Ayant laissé quelques jours les « clés de la maison » à Mickael, je ne m’attendais pas à reprendre la rédaction dans un climat si compliqué. Nous n’avons pas, comme beaucoup, arboré de photo de profil comme quoi nous étions Charlie, j’ai laissé le soin à chacun de le faire s’il le souhaitait, car c’est avant tout un choix personnel. Toutefois, afin de marquer le coup, l’Edito de ce jour ne présentera rien d’autre qu’un vieux morceau qui m’est revenu courant de la semaine dernière alors que j’étais à Paris.
Évidemment, nous ne sommes pas un journal, évidemment nous ne sommes pas de la presse, évidemment et même si j’ai un certain talent de dessinateur, nous n’avons rien en commun avec le journal Charlie Hebdo. Ce n’est donc pas en tant que confrère(s) que nous avons été atterrés par les nouvelles mercredi dernier. Non. C’est en tant qu’humain. Tout simplement, et si cela veut encore dire quelque chose aujourd’hui, mais je veux croire que oui.
Les faits étaient à peine croyables, et pourtant les menaces pleuvaient sur le journal depuis la publication des caricatures de Mahomet en 2006. Bien que choqué par un tel acte sur notre territoire, je n’irai pas comme certains, comparer ce drame à celui du 11 septembre. Ce serait faire insulte à la tragédie de grande envergure à laquelle ont dû faire face les États-Unis. Ceci-dit je n’en diminue ainsi pas la portée, chacun son échelle, chacun son traumatisme. Je n’irai pas non plus au devant des polémiques qui fleurissent sur la toile. J’ai lu des commentaires soutenant diverses théories de complot gouvernemental (Charlie Hebdo étant une épine dans le pied des politiciens), d’autres exprimant clairement leur soutien aux djihadistes devenus tristement célèbres (mais là, je frôle le pléonasme je le crains…), d’autres encore qui, même s’ils condamnaient l’acte se voulaient moralisateurs quant au fait que l’Hebdo était anti-musulman, sans même avoir compris que Charlie était anti-tout, et que c’était sa marque de fabrique. Bref, beaucoup d’encre est tombée de chaque côté de cette barrière qu’il ne fallait pas franchir : celle de la liberté d’expression. Oui, car la liberté d’expression doit s’arrêter là où elle arrive à se caricaturer, d’elle-même, en devenant le prétexte à dire tout et n’importe quoi. « C’est pour ça que je me permets d’intimer l’ordre à certains salisseurs de mémoire qu’ils feraient mieux de fermer leur claque-merde ! » comme disait Maitre Folace dans la scène mythique d’un cinéma d’un autre temps…
Bref, on aura tout lu dans la presse, sur le web, entendu aux médias, dans la rue. Heureusement ce que nous avons vu ce week-end rassure : des gens de toute religion, de toute obédience, de toute croyance, réunies contre l’horreur. Aujourd’hui on ne devrait plus tuer son voisin (oui, nous sommes tous citoyens du monde et donc tous voisins) pour une divergence d’opinion, le Moyen-Age est fini depuis longtemps. Et que l’on ne me resserve pas le point Godwin de la Chrétienté, aussi facile que celui concernant les nazis pour stopper net une discussion… Dépassons les clivages dont nous nous sommes fait les esclaves, retenons les leçons de l’Histoire et allons ensemble de l’avant. S’il vous plait ? You may say that I’m a dreamer, but I’m not the only one…
Voilà, donc pas de sorties aujourd’hui, juste ce message, plein de beaux espoirs. Les plus jeunes ne sauront sans doute pas qui était John Lennon, tout comme ils n’ont pas su qui était le vieux gars à qui Kanye West avait proposé de faire un duo… Nous, les vieux devons veiller à ce que la flamme ne s’éteigne jamais, alors passez le flambeau !
Greg Pinaud-Plazanet