Oui car Lynch ne fait pas que des films, ces espèces de road movies psychologiques et même parfois spirituels toujours centrés sur la condition humaine, il fait aussi de la musique. Il avait déjà participé de façon épisodique à la composition de la BO de sa série Twin Peaks ou de son film Eraserhead ainsi que participé à des projets tiers. Accessoirement David Lynch peint, sculpte, et est aussi plasticiste. C’est un touche à tout, souvent génial parce que sans doute fou.
Crazy Clown Time est un ovni de rock expérimental. De toute façon, Lynch adore expérimenter, cela s’est toujours senti. Son album, sorti en novembre 2011 ne déroge pas à la règle et cet artiste réussit le pari de nous entrainer avec lui, ce qui, pour quelqu’un qui est réputé comme ayant un univers assez hermétique, est assez paradoxal.
Son univers, on y adhère ou pas. Si ce disque n’a rien de formidable, j’avoue qu’il m’a bercé de façon onirique, entre rêve et réalité, un entre deux eaux, jamais noyé mais pas franchement à l’air libre.
On retrouve dans ce disque beaucoup de choses reconnaissables, les accords de guitares un peu surf (Rickenbacker ? Fender Jaguar ?), pleins de reverb et de slides, c’est quelque chose que l’on croise souvent dans ses films (Ok, plus dans Sailor & Lula ou Blue Velvet que dans Dune et Inland Empire mais bon…). On y trouve aussi beaucoup de rythmes lents à la façon de la BO de Twin Peaks : rappelez-vous la fameuse scène où Audrey Horne (Sherilyn Fenn) danse langoureusement, seule. C’était alors une musique d’Angelo Badalamenti. Mais quand on sait que David Lynch a souvent collaboré avec lui sur des projets, on ne s’étonnera donc pas.
Souvent envouté par les beats très lents mais bien marqués, on a tendance à ne pas faire attention à la voix hormis sur le premier morceau Pinky’s Dream où c’est la chanteuse du groupe New Yorkais Yeah Yeah Yeahs , Karen O qui s’y colle, fort belle voix d’ailleurs, la changeant de ses habituels hystéries. Pourtant Lynch a une voix parfaite pour son disque. Une voix de laquelle on peut faire totale abstraction pour ne se faire balloter que par la musique et pourtant cette voix maintient cet album au sein d’une unité, d’un ensemble cohérent.
Si l’on aime l’introspection monomaniac de Lynch, entendre par là qu’il a beau avoir fait une dizaine de long métrages, il a toujours tourné autour du même thème, alors on aimera cet atmosphère étrange, cette brume qui refuse de se lever. C’est un disque avec lequel je pourrais m’endormir tous les soirs.
Attention, je ne dis pas du bien de « Crazy Clown Time » juste parce que c’est un réalisateur que j’aime d’ailleurs je n’ai pas toujours adhéré à ses films, certains m’ont moins parlé que d’autres. Je dis juste que moi j’ai apprécié son écoute et qu’il a des qualités indéniables même si loin d’être parfait. Mais en fait, parfait de quoi ? à quoi s’attendait-on ? Personnellement à rien puisque je ne savais même pas qu’il allait sortir un LP en 2011. Je l’ai découvert après sa sortie, un peu par hasard. Et puis à quoi peut-on s’attendre d’un type comme lui ?
Vraisemblablement à beaucoup puisque l’album de David Lynch a souvent été durement critiqué dans la presse, c’est même suite à la lecture mi-novembre d’une très mauvaise critique que j’ai lancé mes oreilles dessus.
Alors, victime de sa notoriété ? Certainement. Victime de son hermétisme ? Aussi un peu. Victime de cette vague qui consiste à détester tout ce que certains autres, faussement taxés d’élite untel ou autre, aiment ? Oui, Lynch, c’est un fait, n’a jamais été accessible à tous et l’aimer vous met souvent une étiquette sur le poil car il parle à certains, à d’autres non, mais en définitive il en est de même avec tout.
Et bien tant pis, même si je n’aime pas mettre les choses dans des cases, je suis prêt-à-porter l’étiquette qu’on m’aura choisi. Pourquoi avoir honte d’aimer un album que beaucoup d’autres détestent ? J’assume car je le prends comme il est : une possible BO d’un film sans images. En l’écoutant j’ai l’impression d’avancer au ralenti, comme dans un rêve, dans une boite rock à la lumière clair-obscur et de croiser des tas de gens ressemblant à autant de créatures distinctes et pourtant se mêlant dans un maelstrom psychédélique.
Oui je sais ; ça vous en dit long sur mon état mental…
By Greg Pinaud-Plazanet