Jamais un groupe n’a porté aussi « bien » son nom. The Civil Wars, duo paritaire folk originaire de Nashville, est en rupture conventionnelle depuis le début de l’année, et cela lorsque son deuxième album est sorti durant l’été. Cette rupture est due à « des discordes internes et de différends impossibles à résoudre ». La vérité est que si la rupture n’est pas expliquée officiellement dans les médias américains, l’album résonne de cette bataille entre la chanteuse, Joy Williams, et le chanteur, John-Paul White. Et si le succès était responsable de ce qui apparaît à la fois comme une pépite musicale et un gâchis humain ?
Retour en 2008. Lors du Nashville Songwriter’s Camp, John-Paul rencontre Joy. Elle, débarquant de Santa Cruz, Californie, lui de Muscle Shoals, Alabama. Ils mêlent leur voix, et à cet instant, le déclic se produit. L’alliance de leurs cordes vocales crée l’union que l’une avait cherché dans un éphémère groupe,Christian Music, que l’autre n’avait pu trouver dans le rock. Très vite, ils rencontrent des producteurs, se produisent dans des bars, exploitent le potentiel des nouvelles technologies en publiant un album digital seulement (et gratuit !!), Live at Eddie’s Attic, du nom d’un bars de Decatur, Georgie.
C’est là que Charlie Peacock entre en jeu. Cet ancien pianiste, fan de John Coltrane dans son enfance, décide de les produire pour un album, Barton Hollow. Cet album gagne tout de suite la faveur des critiques et du public. Il sera vendu à près de 800 000 exemplaires. En février dernier, il remporte deux Grammy Awards, dont celui du « Best Country Duo Performance ». Tout s’enchaîne : la « papesse » de la country music Taylor Swift (auprès des jeunes surtout) enregistre avec eux une chanson pour la B.O du film (pour adolescents) Hunger Games, ils tournent ensuite avec Adèle et une chanteuse country, Emmylou Harris….

The Civil Wars sur la scène des Grammy’s en février 2013, entourés par T Bone Burnett (producteur) et Taylor Swift
Novembre 2012 : les deux artistes sont en tournée. C’est ici que le bas blesse. Les choses tournent mal, et le reste de la tournée est annulée (dont les dates européennes du groupe). Pourquoi ? Est-ce la grossesse de la chanteuse ? Non. Une romance entre les deux protagonistes, mariés en dehors des scènes ? Non plus. Peacock livre une analyse intéressante au New York Times : « Même si John-Paul n’est rien d’autre qu’un véritable pro, je peux vous dire que beaucoup d’analyse, de discussions ne sont pas son passe-temps favori. Joy, à l’inverse, aime peser le pour et le contre recherchant ainsi la meilleure solution devant des milliers de choix.
Peut-on pour autant croire que ce n’est que ce type de choses qui a fait « spliter » le groupe, l’entraînant à aucune tournée promotionnelle de l’album et laissant un site internet (quasi) à l’abandon ? Non. Assurément, Joy Williams le déclare après un show à Londres le 6 novembre dernier : « Ce n’était pas seulement un élément déclencheur. C’était une suite d’événements. ». Avec du recul, elle analyse aussi la rupture : pour elle, les choses ont été bénéfiques, lui permettant de prendre du recul et de se ressourcer, ce dont elle avait vraiment besoin. John-Paul, lui, ne s’est pas exprimé. Fin de la polémique, les deux ne se parlent plus depuis novembre. Hiatus.
Force est de constater que l’album est pourtant un succès. Il a démarré à la première place du classement Billboard 200. Musicalement, il est plus abouti. La batterie, plus présente, sur notamment la première chanson, figure de proue de cet album. The One I Got Away est ce que l’on appelle un « masterpiece » : fluidité des paroles, rythme imprimé dans la tête, et accroche pour écouter l’album. La chanson suivante a été produite par le magicien Rick Rubin. Même chose pour Eavesdrop, à qui l’on doit essentiellement à Joy Williams. Ces trois chansons pourraient être le panthéon commercial du groupe.
A côté de ces trois chansons réussies, on pourrait se dire que le reste n’est pas à la hauteur de leur réputation. Mais c’est tout le contraire. From the valley et Devil’s Backbone oscillent entre gospel, Americana et country old time. Pour nous français, il faut noter aussi pour la chanson Sacred Heart, écrite à la Tour Eiffel, à Paris, Joy s’implique tellement et chante en français : « Je vais t’attendre là / Viendras-tu pour moi ? ». Sans compter la reprise (oui, car le groupe aime les reprises et surtout les folk dont celle culte de Billie Jean de Michael Jackson) de Disarm, la chanson des Smashing Pumkins.
L’album reste sur un thème illustré par la pochette du disque : une fumée noire corbeau qui domine un ciel gris/blanc. La solitude, la séparation, font de cet album un disque noir. Et le raccroche encore plus à l’actualité personnelle et commune du duo : la chanson Same old, Same Old, que le Billboard qualifie de chanson que l’on entendrait durant « la scène dramatique d’un film » tourne autour de la séparation…
Le New York Times signale pour finir qu’en 1977, Rumours, un des plus grands albums (et un des plus vendeurs) du groupe Fleetwood Mac, a été publié après un divorce et une histoire d’amour. De quoi rassurer (un peu) les fans du duo Civil Wars. Les autres repensent à ce pub qui a lancé leur histoire, Eddie’s Attic. Connu aussi pour être la « fanbase » d’un groupe de country made in Nashville, Sugarland… qui est en hiatus aujourd’hui… Sacrée malédiction historique…
By Mickael Chailloux
HI JOY WILLIAMS YOU ARE THE BEST