C’est dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe. En l’occurrence, l’interprète qui nous concerne ferait plutôt des confitures, sucrées avec du goût, beaucoup de goût. Pourquoi des vieux pots alors ? Parce que cet interprète n’est pas né de la dernière pluie. C’est un des traits communs qu’il partage avec Tony Bennett, qui avait fait la une l’année dernière en sortant un album de duos qui avait cartonné. Un vieux routard de la chanson a donc sorti le 15 mai son album. Il s’agit de Willie Nelson.
Cet album est particulier puisqu’il est réalisé en étroite collaboration avec les deux fils Nelson, surtout Lukas Nelson, mais aussi Micah qui participe à la 13ème piste, « Come On Back Jesus ». Lukas Nelson, musicien comme son père et qui a d’ailleurs sorti récemment un album nommé Wasted, écrit, dirige et est partie prenante de ce magnifique album appelé Heroes. Un nom précurseur pour l’un des fondateurs de la country music en dehors de Nashville.
En effet, né la même année que l’arrivée de Roosvelt au pouvoir, Willie Nelson a grandi d’abord sous les auspices des plus grands noms de la country des années 40 et 50, les années du honky-tonk : Hank Williams, Ernest Tubb ou encore Bill Monroe. De sa vie, on retient, à tort ou à raison, les participations avec Waylon Jennings, autre star de la country honky-tonk, son album de 1973 Shotgun Willie (devenu son surnom); la co-fondation avec Neil Young et John Mellancamp du Farm Aid en réaction au Live Aid ainsi que son militantisme pour la légalisation de la marijuana. Tout cela a contribué à forger son image d’artiste extra-ordinaire et anti-conformiste.
Revenons à la cuvée 2012 de Willie Nelson: Heroes. Pour un album réussi, il faut une bonne dose de chant. Pour cela, même à 79 ans, Willie Nelson est toujours là, sa voix éraillée, nasillarde est toujours aussi brillante et incarne toujours aussi bien la country music. Une légende de la country, qu’on vous dit ! Il faut aussi une bonne dose de country, justement. Sur ce point là, on n’est pas déçu, ce disque est un disque de country, il n’est pas question de country pop ici. Il est de ses artistes qui ne changent pas. Une chose qui transparait donc de son caractère : Willie Nelson fait du Willie Nelson, point final !
Il faut aussi de belles collaborations. Merle Haggard, Snoop Dogg (Oui, vous avez bien lu, la chanson s’appelle « Roll Me Up and Smoke it When I’m Die », autrement dit roule moi et fume moi quand je mourrai… la chanson ne pouvait que convenir à Snoop Dogg), Jamey Johnson, Kris Kristofferson, la famille Nelson, Sheryl Crow, Ray Price ou bien encore Billy Joe Shaver, des grands noms de la country, ou alors des noms qui ratissent large sur le spectre musical. Et il faut enfin une bonne dose de reprises, qui elles aussi ratissent large : « A Horse Called Music » repris d’un des albums de Nelson datant des années 80, « Just Breathe »d’Eddie Vedder datée de 2009, « My Window Faces The South », chanson des années 40 de Bob Willis, « Cold War With You » de Floyd Tillman de 1949, « Home In San Antone » de Fred Rose, « Come On Up To The House » de Tom Waits (1999), et bien entendu, « The Scientist », le plus grand succès du premier Coldplay (avant Viva La Vida) datant de 2002. Avouez que ça vaut le détour.
On passe des années 40, ce que certains appelleraient la « vraie » country music, à des chansons récentes appartenant au camp « maudit » des pop/rockeurs. Willie Nelson nous prouve justement que ces genres et catégories sont dépassées aujourd’hui. C’est ce que sa position de sage nous indique : il y a des bonnes chansons partout. Un album country, parfois western-swing, parfois plus folk, bref, aux multiples facettes, fait pour plaire au plus grand nombre y compris dans le monde de la country. Un album réussi pour un vieux briscard de la musique à qui on ne la fait pas.
Ecouter l’album Heroes de Willie Nelson
Heroes – Willie Nelson (2012) – Legacy Recordings
By Mickael Chailloux