La semaine du 15 août se tenait à Saint-Malo et aux abords, la 23ieme édition du festival de La Route du Rock. L’an dernier, pas moins de 26000 spectateurs avaient trainé leurs guêtres dans ce festival qui a toujours eu de bonnes, voir d’excellentes affiches tout en restant assez modeste, par manque de place certes, mais aussi de par la volonté de l’association aux commandes de l’événement : Rock Tympans, bien connu des Rennais entre autres. Des groupes comme The Cure, Smashing Pumpkins ou encore Nick Cave, se sont produits sur la scène du Fort Saint-Père de par le passé. Cette année, c’était Portishead qui squattait la tête d’affiche, mais ils n’étaient pas seuls à tenir le flambeau puisque Slowdive (groupe shoegaze des années 90) leur servait plus ou moins de première partie. A côté on retrouve des acteurs de la scène Rock d’aujourd’hui comme Mac Demarco, la sémillante Anna Calvi, War on Drugs, The Temples, TOY et j’en passe, nous y reviendrons…
Alors que penser de cette édition 2014 ? Et bien ce fût un excellent crû qui a permis d’un côté d’apprécier la scène actuelle, pleine de diversité, et d’un autre côté deux anciennes pointures qui montrent que leur Rock n’est pas mort et qu’il continue au contraire d’attirer les foules: le vendredi était le jour le plus bondé et selon certaines informations des gens auraient été refoulés à l’entrée assez tôt. Toujours est-il que pour une certaine génération, ou ceux de l’ancienne qui ne les connaissaient pas, le passage de Slowdive et de Portishead aura sans aucun doute marqué. Mais commençons par le début des festivités, soit… l’arrivée dans la boue et sous la pluie. Oui, un festival sans boue c’est un peu comme un Monaco sans grenadine et si 2013 avait été clément sur ce coup, 2014 fut épique.
Jour 1: Après avoir garé les voitures dans des champs prévus à cet effet, champs qui, nous le savions seraient vite rendus impraticables, nous avons arpenté le petit chemin tortueux qui devait nous mener jusqu’aux comptoirs délivrant les pass 3 jours. Une fois ceux-ci gentiment accrochés à nos poignets par une équipe d’accueil au top, nous nous sommes dirigés vers les contrôles de sacs et enfin vers le kiosque qui délivrait les jetons et les gobelets, sans lesquels nous serions probablement morts de soif. Après une courte attente, nous avons convergé vers la grande scène pour écouter War On Drugs. Sympathique mais loin d’être inoubliable, ce set m’a laissé plutôt froid mais je mettrais ça sur le compte du début de festival. Les gens arrivent, l’ambiance n’est pas installée, ça discute beaucoup un peu partout, c’en est encore à trainer autour des tireuses à bière… Les mecs font leur boulot, je n’ai rien à redire là-dessus, c’est un bon univers sonore, mais ça manquait d’un truc, même avec l’arrivée sur scène de Kurt Vile, cofondateur en 2005 de War on Drugs, venu prêter main forte à Adam Granduciel. Granduciel lui retourna d’ailleurs la faveur lors du passage de Kurt Vile et de ses Violators juste après. Les deux sets se ressemblaient assez d’ailleurs, bien qu’il y ait plus de monde lors du passage de Kurt Vile.
Alors que le show de War on Drugs fut pleinement électrique, Kurt Vile s’est faufilé entre les riffs électriques et les accords acoustiques plaqués. Certains attendaient peut-être plus un live à l’image de son dernier bébé, mais Vile est un habitué de l’alternance ce qui évite à ses shows trop de flottements. Et puis nous n’en sommes plus à ses débuts plutôt Lo-fi. Pour ce qui est de la qualité de la prestation, je dirais qu’il a fait ce que nous avions vu au Primavera l’an dernier, ni plus, ni moins, je pense que cela représente donc le standard pour lui, mais c’est un bon standard je vous rassure même si je trouve que cela manque parfois un peu de pêche sur scène.
Nous sommes ensuite allé voir, sur la petite scène Real Estate et là je dois dire que je préfère nettement leurs disques que leurs lives. C’est mollasson, bien exécuté, mais mollasson. On se translate vers la bouffe au bout de quelques morceaux à peine. Après manger, nous avons eu un peu de temps pour nous placer de façon idéale pour The Oh Sees, très attendus ce soir-là.
Il y a clairement eu, dans le festival un « avant » et un « après » The Oh Sees. L’ambiance a décollé d’un coup, l’énergie développée sur scène s’est transmise à la foule, pressée devant la scène, c’est là que le festival a vraiment débuté pour moi et pour nombre d’autres à n’en pas douter. Même ma femme qui n’aime pas spécialement le groupe sur galette a apprécié le live. John Dwyer représentait les Oh Sees tout seul sur cette tournée, le groupe ayant marqué une pause (surement définitive dans son ancienne formation), c’est un autre batteur et un autre bassiste qui étaient ce soir-là sur scène pour balancer la sauce. Malheureusement, le concert fut bien trop court, personne ne sait pourquoi, eux qui sont habitués à faire trainer leurs lives (ils ont joué toute une nuit à Bordeaux il n’y a pas si longtemps, entre autre…). Là, au bout d’à peine 35 minutes c’était terminé (Ils ont joué beaucoup plus longtemps à Rock en Seine le week-end suivant). Ont-ils eu pitié de nous, debout sous la pluie et dans la boue jusqu’aux chevilles ? Non je ne pense pas. C’est le seul bémol que je mettrais à leur prestation.
Nous avions donc tout le temps de nous rediriger vers la petite scène pour aller découvrir (pour ma part en tous cas) Fat White Family. La claque. Après le Garage-Rock Psychédélique californien des Oh Sees, on a eu droit à un Rock bien crade de la part d’un groupe qui fait passer certaines autres affiches du festival pour des boys bands… C’était teigneux, à la limite de la justesse vocale, c’était explosif… Sex, drugs & Rock’n Roll… Ouais là on sait pourquoi. Comment ai-je pu passer à côté de ce groupe-là durant tout ce temps ?
Très grosse surprise donc et excellent live, même si quelques morceaux furent un peu en dessous, il a fallu que nous reprenions notre souffle en fin de set. L’heure de Caribou est ensuite arrivée. Personnellement ils ne m’intéressaient pas, et le live que j’écoutais et voyais de loin me le confirmait. Je suis insensible à leurs collages Pop-Electro. Une longue attente puisque nous souhaitions rester pour Darkside qui ne passait qu’en milieu de nuit. mais nous avons eu raison. Il s’est en plus avéré que c’était leur dernière tournée ensemble puisque nous avons appris le lundi suivant qu’ils se séparaient. Il ne fallait donc pas les manquer. Jeux de lumières efficaces, baignant l’ambiance dans une espèce de floraison psychédélique, une nuée de sons renforçant le tout, ou peut-être était-ce l’inverse on ne savait plus trop bien tellement on s’est facilement fait emporter par ce duo très Rock Progressif finalement. Planant, parfaitement exécuté, c’est rincé (au propre comme au figuré) que nous rentrions à la maison ce premier soir. Le coucher n’ interviendra pourtant que beaucoup plus tard, après quelques bouteilles de vin et de Jet-Perrier. Il fallait bien ça après avoir poussé et conduit la New Beetle façon Rallye pour sortir de ce maudit champs…
Jour 2: Ce soir-là c’était grand soir. Plus de places supplémentaires de dernière minute, on était à guichets fermés dans la cour du Fort Saint-Père et cela se comprenait vu l’affiche… 18h pétantes, on se pressait devant les portes du festival pour ne pas louper les Cheatahs qui ouvraient le bal. Armés de nos plus belles bottes, nous assistions au couac du soir: l’ouverture des portes ne s’est faite qu’à 18h45 pour un concert qui commençait à 18h30! Nous avons parcouru avec prudence (glissades assurées) mais empressement le long chemin qui nous amènait à la fouille puis enfin au poinçonnage des badges (faudra m’expliquer à quoi ça sert par contre…). 18h53, nous avons rejoint enfin la scène où les Cheatahs ont commencé (avec sûrement 3 pélerins dans le public) leur set 20 minutes auparavant. Le quatuor a servi son album éponyme. Pas de surprise et tant mieux, le son 90’s bien shoegaze était là. Des morceaux que j’ai pu entendre, il en ressortait principalement des influences tels que Swervedriver ou encore Ride. Sur scène, les gars semblent tenir la route plutôt bien. Sans fioritures, ni excès, les londonniens ont été la parfaite introduction à la suite de la soirée et en particuliers au concert de Slowdive desquels ils ne peuvent pas renier une certaine filiation.
Nous avons continué la soirée en compagnie d’Anna Calvi sur la grande scène. Je suis, on peut le dire, un habitué de ses lives et j’ai vu ce soir-là toute la route parcourue par la dame. Lors de son premier album, Anna Calvi était timide, réservée presque à l’extrême lors de ses prestations, elle ne bougeait pas de derrière son micro, souvent à gauche de la scène. Le concert de son second album était un peu moins réservé, elle se détachait plus, sans pour autant trop bouger. Je pense que les festivals lui ont fait du bien car là… elle se baladait sur scène, exécutait ses soli comme une vieille routarde, j’ai même été surpris qu’elle joue un poil avec les premiers rangs au jeu de la séduction… Excellent live, qui montre que la dame en a encore sous l’aile et pourrait se montrer aussi explosive que sa musique, sous peu.
Les suivants à passer furent les shoegazers de Slowdive. La nuit tombait et d’entrée le groupe a envoyé ses meilleurs morceaux. C’est qu’il y en a beaucoup… Du très réverbéré et flottant Just For A Day (leur premier album aux relents de Ride) à l’excellent mais néanmoins assez différent Pygmalion (le dernier sorti officiellement), notamment avec des morceaux comme Miranda, remis au goût sonore du premier album. Une excellente découverte pour ceux qui ne connaissaient pas spécialement ce « vieux » groupe des années 90. Pour ma part, qui avait déjà tous les albums car fan de shoegaze depuis Ride en 1988 (Slowdive s’est formé un an plus tard et aura toujours souffert de la présence de Ride sur le marché de l’époque), ce fut un réel plaisir de pouvoir enfin les voir en live. Atmosphérique !
Directement à la suite, et sans changer de scène c’était Portishead… Autant dire que la foule se pressait et se compressait, peu importe que le sol, juste après le Fa, soit encore complètement détrempé ou non, c’était LE concert à voir ce soir-là. Je connais leurs albums de fond en comble mais c’était surtout les 20 ans de Dummy qui ont été fêtés ici! Show video, succès à la chaîne, explorations sonores en tout genre, interprétations d’une réelle qualité. on a eu droit à tout, y compris à une Beth Gibbons se ruant pour serrer des mains en pagaille en fin de set. Pfiiiiuuuu… quel concert… Leur son est tellement intemporel…
Après Portishead, j’avais vécu, pour ma part la meilleure partie de la soirée. Alors que mes potes sont allés faire une incursion pour voir Metz, je décide d’aller trainer mes Docks boueuses aux stands Lp, bouquins et autres Fanzines… Liars a joué ensuite mais cela ne me tentait pas, je suis là aussi assez hermétique au traitement de leur musique en live, une espèce de Pop-Electro-Dance qui ne me fait pas bondir. Peu après le début du live, plusieurs de mes potes reviennent d’ailleurs au point de rendez-vous Merchandising où on s’est tâté à rejouer la prise de la Bastille en attendant 02h45 et Moderat… mais finalement l’appel de trois bouteilles de Jet 27 a pesé lourd dans la balance… Moderat 0 – 1 Jet-Perrier. Nous avons eu moins de soucis avec la voiture car nous avions garé la voiture sur un parking et pris la navette pour l’aller. Le retour s’est donc fait facilement et assez vite même s’il a presque fallu soudoyer le chauffeur de la-dite navette pour bien vouloir s’arrêter sur le-dit parking… Mais accompagné d’une blonde on arrive à tout.
Jour 3: Dernier jour du festival, dernier jour de vacances en Bretagne pour nous, autant dire qu’il fallait en profiter pour voir le maximum de groupes. Et c’est ce que nous avons fait en ouvrant le bal par Perfect Pussy… Mais comment dire… De l’énergie certes… du Punk, oui… Une nana au chant… mais sinon… Bof. Alors on s’est placé pour le guignolesque Mac Demarco, annoncé d’ailleurs par son batteur au travers d’une pitrerie: THE man arrivait sur scène tout sourire, comme d’habitude. Le problème avec lui c’est qu’on ne sait jamais comment va finir le concert, c’est toujours une surprise. Les canettes de bière s’ouvrent et giclent au passage, les morceaux se déroulent, tout en Lo-fi. On a du mal à s’accrocher au wagon en dépit d’une réelle horde de fans clairement acquis aux mélodies gentillettes du monsieur. Le concert est resté sage, trop sage peut-être.
Tant pis, on est allé manger un bout et on ne reviendra plus tard que pour se placer devant Baxter Dury, vous savez le fils de Ian Dury, le gars qui a sorti le désormais célèbre « Sex, Drugs & Rock’n Roll »… Ben là, le sexe, vu ses deux choristes, je veux bien y croire; la drogue, vu son sourire collé et la forte impression qu’il tripait sévère sur scène tellement il était content d’être là, soit… mais je n’ai pas vu de Rock’n Roll ce soir-là chez Baxter Dury. C’est de la Pop, classe, mélodieuse, dignes de son dandysme, oui, mais cela ne nous transporte pas loin en festival. Pas grave la soirée commence juste après avec TOY. Et là, c’était pas la même… ça rock ! Fort du succès de leur dernier album, ils étaient à l’aise en live, presque en terrain conquis, et se sont même permis quelques murs de son(s). Ils sont arrivés à réveiller un public sur la digestion ce qui n’est pas mal du tout il faut bien l’avouer. Le live ne ressemblait pas à la galette, ou de très loin et c’est tant mieux.
Après le réveil, on a enchainé sur la tête d’affiche de la soirée, à savoir Temples. Bon concert, les trois gars, croisés plus tôt aux stands des Lp, font leur boulot mais vu le shinny (façon Glam-Rock) de l’album, je m’attendais à beaucoup plus de présence sur scène et là j’ai vu un groupe qui, même s’il était bon, n’en a pas profité pour en faire des tonnes. Les soli étaient exceptionnellement courts, sans trop d’ajouts ou d’arrangements spécifiques pour le live, les trois gars se la sont joués statiques sans fioritures. Bon live mais un poil déçu par la prestation scénique je dois bien l’avouer. mais laissons leur du temps, après tout ils sont excessivement jeunes…
Alors que Cheveu jouait au loin sur la petite scène, ce qui était amplement suffisant pour constater que « Ouais bof, Cheveu quoi… », on attendait déjà la tête d’affiche electro de cette dernière nuit: Jamie XX. Un show tout en lumières pour ce désormais très installé DJ. Les voix de ses habituels compagnons l’ont escorté sur quelques morceaux. On passait d’une ambiance Dub Step à un truc très primal dérivant peu à peu vers le tribal. A mon avis le petit creux de la prestation mais ce n’est que mon avis. Du coup le show a eu un peu de mal à repartir mais nous avons tout de même passé un excellent moment.
Voilà, la Route du Rock c’est terminé pour cette année, nous avons vu de très bonnes choses (Calvi, Slowdive, Portishead, TOY…), des choses perfectibles (Temples), des choses moins alléchantes (Mac Demarco, Baxter Dury) mais les avis, c’est comme les grolles pleines de boue, ça se change alors ce n’est pas pour autant que nous enterrons ceux que nous avons le moins apprécié dans ce festival de qualité, ils se referont une prochaine fois surement !
crédits photos: Greg Pinaud–Plazanet – DJ Monk – Sylvain Chamu
Greg Pinaud-Plazanet