Hubert-Félix Thiéfaine est un artiste atypique. Tout d’abord par sa musique, mêlant des textes très construits, riches et réfléchis, qui peuvent sembler incompréhensibles à la première écoute, à de solides mélodies rock. HFT est une sorte de croisement entre Léo Ferré, les Rolling Stones et Bob Dylan, car, comme il le reconnaît lui même, ces artistes ont été des influences majeures pour lui. HFT compte plus de quarante ans de carrière et s’est forgé la réputation d’un artiste qui s’est construit seul et grâce au public, fidèle depuis de nombreuses années et cela semble perdurer pour les générations à venir. Il est vrai qu’il a toujours été boudé par les radios (hormis France Inter) et par la presse spécialisée, mais cela ne lui a pas empêché de vendre beaucoup d’albums et de remplir totalement la salle de Bercy en 1998, sans promotion, ce qui relève de l’exploit.
La carrière d’HFT a connu plusieurs périodes où on a pu le voir s’essayer à de nombreuses sonorités, mais on retiendra les albums majeurs de sa carrière tels que Soleil Cherche Futur (1982) ou Dernières Balises (Avant Mutation) (1981), où les textes de Thiéfaine allaient à merveille avec les mélodies de son complice de l’époque, Claude Mairet.
On peut dire que l’année 2012 a été enfin l’année de la reconnaissance. En 2011, voyait le jour l’album Suppléments de Mensonge, album avec lequel j’ai vraiment découvert HFT. Sur cet album, les textes sont un peu plus compréhensibles pour le grand public, ce qui ne les rend pas totalement inférieurs aux précédents albums et au style Thiéfaine, bien au contraire. Cet album a été écrit à la suite d’un « burn-out » de l’artiste en 2008, où comme il le dit lui-même, il a du prendre des vacances pour la première fois de sa vie. Côté production, on remarquera la collaboration avec certains musiciens ayant participé au sublime Fantaisie Militaire d’Alain Bashung.
Cet album s’est très bien vendu, a reçu de nombreux prix comme celui de la Sacem, et surtout, pour la première fois de sa carrière, HFT a (enfin) reçu deux victoires de la musique. La reconnaissance s’est faite attendre longtemps.
La tournée de promotion de cet album, le Homo Plebis Ultimae Tour, a démarré en octobre 2011 et a vu HFT passer une seconde fois à Bercy, mais avec moins de succès que le premier (même si la salle était quand même bien remplie). Cette tournée, achevée en janvier 2013, a compté pas moins de cent dates dans toute la France, dans des salles de tailles diverses ou des festivals, et le public était toujours au rendez-vous.
Parmi les dernières dates de la tournée, on peut évoquer celle à l’Olympia, complète des mois à l’avance, à laquelle j’étais censé assister, mais mon calendrier d’étudiant ne me l’a pas permis. Heureusement, HFT passait quelque jours plus tard à Argenteuil et cette fois-ci je n’allai pas le louper. Je l’avais vu une première fois sur cette tournée en mars 2012 à Gennevilliers et ce concert m’avait totalement remué. Cela allait être encore le cas ce soir-là.
Tout d’abord, j’ai eu la chance de me retrouver au premier rang pour admirer le maître et ses très bons musiciens, dont le guitariste Yves « Alice » Botté, qui exécute élégamment les classique d’HFT, sans pour autant voler la vedette à ce dernier. Pour l’anecdote, on pouvait apercevoir en coulisse, le fils de Thiéfaine, Lucas, jouer les roadies en accordant les guitares. La salle d’Argenteuil n’est pas vraiment une salle de concert mais plutôt une salle polyvalente, digne d’une MJC.
En concert, Thiéfaine joue toujours la même liste de chansons, alternant les classiques et pas mal de titres du sublime nouvel album. Il se plaît à être sur scène, mais n’hésite pas à faire remarquer quand quelque chose le dérange, notamment les flashs des nombreux appareils photos.

Pochette de l’album « Suppléments de mensonge » (2011)
Le titre ouvrant chaque concert est un titre inédit, « Annihilation », que je trouve personnellement sublime, avec un texte fort et cet harmonica hypnotisant. Toutefois, par rapport au concert de mars, la chanson qui dure à l’origine presque dix minutes, a été raccourcie durant les festivals, sans doute pour le public qui ne venait pas spécialement voir HFT. Ainsi, pour ce concert, elle le serait aussi, dommage.
Thiéfaine parle souvent entre les chansons, ce qui montre qu’il est proche de son public, contrairement à ce qu’on pourrait croire, même si chaque phrase dite entre les chansons est la même d’un soir à l’autre, mais ce n’est qu’un détail.
Les chansons du nouvel album prennent vraiment vie sur scène, certaines étant parfois un petit peu réorchestrées, mettant en lumière le jeu d’Alice Botté et des autres musiciens. Ce qui est intéressant par rapport aux tournées précédentes est que les titres sont joués dans une version proche des originaux, contrairement aux arrangements plus ou moins réussis de 2006.
Le concert a duré presque deux heures, avec les standards « Lorelei », « Soleil cherche Futur », « Sweet Amanite Phalloïde Queen », « Narcisse 81 », le sublime « Ad Orgasmum Aeternum » et l’incontournable « Alligators 427 »…
Au concert de mars, j’avais beaucoup aimé le moment où HFT jette son T-shirt à la fin de la dernière chanson « Lobotomie Sporting Club », geste très rock’n’roll qu’il ne fera hélas pas à Argenteuil.
Cela n’a pas empêché ce concert d’être vraiment très bon avec un Thiéfaine très en forme pour ses 64 ans (!). Il est dommage, voire injuste, que le talent de ce génie oublié de la chanson française et du rock français n’ait jamais été réellement consacré par les médias. En effet, c’est en le voyant sur scène qu’on prend conscience de son génie et on comprend aisément que le public soit fidèle et vienne à ses concerts depuis presque 40 ans.
By Boris Fiaudrin
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