J’avais déjà, dans nos pages, publié un live report de L’ami Troy. à la fin du concert, il nous avait confié que son groupe, Chokebore, allait rempiler mais ne nous avait rien dit de son troisième LP solo. Et bien il est sorti le 8 Octobre et s’appelle: Troy Von Balthazar …Is with the Demon, bout de paroles du très beau cinquième morceau de cet album.
Troy, on peut ne pas aimer, même si je ne sais pas comment. C’est particulier certes mais en même temps d’une universalité non feinte. C’est ciselé, calme, ça parle à la tête et au coeur, c’est un peu tristounet parfois, ok, mais les sujets ne sont pas non plus les bals de promo de fin d’année car soyons clairs, qu’y a-t-il d’intéressant à dire sur le bonheur ? Bon j’exagère sans doute un peu mais vous comprenez sans mal le fond de ma pensée…
12 morceaux ainsi qu’une bonus track composent ce nouvel LP. Par rapport au(x) précédent(s), il y a toujours autant d’inventivité et de bricolage en arrière plan. On se souviendra que sur le second album, Troy n’hésitait pas à laisser chanter son magnétophone à cassette alors qu’il jouait du maracas, là c’est différent mais sur la track 8, Butter, le fond sonore qui relève la belle mélodie au piano ressemble à un jack enfiché dans un ampli avec lequel on jouerait pour avoir du bruit blanc. Ça c’est du Troy. le fait de se faire le lead vocal et la double voir triple voix derrière sur des tons différents dont l’une des voix presque susurrée c’est aussi du Troy et ça fait du bien de l’entendre revenir en forme.
L’album commence donc gentillement par « Tropical », voix posée puis voix de tête, Troy en use toujours de façon à l’aise, jouant sur la fragilité de l’une et se reposant sur la légéreté de l’autre. « Coco » est beaucoup plus lourde mais plus sensuelle aussi, dans tous les sens du terme, le ton, l’orchestration. Du Lo-Fi dans toute sa splendeur, limite à faire entendre comme exemple dans tous les bons conservatoires de musique ! « About Being Hurt » est par contre très très aérienne et vient nous libérer du morceau d’avant. « Distresses » semble avoir été écrit pour l’album précédent, ce qui n’est pas un problème car celui-ci suit tout à fait le même schéma. Ce morceau est à rapprocher d’un « The Tigers » avec une batterie en plus, quelques guitares aussi, mais les morceaux iraient bien ensembles. « White Sailboat » est pour moi l’un des plus jolis morceaux de ce LP, bien que très triste, la touche de piano est parfaite, l’acoustique aussi et le doublement de la voix impeccable, tout cela se mixe très bien pour donner une réelle dimension au morceau. « Tigers vs. Pigeon » est légère, on la retient bien et en l’écoutant je ne peux m’empêcher de la fredonner.
Franchement ce type a du talent. Il est atypique dans le paysage Lo-Fi, certes mais au moins sa place ne sera pas prise s’il va pisser avec ses copains de Chokebore. C’est du Sad-Core, d’une beauté mélodique qui vous touche, ok faut pas écouter ça juste après s’être fait largué, en regardant la pluie tomber à travers la fenêtre mais bon, c’est un peu un prolongement d’Ellioth Smith et ça fait du bien aux oreilles. On est plongé dans la rêverie, le fantasmagorique, on erre au travers de ce disque, on s’évade à l’aide d’un musicien très libre dans sa façon d’aborder ses thèmes, ses compositions. Malgré le fait que tout soit très minimaliste presque pudique, on ressent toute l’originalité de la compo. Honnêtement je ne comprends pas que ce type ne soit pas plus connu dans nos contrées, non, je ne comprends pas.
« Applause » est presque chantant, « Butter » entre piano et voix coeurs féminines est tout simplement magnifique. « Queen of What » au son acoustique assez Beatles version « BlackBird » nous berce. Clairement tous les morceaux de cet album ont été composés pour un duo piano-guitare, même si vous entendrez beaucoup d’autres choses dessus. Je passerai sur les derniers morceaux de l’album car honnêtement, si vous êtes encore là à lire cet article c’est que vous êtes prêts à passer à côté d’un des artistes les plus talentueux de notre époque, un artiste qui aurait bien pu vous faire ressentir vos premières émotions folkeuses.
Greg Pinaud-Plazanet
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