Il n’est pas facile pour moi d’écrire sur les Smashing Pumpkins car ce fut un des groupes que j’eu écouté le plus il y a… 20 ans… pas moins. Depuis Siamese Dream en 93, année de l’explosion, année Smashing, j’ai suivi le groupe, suis revenu sur leur « avant »: Gish et découvrais que si Nevermind de Nirvana n’était pas sorti la même année, en 91 les Smashing Pumpkins auraient explosé avant Siamese Dream. Mais bon, l’aventure Nirvana fut aussi fulgurante que passionnante et en 94 le rideau tombe. La balle qui mettra fin aux jours de Cobain s’appelle en réalité : succès.
A contrario, Billy Corgan ayant un ego surdimensionné, se déclarait déjà volontiers comme le plus grand songwriter de tous les temps. Il faut dire que même sans aller jusque là, le morceau de bravoure qu’a été Mellon Coollie and the Infinite Sadness en 1995 avait de quoi éjecter le rocker lambda de ses Dock Martens. Il n’y a qu’à écouter des morceaux comme « Tonight Tonight » ou « Bullet with Butterfly Wings », « 1979 », « Zero »… C’est bien simple ce double album était rempli de Singles. Limite il aurait pu passer pour un Best Of. D’ailleurs pour beaucoup de fans, il l’a été car les albums suivants ont contribué à larguer un peu le public au fil des années.
En 98, Ava Adore est plus tourné vers l’electro que le Rock pur et dur, de plus le Lp est assez sombre. L’histoire du groupe n’y est pas pour rien car entre Mellon Coolie (…) et Ava Adore, leur clavier se shoote une fois de trop, Billy C. pique une colère noire contre Jimmy C., leur batteur, et l’exclue du groupe car : « Winners don’t use Drugs » comme l’annonçaient tous les jeux Arcade de l’époque… Et le groupe embauche une boite à rythmes pour le remplacer, une grosse erreur qui participera à la dissolution du son même des SP… En parallèle, la mère de Billy Corgan tire sa révérence durant l’enregistrement de l’album. Toute cette chaîne d’événements, ainsi que la mégalomanie grandissante du grand chauve au visage poupin, contribue à mener le groupe dans une période assez délicate.
James Iha trouve la personnalité de Corgan trop écrasante et tyrannique et rêve de prendre un peu plus d’importance dans le groupe car la bulle d’air qu’aura été pour lui la composition très collaborative de Mellon Coolie (…) semble ne plus devoir se reproduire. D’Arcy montre de son côté de moins en moins d’intérêt pour le groupe et son départ durant l’enregistrement de Machina, en 2000, semble sonner le démantèlement final, et ce n’est pas le retour de Chamberlin derrière la batterie et le remplacement au pied levé de D’Arcy par Melissa Auf Der Maur qui ralentira la chute.
Machina devait être, tout comme Mellon Coollie (…) un double album. Seul le premier volet reçoit le feu vert de la maison de disque, l’album étant jugé trop conceptuel. Corgan aura alors une idée qui, à mon sens, peut être qualifiée de géniale car totalement à contre courant de l’idée commerciale des majors : Mettre à disposition le second volet en mp3, sur le Net, gratuitement.
Après un dernier concert à l’endroit même où les Smashing Pumpkins avaient arraché leur premier concert contre vents et marées, c’est la séparation.
Corgan et Chamberlin fondent ZWAN et sortent un très bon album, les autres disparaissent plus ou moins de la scène. Mais en 2006 la rumeur grossie, Billy Corgan, toujours aussi chauve et megalo, aurait décidé de rebâtir son bébé depuis les fondations jusqu’au sommet. Les fans y croient. Billy aussi. Il faudra attendre l’année suivante pour savoir que James Iha et D’Arcy eux, n’y croient plus. Zeitgeist sort et les fans ne sont pas au rendez-vous, les ventes s’en ressentent mais avant tout les SP n’en ont plus que le nom. La couleur est partie, délavée avec le temps, ses turpitudes aussi et l’album ne convainc pas. Alors Billy a une de ses riches idées: il décide de s’enfoncer plus loin encore dans le conceptuel et veut proposer la musique du groupe au travers d’Internet pour le prochain album. Un concept intitulé Teargarden by Kaleidyscope et qui regroupera quelques 44 titres que les gens pourrons découvrir au fur et à mesure de la parution de 11 minis albums de 4 titres, sur le site du groupe.A ce jour le projet n’est pas fini et a même été mis entre parenthèses au niveau du troisième EP pour la sortie d’Oceania en 2012.
Oceania n’est pas, pour ainsi dire un album des Smashing Pumpkins. Aucun membre du groupe de départ n’est là, à part bien-sûr le chauve aux pantalons trop courts. C’est d’ailleurs Corgan qui fait tout sur cet album : écriture, compo… La nouvelle formation n’est là que pour exécuter. Rien de plus. Alors qu’est-ce que ça donne ? Cet album est-il différent de l’album solo sorti par Corgan quelques années auparavant ? Ressemble-t-il à un revival des Smashing ? A une pâle copie ?
Et bien à mon grand étonnement, Oceania sonne comme aux premiers jours des Smashing, ou du moins comme dans leurs meilleurs jours. Oh ce n’est pas un Siamese Dream, ou un Mellon Coolie (…), d’ailleurs quel aurait été alors son interêt ? Non, Oceania fait un bon trait d’union entre Mellon Coolie (…) et ce que Billy Corgan fera du futur de son groupe. Ecoutez le titre d’ouverture qu’est « Quasar » et vous sentirez toute l’énergie du songwriting de Corgan à l’œuvre. Il a enterré ses doutes et s’est remis en selle. Beaucoup de morceaux sont aériens, la voix aussi d’ailleurs (malheureusement les textes aussi et sonnent même parfois un peu… niais) mais on revient aux bases, aux influences fondatrices. Tous les morceaux prennent très bien leur place dans cet ensemble, « Panopticon« , « The Celestials » sont dignes de la meilleure période des Smashing, c’est indéniable pour moi, souvenez-vous de toutes ces pépites auxquelles nous avions eu droit sur le coffret The Aeroplane Flies High (1996)… Et tout s’enchaîne parfaitement, il y a dans cet album une bouffée d’espoir pour le futur. Leur futur. Dans « One Diamond, One Heart« , Corgan nous le dit lui-même: «Within your darkest night, i’m always on your side ». L’album est pétri d’influences rock, post punk, floydiennes même parfois tellement il empiète sur le progressif. Utilisation de tempos inhabituels, changements de structures en plein morceau, une prog souvent inspirée, des mélodies assez entrainantes, un retour à l’utilisation de la pédale Fuzz font qu’Oceania vous embarque tout au long des 13 morceaux pour vous débarquer en douceur à la dernière chanson. Corgan se permet même un clin d’œil en prenant les Smashing Pumpkins de l’époque Siamese Dream comme inspiration sur « The Chimera » (fait exprès ? Smashing Pumpkins…la chimère… vous avez pigé ?).
Corgan ne pensait pas pouvoir remonter un groupe, dans ses formations passées, même au sein des SP, il ne s’est jamais senti en confiance, ayant toujours un truc à reprocher à l’un ou à l’autre, un manque d’implication, d’interêt etc. Avec ZWAN, cela a été pareil. Aujourd’hui Corgan aligne un Line-Up qui semble solide: Jeff Shroeder (Guitare, issu de The Lassie Foundation), Mike Byrne (batterie) et Nicole Fiorentino échapée de Veruca Salt et de Light FM entre autres (d’ailleurs si vous ne connaissez pas Light FM, leur Lp sorti en 2009: Let There Be Light FM est bon ). Les membres du groupe se sont approprié l’univers des Smashing Pumpkins et n’hésitent pas à faire valoir leurs visions, montrer leurs envies, participer aux jams aboutissant à de nouvelles idées et cela même si Corgan reste le seul maitre à bord en dernier ressort, mais ça, c’est dans sa nature…
Vous l’aurez compris, cet album m’a emballé, moi qui était si sceptique sur le devenir du groupe. Corgan réussi ici à rassembler les fans semés tout au long de ces douze dernières années, du moins je l’espère car sinon je ne comprendrais pas. L’album ne sera pas un Hit, trop de gens refuseront même de le considérer par principe, pour eux les SP sont morts en 2000 et ont été enterrés par la pierre tombale qu’a été Zeigeist. Je pensais la même chose mais j’ai posé mes oreilles sur Oceania et je me dis que la traversée du désert s’est sans doute terminée avec sa sortie. Des morceaux comme « Violet Rays« , « Panopticon« , « Quasar« , « Pinwheels » ou encore « Pale Horse » m’en ont convaincu. Cet album mérite vos oreilles, mais abandonnez tout apriori vis-à-vis du passé. C’est pour moi la condition sine qua none pour pouvoir l’apprécier à sa juste valeur, celle d’un album foutrement bien foutu.
By Greg Pinaud-Plazanet