Aujourd’hui et avec un peu de retard certes j’aimerais vous livrer ma chronique du premier album du trio lillois Shadow Motel sobrement intitulé Ausfahrt Nach paru chez Cranes Records le 23 Décembre 2013 – retard en partie dû à diverses bravades éthyliques et autre enfumage de cerveau tout à fait inattendus je dois dire… Quoique dans le contexte présent, à savoir l’euphorie de l’arrivée de la nouvelle année, les foutues bonnes résolutions, l’envie pressante de tirer un trait sur le passé et l’étrange sursaut presque anachronique du rock français, le lecteur comprendra certainement les différentes raisons de mon incapacité à produire cette article dans les temps… Oups mon boss ne devrait pas m’offrir de café avant longtemps ! Et encore moins de bières !
Revenons-en à ce qui nous intéresse ici, la musique et surtout cet album si lumineusement ombrageux dans une production mondiale somme toute assez morose dans l’ensemble. Il serait déjà bon en premier lieu de saluer le design de la pochette de l’album, très sobre, très sombre aussi et hommage je pense assez appuyé aux pochettes minimalistes des Joy Division et de son leader Ian Curtis…
Et si, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le salut du rock passait par la France, pays longtemps à la traîne dans ce domaine ! Contrée qui semble aujourd’hui, et ceci avec l’appui d’une certaine résurgence underground très active et impliquée, prendre sa revanche en puisant dans des influences sixties et seventies les plus diverses, ceci avec humilité et rage originelle… Dépasser la nostalgie et voguer ainsi par delà les clichés…
So come on let´s go…
Ça commence par un rire tonitruant, un larsen efficace puis un rythme entêtant presque tribal et une voix s’élève, une voix féminine celle de la sublime Swan qui nous cloue au tapis… Entrée en matière majestueuse… La guitare rugit, la batterie s’affole et la voix étrangement chaleureuse de cette femme nous emporte loin très loin… Le groupe nous évoque subtilement le roman noir américain, les fulgurances glauques et crasseuses d’Hitchcock ou Lynch, comme si nous nous étions égarés dans une bulle à la fois salvatrice et perverse, perdue dans une Amérique des fifties fantasmée et fantomatique…
Tous les morceaux naviguent ainsi entre deux eaux et des influences aussi diverses que My Bloody Valentine, Jésus and Mary Chain, The Doors, le Pink Floyd de Piper At the Gates of Dawn ( pour ma part l’un des meilleurs albums de l’histoire mais nous y reviendrons, ceci est une autre histoire ) ou encore The Jefferson Airplane dont on pourrait certainement relever la troublante convergence au niveau de la voix entre Swan donc et la légendaire Grace Slick… Autre chose à noter, l’emploi de l’orgue du côté de chez Swan qui trouve clairement ses racines chez Ray Manzarek…
Mais ne nous y trompons pas le groupe a parfaitement digéré ses influences tutélaires. Il fait même preuve d’une maturité et d’une maîtrise ahurissante sur ces neuf morceaux qui confineraient presque à de l’insolence sans l’insouciance majestueuse et revigorante dont tous les trois font preuve afin de faire exploser les dernières digues de notre résistance de blasé du rock du vingt-et-unième siècle…
Les morceaux Jim, Love or Disaster, Ivory Eyes, Dance Ritual ou Cherish the Model restent les pierres angulaires de cet album somptueux et vivifiant tout en nappes vaporeuses et addictives… Manque peut-être un peu de folie pure… Et d’un son peut-être un peu moins propret d’où ma presque préférence pour les vidéos live du groupe que j’ai pu glané de ci de là… Mais ne boudons pas notre plaisir devant ce petit diamant noir ciselé de main de maître par trois humbles artisans parmi les plus créatifs de ces derniers mois… Et un grand coup de chapeau à Cranes Records d’oser un tel pari ! Achetez cet album, vous ne le regretterez pas !
Il est temps de rendre les armes et de vous dire adieu pour le moment, la pluie m’attend dehors.
À bon entendeur salut… Rock n’roll…
S…