On a écouté

Marilyn Manson: Parce que trois avis valent mieux qu’un.

Week-end trash. Pourquoi me demanderez-vous? Et même si vous ne le faites pas,  je vais vous le dire: Et bien c’est assez simple en fait, j’ai passé pas mal de temps à écouter le dernier né de Marilyn Manson et comme si cela ne suffisait pas et vu que le Xbox Live est plutôt bien fourni en jeux, je me prenais Samedi matin le jeu Alice : Retour au Pays de la Folie. Une espèce de version trash et gore du pays des merveilles. Et bien je trouve que la musique de Manson colle assez bien bien à cet univers, transpirant, poisseux, détourné, avili.

Du coup ce matin pour venir au boulot, j’avais l’album à fond dans la voiture, je suis comme ça, le Lundi matin ça met du baume au cœur… Le titre de l’album Born Villain était tout indiqué pour prolonger le plaisir que j’ai eu à traverser un pays des Merveilles vicié à souhait. Oui car Brian Warner, de son vrai nom mais peu importe aujourd’hui (quoique… mais nous le verrons plus tard) tellement son image est éloigné du petit enfant qu’il fut un jour, nous sert à nouveau un album bien foutu sous tous rapports. Un album qui claque comme une gifle, à nouveau devrais-je (re)dire car j’ai bien crû que je l’avais définitivement perdu lorsqu’il avait sorti l’album Eat Me Drink Me. Même si l’album en lui-même n’était pas mauvais, il était loin de faire parti des meilleurs. Alors comment aborder ce Born Villain ?

MARILYN MANSON – born villain

Marilyn Manson est certainement le plus iconique des artistes américains aujourd’hui. L’homme de la controverse, celui que l’Amérique puritaine aime détester, le mal absolu pour les bigots en tous genres qui ne se regardent certainement pas dans un miroir après avoir tripoté un enfant (c’est une expression imagée certes mais cela résume bien l’idée). Manson a depuis longtemps accepté ce rôle de miroir, cette panoplie de chroniqueur de l’Amérique d’aujourd’hui et de toutes ses ambigüités et ses contradictions. Depuis, il le met en scène au travers de ses concerts, de ses albums. Evidemment ceux qui ne prennent aucune distance avec l’imagerie utilisée pourront le taxer de nazi, de facho, de dépravé etc. Dépravé certes : drogues, sexe sont les attributs du Rock’n Roll, pour le reste c’est que vous n’avez jamais pris la peine d’écouter les paroles des chansons souvent dénonciatrices, MM n’hésitant pas à  endosser le mauvais rôle pour piquer au vif et provoquer une réaction car comme j’ aime à le dire souvent: « Si quelqu’un réagit, c’est qu’il n’est pas tout à fait mort » autrement dit, tant qu’il y a de la vie, y a de l’espoir…

Bien-entendu Manson aime choquer, c’est son commerce mais c’est pour notre bien, le choix même des noms de scène du groupe le reflète bien même si depuis bon nombre d’années (1996 pour être précis, avec l’arrivée de Zim Zum) les nouveaux venus au sein de celui-ci ne changent pas leur nom suivant les règles, à savoir celle de prendre un nom qui respirerait la contradiction en associant le prénom d’un/e mannequin et le nom d’un tueur en série. En gros tout ce que l’Amérique peut fournir respectivement de plus beau et de plus vil tout en soulignant que tout n’est pas blanc ou noir dans la vie, que les icônes brillante ont aussi leur part d’ombre et que ceux que nous considérons comme des monstres peuvent aussi être de bons papas avec leurs propres enfants. Ce clair-obscure étant la base même de la vie et en contradiction avec ce que la société nous renvoie en classant ses icônes dans des cases à stéréotypes.

Dix albums (studio et Live) et un changement de label plus tard , celui qui avait fait des études de théâtre (en plus de celles de journalisme) ne se compose plus de personnage à l’image de celui qui avait personnifié l’album Mecanical Animal (par exemple car le plus repérable dans l’historique Mansonien). Manson, étant pourtant un grand fan de David Bowie (oui, la lentille sur l’œil pour faire style j’ai aussi une mydriase, ça lui vient de Bowie, sorte d’hommage en quelque sorte) et ayant avec lui un point commun non négligeable à savoir la mise en scène du burlesque au travers de personnages hauts en couleurs, n’appartenant à aucune catégorie connue, souvent androgynes, limite extraterrestres, apparaît cette fois simplement comme Marilyn Manson, soit Brian Hugh Warner (c’est d’ailleurs le cas depuis l’album Holy Wood, dernier de la trilogie commencée par Antechrist Superstar) et présente son album comme une résurrection.

De Marilyn Manson, il ne reste donc plus que le nom: Les textes sont plus personnels, la musique plus rock que mystique, Brian Warner gère l’après Marilyn Manson iconique et le fait bien. Pas de façon très ambitieuse mais certainement de façon efficace. Les attaques de cet album le montrent, c’est pêchu même si ce n’est pas plus inventif que ça. Le retour de Twiggy Ramirez (Jeordie White dans la vraie vie) dans le groupe en 2008 est pour beaucoup dans cet album. Je pense qu’il n’y a qu’avec lui que MM arrive à faire les choses bien. Brian Warner livre donc son 3ieme essai hors du Manson qu’on avait l’habitude de haïr ou d’aimer auparavant. C’était un Manson lourd à porter à la longue. Et que reste-t-il de lui au juste ? Comme l’affiche de son concert au Zénith (le 05 Juin 2012) le laisse entendre : l’homme (MAN) derrière l’icône. Voyez plutôt :

Je pensais qu’il n’en restait pas grand-chose. Comme je le disais plus haut, le sentimentalisme quelque peu « je fais du jogging autour de mon nombril et je vais mal» de Eat me Drink Me ne m’avait pas emballé plus que ça et High End of Low ressemblait à une voiture dont on aurait oublié d’enclencher le frein à main, garée dans une rue de San Francisco, même si l’album n’est pas mauvais, il était loin des sommets auquel nous avions eu droit jusqu’alors.

Born Villain démontre que l’on peut encore faire quelque chose de qualité après l’anéantissement. Des morceaux accrocheurs, libérés, presque tonitruants. Manson redécouvre une façon plus dépouillée de travailler, une espèce de retour aux sources, ses sources. Pas celles du groupe. Et là où le résultat de High End of Low était décevant, Born Villain surprend. Il reste donc de l’énergie à ce gars ! MM n’est pas fini  et le prouve d’entrée de jeu avec « Hey, Cruel World », riffs classiques de métal, chutes de rythme, reprise, chorus craché, du bon Manson. « No Reflection » (dont le clip a été réalisé par le français Quentin Dupieux, l’une des figures de proue de la french touch cinématographique : http://www.youtube.com/watch?v=DOj3wDlr_BM ).

Il y a sur ce nouvel LP quelques titres qui feront de bons singles, je ne parle pas de ceux qui sont déjà sortis (No Reflection et Born Villain) mais de ceux qui pour moi ont la pêche nécessaire pour en être un : C’est le cas de « The Flowers of Evil », de « The Gardener » ou encore de « Slo-Mo-Tion » et sa voix lancinante alors qu’à contrario un « Children of Cain » ou encore « Pistol Whipped », même s’ils s’en sortent bien sont pour moi un peu plus classiques dans le répertoire Mansonien. « Murderers Are Getting Prettier » est asséné violemment à l’image de certains anciens morceaux d’Antechrist Superstar, sans pour autant traiter des mêmes sujets, mais la rage est toujours là et ça défoule, c’est le genre de morceau qui ne fera pas aimer MM à ses détracteurs.

« Born Villain » en revanche coupe court et on se laisse facilement entraîner par ce tempo lent et plus léger, le calme après la tempête en quelque sorte, ce qui tranche d’ailleurs avec son clip (réalisé par l’acteur Shia Labeouf au passage, âmes sensibles etc. http://www.youtube.com/watch?v=hB0Dp9TrR1c ). « Breaking the Same Old Ground » fait dans la continuité, un peu comme « Tourniquet » l’avait fait à son époque, voix posée, petites notes détachées en arrière plan. « Overneath the Path of Misery » débutant avec un bout de texte de William Shakespeare reste cohérent avec l’album, « no reason« … Cet album il faut le lire en même temps que l’écouter pour voir le renouveau éventuel, ou du moins le nouveau départ de Manson.

Enfin « You’re So Vain » est un cover de 1972, interprété à la base par Carly Simon, on retrouve pour l’occasion son pote Johnny Depp à la batterie et à la guitare. Un bon titre, mais on savait déjà que MM avait un talent certain pour les reprises à voir ce qu’il avait fait de « Sweet Dreams » ou encore de « Tainted Love » à l’époque. Ce cover sonne comme un single probable en tous cas.

Alors l’album sera-t-il considéré comme la renaissance annoncée de Marilyn Manson ? Je ne sais pas pour vous mais pour moi c’est le cas but « Hey, Cruel World » comme on dit ! certains resteront prudent ou sceptiques et vu les deux derniers opus de MM, on ne saurait les condamner pour cela.

MM

By Greg Pinaud-Plazanet

Contre avis:

La musique classique a ses codes et se plaît souvent à un certain romantisme ou des interprétations martiales; la soul music revendique clairement sa sensualité  aux rythmes chaloupés; la pop et le rock s’embusquent parfois derrière un érotisme osé de par les balades accrocheuses et les tonalités séductrices, on rocke et on rolle, ce n’est pas le coffret Jerry Lee Lewis sortant ces jours-ci qui va infirmer le propos. Le hard rock ou métal industriel comme j’ai pu le lire récemment propose souvent une sonorité bestiale et sexuelle à coups de riffs violemment charmeurs, pourquoi pas ?

Born Villain

Born Villain

Où se situe Marilyn Manson  avec son Born villain? Dans la pornographie pour autant qu’on puisse parler d’une musique pornographique? Non, bien trop soft. Le son est clairement identifié, on fera dans le sadomaso, on criera, on fera mal et on se fera mal, comme on coche une case. Qu’est-ce qu’un son sado maso pour autant que la notion ait une pertinence? Un son qui donne, qui prend, qui fait mal, qui aime se faire mal, et qui aime nous faire mal aux oreilles. Manson a ses fans et ses détracteurs et il est simpliste de foncer vers la critique qui pince le nez et prend une fausse hauteur, de l’écœurement, de l’incompréhension, et du refus total de l’ « artwork musical ». Quand on ne peut pas condamner un disque musicalement, on le fait moralement et vice-versa, pour s’en tirer. Ce n’est pas mon propos.

J’ai écouté cet album sans apriori, considérant même qu’il fallait éviter les tabous et m’assurant d’une ouverture d’esprit  à la Zappa (Un esprit, c’est comme un parachute, ça ne marche qu’une fois ouvert) en écoutant d’abord l’album et en visionnant ensuite le clip (qui s’avère dérangeant comme d’habitude mais inutilement provocateur  avec un sentiment de déjà vu intense à la vue des jets et profusion gratuite de sang. Bouh, le bad boy !) J’ai beaucoup apprécié « No reflection » même si rien ne semble avoir changé. Manson fait du Manson, lui qui voulait tant évoluer, qui a eu l’intelligence de créer son personnage et qui semble tellement en être prisonnier désormais. Oui, Manson, quoi qu’on en dise, est un type intelligent, fin, sensible, capable d’analyser bien mieux que d’autres la tuerie du lycée de Columbine par exemple alors qu’il était désigné par certains comme l’un de ses responsables ! (voir Bowling for Columbine de Michael Moore.), capable de comprendre tout le parti qu’il pouvait tirer d’incarner le cauchemar de l’Amérique…capable de renvoyer dos à dos les bigots qui en faisaient l’antéchrist et les furieux de la National Rifle Association. Mais nous parlons de musique, n’est-ce pas ?

Très rock l’album … mais ne sonne ni ne résonne. Les morceaux se suivent les uns les autres sans prendre de hauteur, le mix est plat même si j’avoue avoir toujours eu beaucoup de mal avec ce qui n’est souvent au fond, qu’un glam-rock qui fait le caïd bodybuildé. Le gros son ne fait pas tout, les effets n’assurent pas le rythme et on s’ennuie à écouter Manson nous crier dessus, à l’exception du « You’re so vain » de Carly Simon.

Je voulais m’ensauvager, me déhancher à la folie sur les ambiances gothiques de l’album, repensant au cataclysme produit à l’écoute du premier album si novateur, dans le genre. Raté, je crois bien que la boucle est bouclée : que Manson continue à se faire mal, à aimer ça, et surtout à ne pas partager… La provocation est un art subtil et délicat, pas un cirque de riffs pyrotechniques pour faire méchant. It’s all about music… et il ne se passe pas grand-chose. Quand j’ai envie de provocation sadomasochiste, je relis les Métamorphoses du Vampire de Baudelaire, et je songe aux deux derniers vers de la première strophe, « Que sur ces matelas qui se pâment d’émoi, les anges impuissants se damneraient pour moi ». On était en 1857 et Baudelaire finira devant les tribunaux pour atteinte à l’ordre public et religieux. C’est toute la question de ce disque, que dire, des années après le choc qu’il a représenté, de ce Barnum de la provocation ? Il n’en reste pas grand-chose, son public a peut être aussi vieilli, moi, par exemple, et aspire à une provocation un peu plus nuancée. Quand Lennon demande aux notables anglais de faire cliqueter leurs bijoux et aux pauvres d’applaudir, il est réellement provocateur. Quand les Small Faces jouent sur le double sens de « Here come the nice », ils le sont aussi mais…quand Manson sort ce disque, on le sent perdu. On le voit mal solo avec une guitare acoustique, certes mais quand même. Les meilleurs ratent parfois un album, pourquoi pas lui ? Mais « fuck », cela reste un peu court, comme provocation et ce n’est pas un vrai musicien. Quand les tournées sentent les relevés de compteur autour de best of cachés par la sortie d’un nouvel album, c’est rarement bon. Quand on songe aux métamorphoses multiples de Bowie et au monolithique personnage de Manson, on frémit un peu, non ? Born Villain ? Ok, et après ? « Fais moi mal Johnny, moi j’aime l’amour qui fait boum » (Magali Noël chante Boris Vian).

By Vanessa Mans

Troisième avis:

A l’annonce de la sortie du 9eme album de Marilyn Manson, les fans se demandaient à quelle sauce ce bonhomme allait encore les manger. Quel style allait t-il encore emprunter ? Quel déguisement allait t-il à nouveau endosser ?

Et bien moi, au bout d’un bon mois d’écoute, je me dis que ça y est enfin, les ailes lui ont poussé dans le dos. Après avoir remercié son ancienne maison de disques, Interscope Records, Marilyn Manson se sent enfin libre de faire ce qu’il veut.

Marilyn Manson - No Reflection

Marilyn Manson – No Reflection

Cette fois-ci, Monsieur le provocateur brouille les pistes et nous livre le savoureux mélange de ce qui l’a porté au sommet depuis son fameux Antichrist Superstar  jusqu’à l’ère du Golden Age of Grotesque. Sur son nouvel album, lui et son acolyte Twiggy Ramirez se plaisent à composer en allant taper dans différents styles. Et cela donne quatorze morceaux sacrement intéressants.

Pour autant la mayonnaise ne monte pas franchement tout de suite. « Hey Cruel World » n’a rien de bien transcendant pour un premier morceau, bien que le meilleur ne soit jamais servi sur un plateau dès l’entrée. Rassurez-vous, il place son 1er single dès le deuxième morceau. Avec « No reflection », on reconnaît sa patte. D’un côté, il y a cette voix plaintive qu’il se plait à prendre comme marque de fabrique. D’un autre, il y a ces résonances sonores faisant écho à ses précédents albums. Un bon choix de single, quoique facile. Mais au fur et à mesure de l’écoute, on sent nettement que MM s’est bien fait plaisir. Toujours aussi provocateur dans ses propos, Monsieur joue cette fois-ci dans la structure musicale des ses morceaux, tel un journaliste écrivant son article. (Rappelez-vous que cet homme a interviewé de grands noms de la scène musicale avant de devenir lui-même une icône de la scène métal rock). Ainsi, il orchestre son album de manière très intelligente et s’improvise « metteur en scène » de morceaux en passant d’un genre à un autre.

Par exemple, il y sème d’innombrables petits sons flippants et grincements tout droit sortis d’un film d’épouvante. A l’écoute de « Pistol Whipped », j’ai tout de suite eu cette impression que mes membres allaient se tordre comme le rappelle une certaine scène du film SAW III. Sur d’autres morceaux, il continue d’une toute autre manière, cette fois-ci en murmurant à nous faire trembler. Puis sur d’autres morceaux encore, il lance quelques paillettes de son Mechanical Animals. Un tout autre genre, plutôt disco et glam donc. Les guitares sont propres, la voix ne tremble pas et monte dans les aigus à la fin des refrains. Quant aux petites touches sonores, elles sont dignes du son typique des années 80. Ecoutez donc « Children of Cain » ou encore « Breaking the Same old ground ». Quant à « Born Villain », il y ajoute une touche élégamment « rock américain des 90’s ».

Petit bémol : il n’oublie pas non plus de nous casser les oreilles sur son « Murderers are getting prettier every day », au titre pas franchement joyeux. Exit !

Bref, ce neuvième album est celui de la liberté, une liberté bien orchestrée. Marilyn Manson nous a composé un patchwork de ses talents le temps de 14 morceaux déroulés durant 1h de rythmique alternée. Le petit film de sa carrière.

Un petit film qu’il clôture avec son ami et guest Johnny Deep, sur « You’re so vain ». Marilyn fait son « vilain » du début à la fin, son provocateur encore et toujours comme il sait si bien le faire. C’est bien d’eux dont on se rappelle au final non ?

By Sabrina Cirillo

2 réflexions sur “Marilyn Manson: Parce que trois avis valent mieux qu’un.

  1. Vous avez raison de proposer vos avis, ils sont honnêtes et surtout on sait d’où vous parlez, comme on disait « avant »… « Music is a commitment to openness » (Costello).

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