Le Peuple du Rock s’est fondé à plusieurs. Parmi nous, nombreux étaient ceux à aimer Bob Dylan. Et si vous réfléchissez bien, vous aimez tous au moins une chanson de Bob Dylan. Cela peut être Like A Rolling Stone ou encore The Times They’re A Changin. Bref, cela peut être la folk song mobilisatrice et changeant l’histoire, ou la chanson d’amour. Surtout, Dylan a expérimenté à peu près tout ce qu’il pouvait expérimenter en une vie musicale. Si Dylan est l’Histoire, c’est peut-être parce que, comme l’Histoire, on peut découper sa longue carrière en différentes périodes, qui représentent chacune une avancée dans l’esprit de cet homme.
Bob Dylan est aimé en France. On ne mesure pas l’amour de ses fans français par l’attribution de la légion d’honneur, mais il n’empêche… Bob Dylan reste Bob Dylan. Et si ses prestations font débat, parce qu’on oublie souvent que Dylan n’est plus le même que dans les années 60, c’est aussi parce que le monde a changé…
Bob Dylan sortira un nouvel album fin 2014, qui s’intitulera Shadows in the Night, référence subtile à la chanson Strangers in the Night, de Frank Sinatra. C’est ce que nous a révélé la version américaine de Rolling Stone : à 72 ans, son nouveau single sera…une reprise d’une chanson de 1945 chantée par Frank Sinatra lui-même.
Full Moon and Empty Arms reste dans l’ambiance jazz des vieux albums du fameux label Blue Note. Bob Dylan surprend ici par son audace de se frotter à ce type de chansons. Et cela, on peut l’imaginer, ne provoquera pas l’adhésion de la critique rock française. Bob Dylan c’est aussi une source d’inspiration inépuisable pour les artistes. Artistes qui reprennent d’ailleurs ouvertement ses chansons. Aujourd’hui, pour célébrer la bonne nouvelle, voici les reprises les plus audacieuses du grand Bob:
Le 20 avril dernier mourrait Rubin Carter, boxeur américain surnommé Hurricane, d’un cancer de la prostate. Célèbre, il l’avait été après avoir fait la Une en étant arrêté pour meurtre avec son ami John Artis en juin 1966 et condamné à la prison à vie par un tribunal composé de blancs. Bob Dylan, après avoir lu l’autobiographie de Rubin Carter, prend fait et cause pour le boxeur et écrit, avec Jacques Levy, une chanson en 11 couplets racontant cette histoire. Cette chanson fut reprise sur un EP de la chanteuse new-yorkaise Ani DiFranco. L’EP intitulé Swing Set se composait également d’une version live de Do Re Mi, une chanson du mentor de Dylan, Woody Guthrie. La version d’Ani DiFranco allie la classe et l’élégance à la rage et au combat. Très plaisant.
Dylan est souvent aimé pour ses chansons des années 60 ou 70, il l’est moins pour ses chansons des années 80. Cette année, des artistes de la nouvelle génération country-rock, folk-rock et rock (pas la Génération Goldman donc, rassurez-vous), ont décidé de donner un bon coup de « dépoussiéreur à sons » à ces chansons des Eighties jugées trop kitch et trop synthétiques. Parmi ces artistes on retrouve des gens comme Elvis Perkins, Dawes, Blitzen Trapper et de nombreux autres groupes très intéressants. L’album est composé de 17 morceaux et je vous conseille vivement la reprise d’une chanson co-écrite en 1986 par Dylan et Tom Petty, Got My Mind Made Up, par l’artiste américain Langhorne Slim & the Law. Quand au prix de l’audace, il revient au comédien-musicien Reggie Watts, auteur d’une reprise reggae-électro de Brownsville Girl. Si si, ça existe…
L’année dernière, nous avons aussi manqué un grand album de musiques du monde. C’est vrai que ce n’est pas vraiment notre rayon musical, et pourtant, ces musiques sont absolument formidables. Et surtout, cet album est réalisé par une coalition d’artistes, musiciens et poètes qui ont voulu chanter Dylan. From Another World : a tribute to Bob Dylan, sorti chez Buda Musique en 2013 est un petit bijou, et peut-être le meilleur album d’audacieuses reprises, comme en témoigne mes deux préférées ci-dessous. Des musiciens de toutes origines: indiennes, gitanes, aborigènes, iraniennes se relayent pour chanter de grands classiques comme Mr. Tambourine Man, Corinna Corinna, Every Grain of Sand ou encore Father of Night. Ces classiques se retrouvent triturés, mastiqués, ingérés par les musiciens du monde entier, et recrachés méconnaissables, transformés, nous faisant ainsi redécouvrir certains morceau sous un jour différent. C’est par exemple le cas de la sublime reprise de Tangled Up in Blue, chef d’œuvre de 1975. Les musiciens sont tout simplement les virtuoses égyptiens, précurseurs du raï: The Musiciens of the Nile.
Ma seconde préférence va à la chanson sur laquelle vous tomberez quand vous écouterez l’album depuis le début: Eliades Ochoa est le guitariste du bien nommé Buena Vista Social Club, ancien groupe formé entre autres par Compay Segundo et Ry Cooder. Il nous propose une version épurée aux forts accents cubains, en espagnol s’il vous plait, d’All Along The Watchtower. Dépaysant et enrichissant.
Les albums « tributes » pleuvent en ce moment : tel est le cas également de Off The Grid : Doin’ it Dylan, album issu de la discographie du Charlie Daniels Band, groupe de country dont les reprises sont mâtinées de blues (comme la reprise de Gotta Serve Somebody).
Bob Dylan a donc réussi à repousser les frontières même du simple folk en inspirant des artistes très divers qui aujourd’hui n’hésitent pas à triturer les classiques pour nous offrir leur version, leur vision. Dylan est une légende que l’on ose toucher. Espérons que cet homme ne finira jamais sa tournée.
Mickael Chailloux