Alors qu’il y a quelques dizaines d’années certains journaux titraient “Punk is dead” suite à l’arrivée sur les différentes scènes musicales de la new wave et autre cold wave, emmenant ainsi l’industrie musicale à l’opposé totale du Punk, on peut se demander s’il en reste tout de même aujourd’hui un petit quelque chose ?
Les premiers punks tentaient de lutter contre la commercialisation du rock and roll afin le garder à son état de musique underground, c’est-à-dire réservé à une petite communauté de personnes qui se retrouvent dans ce mouvement. Ils ne purent lutter contre les labels et le marketing de l’industrie du disque.
Au milieu des années 80 voire début des 90’s, la musique punk est en effet devenue assez mainstream, que ce soit aux Royaumes Unis (là-même où elle est née, la « popisation » des Clash n’étant pas étrangère à cet état de fait) ou même en France avec la vague Keupon qui, pour l’avoir vécue « full face » a vu la démocratisation des Doc Martens, des jeans bretelles à gros ourlets retournés et de groupes comme Komintern Sect, les Béruriers Noirs ou encore La souris Déglinguée. Beaucoup de jeunes des collèges ou lycées de l’époque se sont emparés de l’iconographie du mouvement Punk, le fameux look « Destroy ». Le Punk est alors peu à peu devenu un ramassis de clichés qui perdit son message originel. Qui n’a pas été fan des Sex Pistols ? L’iconographie a aussi été phagocytée par l’industrie de la mode. Qui ne possède pas au moins un t-shirt d’Anarchy in the UK ? Les Doc Martens s’achètent sur le catalogue La Redoute…
Mais le Punk, plus qu’un courant musical, n’est-il pas avant tout une certaine idée de l’anticonformisme, tout simplement, de refuser les règles et de faire ce qu’il nous plait ? Peu importe le reste ?
En 1974 naissait John Dwyer. Beaucoup d’entre vous ne le connaissent pas et cela est normal. C’est un artiste qui ne court pas après les projecteurs, qui préfère vivre son truc dans son coin. Après avoir quitté Rhodes Island pour San Francisco afin d’aller à la rencontre des gens de la scène rock du nord de la Californie, Dwyer, ne connaissant personne en arrivant excepté un type, commence à jouer avec lui sur la scène locale en tant que Pink and Brown. La scène locale est beaucoup moins grosse que celle de New York à l’époque mais ne manque pour autant pas de densité, il y a toujours un truc qui se monte quelque part. John Dwyer n’est pas qu’un musicien, il peint, dessine, cultive de la marijuana et adore les films d’horreur. Il vit de petit jobs. Il se définit comme cool, ou du moins comme une personne qui, s’il faut choisir entre être un vieux con et acariâtre et être un vieux cool, a décidé de faire son possible pour être un vieux cool. Et il y arrive: Shorts en Jeans, tee-shirt sans marque apparente, mèche dans les yeux, le sourire collé à la face, parlant vrai, il a une vraie coolitude, cela transparaît lors de ses rares interviews « on tour » ou chez lui à San Francisco. Je ne sais pas si cela est toujours le cas mais ce gars plantait sa tente sur les festivals où il tournait avec ses groupes… C’est dire s’il est un peu roots.
Mais John Dwyer est avant tout surproductif, musicalement parlant. A peine il finit d’enregistrer un truc qu’il a en même temps déjà bouclé l’album/projet suivant. Comme il le dit lui-même: « Je ne travaille pas des masses, et fumer de l’herbe me permet d’avoir pas mal de chansons qui m’arrivent dans la tête« . La création du groupe qui allait devenir Thee Oh Sees (à l’époque appelé Orinoka Crash Suite) n’a d’ailleurs été qu’une façade lui permettant de présenter son travail expérimental personnel. Sous le nom d’OCS, Dwyer sort les Lp sobrement baptisés 1 et 2, bâtis sur le même modèle et associant tous deux une partie acoustique et une partie plus noisy. Au fur et à mesure des changements de noms (de Orinoka Crash Suite, Orange County Sound, à Thee Oh Sees) et des ajouts de musiciens (Brigid Dawson en 2006, Petey Dammit en 2007 et Mike Shoun en 2008 pour ce qui est de la formation actuelle de The Oh Sees) les créations musicales s’élargissent. Chacun y apportant quelque chose.
La musique s’est portée depuis 2006 vers le rock garage un poil psychédélique, un poil punk aussi (écoutez donc un peu « The Freak Was Clean » si vous en doutez…) La reconnaissance arrive avec la sortie, en 2008 de The Master’s Bedroom is Worth Spending a Night in et d’Help en 2009. En l’espace de huit ans, ce ne sont pas moins de 10 albums (studio et live) qui sortent, sans compter les huit Ep édités dans le même laps de temps… La discographie grandit donc assez vite, allant ainsi à l’encontre des traditions actuelles de l’industrie du disque qui tend à imposer le modèle d’un album tous les deux ans, voir pour certains artistes, tous les ans (mais cela devient rare).
http://www.youtube.com/watch?v=R44Qh2P7wo0
Thee Oh Sees se fait aussi connaître par ses shows scéniques où l’on voit un John Dwyer surexcité cracher sans cesse sur scène (jusque dans sa flight case… m’est avis qu’il y cultive un truc sinon il ne l’arroserait pas autant…) et un Petey Dammit jouer de la basse sur une Fender Jazzmaster de façon assez étonnante. Leurs prestations sont très énergiques et en cela ressemblent fortement à la scène Punk telle qu’on peut s’en souvenir. Ce groupe est anticonformiste en tout et à commencer donc par la personnalité même de son leader. Pour les avoir vu en concert je peux vous dire que cela faisait longtemps que je n’avais pas vu cela, cette authenticité dans le partage et cette sensation d’un groupe qui donne tout, comme si c’était le dernier concert de leur vie. A une époque ou la crédibilité ne s’achète pas (je pense à tous ces groupes pseudo punk-skate comme Sum41 ou Blink 182 en tête de gondole), l’authenticité de Thee Oh Sees, le choix de ses labels de production (In The Red Records ou encore Castle Face Records), cette volonté de ne pas marqueter et de ne pas rentrer dans un système trop exigeant de business/rentabilité, Thee Oh Sees donc représente une alternative crédible et allêchante.
Leur dernier Lp (Floating Coffin) sorti en Avril de cette année vous donnera un bon aperçu de ce groupe et sur le lien ci-dessous vous pourrez écouter à peu près tous leurs albums et plus:
http://www.deezer.com/fr/artist/72314
Si The Exploited sortait en 1981 « Punk’s not Dead », je peux vous assurer que 30 ans plus tard Punk is still alive and well ! Alors osez mettre les deux doigts dans la prise !
By Greg Pinaud-Plazanet