Lorsque l’on me dit Berninger, je pense immédiatement à Graceless, morceau de The National, que j’adore. Enfin, il n’y a pas que celui-ci, entendons nous bien, mais il est pour moi assez emblématique. Alors je me suis demandé ce que le leader charismatique de The National allait bien pouvoir trouver à faire avec Brent Knopf, de Mnemona, un groupe plus expérimental… Alors j’ai creusé derrière cette sortie surprenante et j’apprends que, depuis dix ans, les deux artistes se font l’école buissonnière de leur formation respective pour voler ensemble au grès de leurs inspirations. Soit, jusqu’ici il n’y a pas mort d’homme tant que l’on ne se fait pas gauler par le principal. Le fait est que durant une si longue période il est compliqué de garder les mêmes aspirations, ne serait qu’à cause du songwriting et de ses déclencheurs : rupture, perte d’un proche, sexe… Bref, des choses qui font écrire des choses intéressantes, introspectives.
A la lumière de cette simple réflexion, comment la composition de morceaux sur une période de dix ans peut-elle donc assurer la cohérence d’un album ? Return To The Moon est-il un bon album ? C’est à ces deux questions que nous tenterons de répondre ici, en une seule fois.
la première chose qui frappe à la première écoute de Return to the Moon (RttM), c’est un son hétéroclite. au travers des mélodies et arrangements très expérimentaux, surement dû à Brent Knopf qui allonge ça et là de belles plages, de claviers ou de guitares, inhabituelles sur une basse bien marquée. D’ailleurs? la première piste, éponyme confirme que l’on est loin du truc auquel on s’attendait. L’album manque donc d’homogénéité à première vue alors qu’une seconde écoute vous conduira à penser l’ensemble comme spontané mais tout de même un peu préparé. En effet, même si Berninger travaillait à écrire sur différents enregistrements fait durant ces dix dernières années, la présentation des morceaux à Knopf, ne s’est faite vraiment qu’en 2014 et donc, le travail des arrangements aussi. Et c’est ce travail sur ces arrangements qui apporte, contre toute attente une espèce d’unité à cette hétérogénéité. Une unité faite de virages en épingles parfois surprenants.
Dans son ensemble, l’album sonne globalement pop, ce qui lui donne aussi une certaine cohérence. Une pop un peu dansante parfois, un peu synthétique aussi. Même si vous verrez passer un ou deux morceaux plus rock tout en restant à bonne distance de The National sur ce dernier aspect. En fait RttM semble être un gros bol d’air pour Berninger, une sorte de voyage en vacances avant l’arrivée du prochain album de sa formation habituelle. Il semble moins mélancolique et insécurisé que lorsqu’il chante avec The National, c’en est presque perturbant, ne l’ayant jamais connu autrement. Mais on s’y fait, le disque est entrainant et accrocheur tout en restant personnel marquant l’appartenance des morceaux à Matt Berninger. Tout ceci fait que l’on commence doucement à croire en ce nouveau personnage au fil des morceaux, quand bien même ce même personnage nous ballade dans un mélange fantasque d’humeurs personnelles et de traits d’humour bien à lui. Il n’y a qu’à lire les textes de l’album Alligator – 2005, entre autre, pour s’en apercevoir…
The National n’a jamais eu le succès qu’il méritait, c’est un groupe de contre-allées, qu’on ne croise pas à la télé, ni à la radio, qui vit du bouche à oreille, mais qui rempli des salles entières. Ne vous attendez donc pas à ce que Berninger soit plus en avant avec EL VY. Ne vous attendez pas à ce que les foules soient remuées avec Return To The Moon. Matt Berninger est parti en vacances, il nous en a ramené une suite de photomatons colorés et funs. Il s’est bien amusé, nous aussi du coup et on l’en remercie.
Greg Pinaud-Plazanet