément le thème de l’album n’est pas joyeux. « Take Me Home » me chante-t-elle maintenant, une invitation à la ramener chez elle, là où le désert rejoint la mer, elle me vante son paysage d’enfance et me dit que je comprendrai en le voyant, je ne demande que ça et nous reprenons la route, faut traverser l’Océan pour aller en Australie et le fantôme de Julia m’accompagne durant tout ce temps, je lui parle et elle ne me répond pas, mais nos âmes se touchent. Vient enfin (le mot est mal choisi car j’aurais bien voulu que cela ne s’arrête jamais…) « The Shit That They’re Feeding » et elle chante tranquillement les sentiments contraires que nous pouvons tous avoir en nous, entre ce que l’on dit à l’autre et ce que l’on voudrait vraiment, tout le texte tourne encore autour d’une honnêteté volée, d’un amour qui aurait pu être simple mais qui se voit toujours compliqué par ces petits mensonges que l’on se dit sous l’influence des autres, ou pas.
Nous arrivons à destination, je coupe le contact et me tourne vers elle, son image s’efface dans un dernier sourire angélique et je me rappelle de ses paroles « We’ve Got A Lot To Lose », je ne les avais pas comprises alors… maintenant elles me sont douloureuses. J’étends la main en essayant d’accrocher sa silhouette vaporeuse mais il est déjà trop tard. Je décide donc de tourner à nouveau la clé de contact vers « Ignition », le disque redémarre, je retourne vers la Californie pour voir si elle ne m’attend pas à nouveau sur le bord de la plage, face à l’Océan Pacifique…
By Greg Pinaud-Plazanet