interview

The Gloom: De l’Alt-Rock en terre promise

J’ai découvert la musique de The Gloom au hasard des posts de l’un des groupes Facebook que je suis régulièrement. Là, au milieu des posts parlant de Basse VI (Fender et autres), rendue célébre notamment par Robert Smith, de The Cure, je tombe sur un extrait musical. J’écoute et demande s’il y a une possibilité d’en entendre plus. Là-dessus l’auteur, Yoav Landau m’envoie un lien et je débute une écoute complète qui se terminera par une envie irresistible de lui demander une interview, que voici.

Que peux-tu nous dire de la scène rock en Israël ?

Eh bien, pour être honnête, il n’y a plus beaucoup de scène « rock » en Israël. Il y avait une scène rock et post-punk alternative très vivante et créative à Tel-Aviv dans les années 80 et 90, mais ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
Tu sais, le courant dominant actuel en Israël est très orienté vers la pop, principalement composé de pop-rock, d’easy-listening, de folk-pop et de diverses fusions de musique orientale avec la pop – principalement le raggaeton et le trap. D’autre part, il existe une scène indie très forte en Israël (principalement à Tel-Aviv), mais elle n’est pas non plus très orientée vers le rock, du moins pas dans son sens le plus commun. Elle est principalement composée de divers groupes indie-pop, folk, dream-pop et folktronica. Il y a également quelques groupes d’indie-rock, dont la majorité est fortement influencée par des groupes plus modernes comme Alt-J, tout en s’adonnant assez souvent aux genres mentionnés ci-dessus.
Je dois également préciser qu’il existe d’autres scènes underground plus petites mais extrêmement vibrantes ici, notamment le hip-hop & trap, le hardcore-punk, le métal, le reggae et l’experimental.
Cela étant dit, des groupes comme The Gloom n’ont pas vraiment de scène ici dans laquelle s’intégrer naturellement… mais c’est ce qui le rend encore plus spécial !

Comment es-tu tombé dedans ?

C’était une chose très naturelle pour moi, puisque j’ai grandi dans ce milieu : je suis né au milieu des années 90 et j’ai grandi dans les années 2000. J’ai été nourri à coups de radio-rock, qui à l’époque était principalement du rock alternatif. MTV tournait également en boucle à la maison et je me souviens très bien d’avoir, dès mon plus jeune âge (trop jeune, diront certains), regardé des clips de groupes tels que Red Hot Chili Peppers, R.E.M, No Doubt, Green Day, Linkin Park, etc.
Quand j’ai grandi et que j’ai commencé à jouer de la guitare, j’ai en quelque sorte redécouvert ces groupes de mon enfance et j’ai commencé à relier tous les points : j’ai découvert que ce qui reliait tous ces artistes que j’aimais, c’était qu’ils étaient tous étiquetés comme rock alternatif. Alors, comme le bon geek que je suis, j’ai commencé à faire des recherches pour trouver de nouveaux groupes étiquetés comme alternatifs. De cette façon, je trouvais de nouveaux sons et sous-genres qui m’influençaient, tout en tombant sur des groupes qui faisaient écho à la musique que je faisais déjà.

Composes-tu seul ?

Oui, The Gloom est techniquement mon projet solo donc je compose presque tout seul. En tant que guitariste, j’écris toutes les parties de guitare et les lignes de basse. Je programme toutes les parties de batterie en MIDI, et j’écris généralement les parties de synthé et les instruments additionnels également en MIDI. Dans 90 % des cas, je produis de cette façon des démo très finalisées et brutes dans ma chambre.
Ensuite, lorsque qu’avec mes partenaires de production Tal et Nitzan nous en arrivons à l’enregistrement proprement dit, le processus devient beaucoup plus collaboratif. Ils m’aident essentiellement à peaufiner le tout. Ils se connectent et s’imprègnent de l’atmosphère générale de la musique, tout en apportant leur contribution personnelle.
Tal m’aide à faire les chœurs, il est très doué pour ça. Nitzan joue généralement des synthés (car je suis assez nul pour ça) et nous travaillons tous les trois ensemble sur la superposition des instruments électroniques et des effets sonores. Ils écrivent et ajoutent eux-mêmes certaines parties de synthé, comme dans l’introduction instrumentale de BunkerHead (écrite par Tal), ou les arpèges de synthé sur Aeons qui viennent directement de Nitzan. De plus, il est toujours bon d’avoir un deuxième avis, même sur des choses dont je suis plus sûr, que ce soit le son de ma guitare, certaines parties de guitare et la façon dont elles se superposent ou bien encore la façon dont je chante.

Concernant la composition, comment procédes-tu habituellement ? La mélodie vient-elle en premier ou est-ce un sujet en particulier ?

En tant que guitariste, la musique me vient généralement avant les paroles.
Je commence le plus souvent par tâtonner un peu et à trouver un riff de guitare, une progression d’accords ou une ligne de basse. Je l’enregistre sur mon looper et je commence à y superposer des éléments, en simulant même un semblant de batterie sur ma guitare, pour le rythme.
Pendant ce processus, je commence à fredonner une mélodie vocale et à marmonner quelques paroles en charabia. La musique instrumentale a toujours une atmosphère qui lui est propre, donc je crois que beaucoup de chansons écrites de cette façon contiennent déjà les paroles, cachées à l’intérieur – il faut juste travailler dur pour les trouver. C’est un processus difficile, cela peut parfois prendre des années avant que je trouve les bonnes paroles qui conviennent à la musique. J’ai aussi tendance à faire mon autocritique concernant mes textes, donc je n’en suis généralement pas entièrement satisfait jusqu’à ce que j’arrive au studio d’enregistrement. Mais comme Kevin Shields l’a dit un jour, il n’y a rien de pire que de mauvaises paroles !
Cependant, il y a quelques exceptions et chaque chanson a sa propre histoire. Parfois, je commence par un rythme et je le développe ; à partir de là, parfois les paroles viennent en premier ou en même temps que la musique.
Parfois, je n’ai qu’ un concept général, un peu bizarre, une sorte de « défi musical », sur lequel je tente d’écrire un texte. C’est ce qui s’est passé avec Aeons par exemple. Je me suis dit que je voulais écrire une chanson qui tourne autour d’une progression d’accords hachés, de la même façon que les Pixies écrivaient certains de leurs trucs. Donc si tu écoutes bien, la chanson est en fait construite autour d’une seule progression d’accords de six mesures en boucle qui prétend être une progression plus traditionnelle de huit mesures.

Quelles sont tes principales influences lorsque tu composes tes morceaux ?

J’étiquette généralement le son de The Gloom comme un mélange de post-punk, de shoegaze, de grunge et d’art-rock parce que ce sont mes principales influences. Mais je tire de micro-influences de presque tout ce que j’écoute, que ce soit de la pop, du psychédélique, de l’electronica, de la new wave, du rock oldschool, du punk, du post-rock, de l’industriel et même du black metal, du métal alternatif et du post-métal dans une certaine mesure.

Quels sont les sujets qui t’inspirent dans tes chansons ?

Je divise mes chansons en deux catégories : personnelles et non personnelles. Les chansons personnelles sont assez autobiographiques et traitent des sujets habituels – l’amour, la perte, la solitude, les troubles intérieurs… – et j’essaie de garder les paroles les plus personnelles relativement vagues tout de même.
Les chansons non personnelles sont écrites sur des sujets qui ne se rapportent pas à des choses spécifiques de ma vie intime, mais auxquels je me connecte sur un plan émotionnel et spirituel. Cela peut être n’importe quoi : des personnages et des événements historiques, la religion, la nature, la vie et la mort… Sur des chansons comme Aeons, j’ai essayé d’endosser davantage le rôle d’un conteur. Sur d’autres morceaux comme Blackness, j’essaie d’aborder les paroles comme une peinture abstraite, afin qu’elles fassent écho à l’atmosphère de la musique et reflètent une émotion plus générale. Dans ces cas-là, j’essaie également d’appliquer une méthode d’écriture plus consciente.

À quelle chanson t’identifies-tu le plus et pourquoi ?

J’ai écrit beaucoup de chansons et d’instrumentaux au fil des années, la grande majorité d’entre eux n’ont pas encore été enregistrés, c’est donc difficile à dire… Mais parmi ceux déjà enregistrés, si je dois choisir la chanson qui, selon moi, représente le mieux le son de The Gloom, ce serait Lay Down. Je pense qu’elle représente la meilleure combinaison jusqu’à présent de mes influences post-punk les plus rêveuses avec celles des grungiers. Elle a cette progression d’accords très décontractée et répétitive, avec un backbeat orienté Madchester et un décalage dynamique entre les couplets et les refrains. De plus, la basse VI est l’instrument mélodique principal, que je considère comme vraiment crucial pour ma sonorité. Je pense d’ailleurs que l’utilisation que j’en fais distingue vraiment The Gloom par rapport à d’autres formations – surtout en Israël. Je crois que je suis l’un des rares ici à posséder cet instrument, sans parler du fait de composer et de jouer dessus.

Y a-t-il un couplet ou une phrase dans les paroles d’une de tes chansons qui te tient particulièrement à cœur ?

Probablement l’intégralité de BunkerHead, mais si je dois être plus précis, je dirais… le refrain. Je n’entrerai pas trop dans les détails car je n’ai pas vraiment envie d’expliquer mes chansons, mais tout ce que je peux dire, c’est que c’est une chanson très personnelle pour moi et assez lourde aussi. Aucun de mes enregistrements jusqu’à présent ne peut être qualifié de particulièrement « heureux », et l’enregistrement de la voix sur cette piste, sur le plan émotionnel, a, quant à lui, été vraiment très difficile. Mais pour cette même raison, cette chanson est aussi l’une des plus chères à mon coeur.

Qui était ta première idole musicale ?

Ma première véritable idole musicale, et ma plus grande à ce jour, est John Frusciante.
Le moment où j’ai entendu le solo de guitare de clôture de Scar Tissue à la radio, dans la voiture lors d’un après-midi véritablement magique, a été le moment où j’ai décidé de devenir musicien.
Toute mon approche du jeu de guitare et mon ressenti de cet instrument sont fortement en rapport avec lui, ainsi qu’une grande partie de mon approche harmonique et de mon vocabulaire mélodique d’ailleurs. C’est aussi grâce à lui que j’ai commencé à expérimenter les pédales d’effets, l’enregistrement multipiste, la programmation de la batterie et le traitement de la guitare.
De plus, j’ai découvert beaucoup de mes artistes préférés grâce à lui. Que ce soit des artistes contemporains comme les Red Hot Chili Peppers, Nirvana et R.E.M., ou des artistes qui l’ont directement influencé comme Joy Division, The Cure, Depeche Mode, Minutemen, Fugazi, Aphex Twin et The Velvet Underground, pour n’en citer que quelques-uns.
Et même si mon son s’est transformé en explorant différents territoires, il y a toujours une très forte connotation « frusciante » dans ma musique. Il a donc été très important pour moi et je pourrais faire une interview à son sujet. Question suivante !

Quel est le premier et le dernier album que tu as acheté avec ton propre argent ?

Mon premier était probablement Blood Sugar Sex Magik des Red Hot Chili Peppers. Mon dieu, ce qu’un morceau comme Sir Psycho Sexy peut donner à un jeune de 14 ans sur la mise en perspective de la vie !
Le dernier album que j’ai acheté est Forever de Cranes. Je les ai découverts l’année dernière et depuis, je suis obsédé par leurs deux premiers albums, mais celui-ci est un chef-d’œuvre absolu. La version deluxe comporte également un remix de Robert Smith sur le titre Jewel, qui met en scène sa célèbre Bass VI partout dans le morceau. Le prochain Gloom EP aura surement une forte influence des Cranes, cela ne fait aucun doute.
Je souhaite également profiter de l’occasion pour faire un clin d’œil à un album dont je meurs d’envie d’obtenir une copie physique depuis longtemps, mais que je ne trouve nulle part : Against Perfection d’Adorable. Il est en boucle sur mon Apple Music depuis près d’un an maintenant, et je peux dire avec certitude que c’est l’un des meilleurs premiers disques que j’ai jamais entendu.

Comment convaincre quelqu’un d’écouter ta musique en un Tweet ?

« Si vous voulez vous plonger dans une nouvelle atmosphère, d’une honnêteté atroce tout en restant grand public et guidée par la guitare, écoutez The Gloom. »

Lien Apple

Lien Spotify

Propos recueillis par Greg Pinaud-Plazanet

 

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