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MGMT : L’Ironie du sort.

MGMT, nom super cool, duo bien assorti ou autochtones de leurs univers psychédélique et rocambolesque, mêlant drogues aux mille et une saveurs de naïveté, sensibilité, génie et insouciance, insouciance de ce qui les entoure, insouciance de leur potentiel, insouciance de la vie, insouciance d’eux-mêmes…

MGMT, un groupe pas tout à fait du genre à surfer sur la vague actuelle. MGMT, à consommer sans modération, un vrai bon groupe comme on les aime.

MGMT

MGMT

Il faut remonter à leurs années fac pour avoir une trace de leur début musical en tant que songwriters et compositeurs amateurs, jouant à pianoter deux, trois compos et profitant de leur jeunesse à ingurgiter à peu près n’importe quoi (des choses pas trop morales disons…) tel des ambassadeurs de la liberté.

Nous sommes face à deux garçons, encore tout jeunes et sans expérience, animés par la même passion, la musique, avec Ben Goldwasser, le mec plutôt posé, cool, sympa, bien dans ses pompes et Andrew VanWyngarden, le petit garçon tout mimi au sourire d’ange, tentés par l’envie folle de lui pincer ses joues rebondies… Pardon, empressés de l’arracher de la scène en plein concert et de l’embrasser langoureusement jusqu’à en perdre connaissance et bien plus encore…

Tous deux partagent allègrement leur musique un peu partout où ils passent jusqu’à gagner une certaine réputation et enregistrent quelques années plus tard un premier album dénommé Oracular Spectacular  avec un certain Dave Fridmann, ancien bassiste du groupe de rock Mercury Rev, devenu producteur de nombreux bons groupes comme les Weezer.

Le duo se voit vite accompagné par plusieurs musiciens pour assurer la composition de leur premier album et de leurs premières grandes tournées à travers l’Europe en première partie de nombreux bons groupes avec leurs deux tubes qui vont très vite remontés en surface.

Mars 2007 arrive donc Oracular Spectacular, leur tout premier opus. Tombé entre les mains du grand public et amarré à de nombreuses oreilles, tout le monde ressort grandement surpris de la qualité étonnante de ce premier album de la part d’un groupe encore complètement méconnu jusque-là.

Le succès ne tarde pas et l’album catapulte très, trop vite le groupe vers la célébrité, en très grande partie grâce aux fameux tubes sur lesquels tout bon amateur de musiques a déjà eu vent de ces notes d’une simplicité déconcertante, je parle bien entendu des titres Time To Pretend et surtout Kids. « This is our decision to live fast and die young ». Tel fut leur leitmotiv, clamant le souhait auquel chaque rockeur aspire à vivre, une vie brève et intense,  à cent à l’heure que l’on retrouve dans Time to Pretend. Ces tubes inondes véritablement toutes les ondes de radios, les supermarchés,  toutes les chaînes télévisées, les meetings de l’UMP et même FIFA 09 pour Kids (ouais…), MGMT se voit surpris d’un tel intérêt pour cet album… pardon, pour ces tubes, écrits 10 ans plus tôt où ils n’étaient encore que de simples nomades de la musique. Des mélodies synthétisées à la perfection, moulées idéalement au rythme très accrocheur des musiques, sonnant comme des hymnes du mouvement pop de la dernière décennie, cela va de soi qu’un tel engouement s’opère aussi soudainement pour ces bijoux musicaux.

Hélas, heureusement, difficile d’évaluer réellement la situation à ce moment-là. Le groupe se retrouve projeté face à d’énormes projecteurs qui les éblouissent  et les déboussolent, cataloguant d’emblée MGMT comme un groupe de jeunes branchés cools et sans limite, constamment drogués à produire des tubes, des garçons qui font vendre, des commerciaux en somme…

Outre ces tubes interplanétaires, l’album Oracular Spectacular est impeccable sur tous les plans. On prend grand plaisir à suivre 10 pistes d’une qualité remarquable, avec à chaque fois un son à leur image, sincère et profond, avec Electric Feel et son groove entraînant aux chants Amérindiens du XVI ème siècle ou Future Refletions, une sorte d’accompagnement en douceur à un de leur trip qui agrémente le LP.

D’autres morceaux comme Pieces of What, une musique tristement belle et poignante ou Of Moons, Birds & Monsters égaillent nos esgourdes séduites par ce Oracular Spectacular, décidemment excellent. L’écoute intégrale de cet album se fait, à la manière d’un shooter: d’une seule traite. Bien écrit et de qualité, il nous permet également d’écouter de vrais trésors cachés au-delà de Time To Pretend et de Kids mais aussi, même si eux-mêmes se revendiquent quand même comme ça, de balayer un peu cette image que l’on a façonnée d’eux, l’image de jeunes fêtards, sans cesse défoncés à l’héro et insouciants, faisant apparaître à la place de jeunes garçons touchants, qui s’expriment par le biais de la musique, sans prise de tête, jouant plus pour eux que pour répondre à une demande.

Ce phénomène « MGMT trop hype », emmené par un public en pleine puberté et habitués aux sons qui empestent le commercial où chaque artiste aspire plus à une célébrité précoce qu’à faire passer un message, s’estompe peu à peu.

Nos deux héros fatigués et déboussolés, trouvant chacun refuge dans leur coin, retournent après la tempête en studio pour y enregistrer un nouvel album. De nouveau dans leur studio d’enregistrement à  New-York et à Malibu, les directeurs de la maison de disque se frottent encore les mains après le succès d’Oracular Spectacular, mais se voient contraints de changer leurs plans.

Andrew et Ben, pas des plus emballés par l’image qui est ressorti de leur premier petit nourrisson, changent la donne avec un nouvel album alambiqué qu’ils sortiront début 2010, Congradulations. C’est leur deuxième album et déjà, beaucoup de changement s’opèrent. Premier changement et pas des moindres, c’est 10 chansons et plus 9 auxquelles nous avons droit… non plus sérieusement, la tentation est grande, très grande, celle de dire que celui-ci n’a plus rien à voir avec son prédécesseur ou presque.

MGMT Congratulations artwork

On pourrait extirper de celui-ci des titres phares, Flash Delirium, It’s Working, Siberian Breaks sans oublier Congradulations, tous complètement différents les uns des autres.

L’album Congradulations, contrairement à Oracular Specular qui reste dans cette même ambiance posé et psyché du début à la fin, se divise lui en plusieurs séquences,  changeant l’album d’atmosphère morceaux après morceaux. Les premières pistes, It’s Working et Song for Dan Treacy sont assez équivalents dans leur écoute. Des sons graciles, pêchus où l’on peut humer une légère odeur de pop bien british qui marchent plutôt bien… calembour. Bref, Congradulations accroche dès le début et ça c’est bon pour nous !

Coup de frein à main virulent, arrive Someone’s missing. Revirement total de situation. On ne sait pas vraiment qui manque à l’appel, qui a disparu dans la vie du groupe ou de quelqu’un dont ils relatent l’histoire. Tout ce qu’on sait, c’est que, comme au bon vieux temps de nos chers voisins britanniques, on passe du beau temps à la pluie en un instant. Someone’s missing, d’une pure beauté, donnant presque la larme à l’œil, tend à s’apaiser vers la fin, comme pour rassurer ses auditeurs que la vie continue malgré tout, une véritable prouesse musicale compactée en 2min30. Whoah !

On essuie sa petite larme, le temps d’écouter la chanson suivante, Flash Delirium. Bon, ici, un peu de pop, un peu de basse, un peu de couci-couça en fait pour ce Flash Delirium, qui va crescendo. Nous abordons ce qui s’avère ici être l’une des parties de l’album les plus délectables et qui fait tout le charme de cet album. Je vous propose de visionner attentivement le clip très intriguant , fait de façon minutieuse, quoi de mieux pour illustrer ce que je viens de vous en dire:

http://www.youtube.com/watch?v=QvSMp7T2Kes&ob=av2e

« C’est-à-dire ? », me rétorquerons certains… Aller petit décryptage pour vous: Alors que l’on soit tous d’accord, il s’agit ici d’un mélange de plusieurs interprétations du clip qui se rapprochent à mon goût de la vérité, du moins de quelque chose de tout à fait plausible. On retrouve donc dans cet extrait notre duo adoré, visiblement invités à un anniversaire ou à la commémoration d’un évènement dans un manoir. Sceptiques à l’idée d’y aller, on voit au début de la vidéo Andrew et Ben, la gorge serré, accueillis par une bande de vieux retraités avec grand enthousiasme, prêt à célébrer leur retour à la maison. Andrew, méfiant, s’invite avec Ben qui lui se laisse aller aux festivités. Après un festin des plus copieux et quelques ré mineur échangés, un vétéran de guerre vient arracher une anguille du cou de Ben pour la mettre dans une machine absolument immonde qui aspire celle-ci et lui inflige d’horribles souffrances comme en témoignent les images. Notez à cet instant précis l’humeur de nos deux compères, tristes du sort réservé à leur cher compagnon broyé de toute part, tandis que le reste de l’assemblée se délecte d’un spectacle absolument chaotique. Notez aussi à ce moment précis le ton de la musique qui s’attriste, annonçant un tragique évènement.

Certes, rien n’est encore très clair à vos yeux et c’est normal.

Véritable métaphore, la chanson est en fait une réponse claire à tous au sujet d’Oracular Spectacular, leur premier opus qui, je vous le rappelle, a été modelé de telle sorte à ce qu’MGMT soit étiqueté grand public tant leur musique se veut être très abordable et où une image de commerciaux avides de gloire et de groupies vient leur coller à la peau (tout eux n’est-ce pas ?) avec les titres que je ne citerai plus.

Chaque protagoniste du clip est en fait une caricature d’un acteur ou un évènement qui entoure le groupe, les touchant de près ou de loin. On y voit les vieux joyeux d’accueillir Ben et Andrew, danser froidement au milieu du clip avec une bande de jeunes, s’apparentant surement aux maisons de disque, les jeunes représentant eux des hipsters, jeunes gens de la génération Y qui suivent sans cesse la mode pour toujours rester « hype » et qui du coup n’ont surement écouté que les titres Kids et Time To Pretend au moment de leurs diffusions. Plus loin, on peut apercevoir un peu en retrait un type très louche et suspicieux qui fait très peur, balancer des ondes avec ses machines. Vous aurez devinez qu’il s’agit des radios et médias sur lesquels ont inlassablement pullulés les tubes précédents. Viennent quelques secondes plus tard des pantins, manipulés par de vieux vétérans de guerre, représentant les autres artistes de la maison de disque manipulés par celle-ci. La machine représente l’industrie du disque, qui cherche à ce que le morceau de musique finisse par se vendre un maximum, pour s’en faire un maximum sur le compte des artistes, comme Kids, celle-ci broyant horriblement l’anguille qui elle représente tous les titres qui sont chers au groupe de l’album Oracular Spectacular comme Electric Feel mais surtout Time to Pretend et Kids de l’ancien album, déchiquetés sans retenu par la machine, plongeant ceux-ci dans l’abysse où musiques commerciales éculées qui ont fait vendre s’entassent une à une dans la géhenne industrielle du monde musical.

« Comfort keeps us nice so quick to donate everything » (le confort nous rend plaisant alors dépêche-toi de tout donner). Belle réponse du groupe avec une seule chanson à tout ce marketing qu’il y a eu autour de leur musique. Parenthèse fermée. Veuillez suivre le guide pour le reste de la visite.

MGMT

Après avoir apprécier la douce résonnance de I found a Whistle, Le LP nous propose quelque chose d’autre avec le titre onirique et détourné Siberian Breaks. 12 minutes où l’on part assez loin pendant toute la chanson. Très retro, c’est une musique qui passe par le même chemin que celui arpenté par les Pink Floyd. Siberian Beaks, saccadé en plusieurs partis, part sur des sons psyché, parfois pop en passant par de la musique  de type OST ou manga mélangées à la soundtrack de Kill Bill volume1 qui aurait serré la main d’Ennio Morricone, enfin on ne sait plus trop où on en est. Toujours est-il que cette musique, captivante et déconcertante, est magnifique, surtout à partir de 6 minutes. On retrouve aussi dans l’album une musique sympa et bien rythmé, Brian Eno. Ici, les deux perchés au loin rendent hommage à l’expérimental compositeur du même nom et qui reste une référence pour le groupe. Pour info, c’est lui qui est à l’origine des jingles de Microsoft. Évidemment, Il m’était impossible de finir sans parler du morceau Congradulations. En un mot, parfait.  En plusieurs, une somptueuse balade champêtre sur un nuage de coton qui vous fait goûter au doux parfum du plaisir auditif.

Oui, parler de l’album Congradulations demanderait  sans conteste une attention inégalable tant celui-ci jouit d’une richesse et d’une profondeur certaine. Tout comme son dernier wagon (comprendre: son dernier titre), le train Congradulations à destination de la grâce, a su grandement convaincre et séduire, malgré le fait qu’il n’ait pas rencontré les attentes du public de Kids et Time to Pretend.

Moins accessible qu’Oracular Spectacular, le LP Congradulations se démarque et se révèle d’un plus grand intérêt que son ainé. l’on y sent toute la magie d’MGMT qui semble tout avoir d’un futur grand groupe de musique qui marquera de son génie la génération actuelle. On sent après l’écoute de ces deux opus, des inspirations assez rétro d’artistes d’anciens temps, principalement des Pink Floyd, David Bowie, Neil Young pour Andrew VanWyngarden ou encore le groupe britannique des années 80 Spacemen 3, avec leur titre Hypnotized ou Lord Can You Hear Me, présent dans leur compilation LateNightTales, sortie en 2011. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un concept dans lequel on demande à tout un tas d’artistes comme Jamiroquai, Fatboy Slim, Groove Armada et dernièrement Belle and Sebastian, une sélection d’une vingtaine de musiques à écouter selon eux pour passer une nuit blanche musicale délicieuse. Pour les plus curieux, je vous conseille d’aller jeter un coup d’oreille à ces compils où l’on y découvre les références des artistes sollicités, comme MGMT.

Authentique, MGMT nous réserve un troisième album, encore en préparation, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a hâte d’avoir la main dessus.

By Marcus Bielak

6 réflexions sur “MGMT : L’Ironie du sort.

  1. Merci pour cet excellent article. J’apprécie la sensibilité avec laquelle vous décryptez les titres des albums et les membres du groupe MGMT. J’ai 44 ans et j’ai découvert par hasard MGMT il y a maintenant 6 mois. J’ai accroché immédiatement avec leur style de musique peut être parce que les tendances qui les inspirent me sont un peu familières (Pink Floyd, Bowie…) mais aussi parce qu’ils ont une certaine audace qui me plaît beaucoup. Merci encore pour la qualité de votre article, ce fut un plaisir pour moi. Nathalie

  2. Le plaisir est partagé Nathalie, c’est moi qui vous remercie d’avoir lu et commenté l’article.
    Je dois vous avouer que j’étais pas un grand fan du groupe, et force est de constater que de découvrir un groupe aussi talentueux et authentique qu’MGMT, c’est juste l’extase =)

    Comme vous l’aurez compris, ils m’ont beaucoup touché et je les considère comme une référence et j’ai plus que hâte d’écouter leur troisième opus !

    En tout cas, merci encore d’avoir lu l’article, assez long je dois dire, enfin n’hésitez pas à suivre les rédacteurs du Peuple du Rock qui s’efforcent de toujours plus vous instruire de leur savoir musical, enfin presque toujours, ils se reposent parfois ^^

  3. Waw. Je viens seulement de découvrir ce blog, absolument dément ! ( la question est de savoir comment j’ai pu passer ces 17 dernières années sans !). MGMT ? Premier album, génial – et, comme tu l’a très justement précisé ds ton article, écouté, « dévoré » d’une seule traite .. mhmm un ravissement pour les oreilles. Second album: apparaît plus long, ou décousu au premier abord. Mais après une demi-heure d’attente, on ne s’en remet pas et il FAUT réécouter chacun des titres un par un. Marrant. On croirait avoir à faire à une sorte de drogue. OU plutôt une énigme. N’ayant pas pu fermer l’oeil de la nuit, sans compter les clips complètement décalés qui partent dans tous les sens, je suis parti à la recherche d’une piste sur le sens de tout ça. Bingo. Grâce à ton analyse, une autre piste de réflexion s’ouvre, et avec elle: une autre manière d’apprécier le groupe.
    Je n’aurais qu’un mot: Congratulations !

    Biz’ et Longue vie au Peuple Du Rock !

    BBk.

  4. Du coup, on se tutoie et je te remercie de l’intérêt que tu portes à l’article et au Peuple du Rock. C’est un article qui me tenait à coeur et parler d’un groupe aussi talentueux est un grand plaisir que je souhaite partager le plus possible, mission accomplie donc ça va. C’est vrai que mon analyse est assez subjective mais enfin comme tu dis, c’est une manière différente d’apprécier le groupe ^^

    N’hésite pas à suivre le Peuple du Rock et à donner ton avis sur tout et n’importe quoi 😉
    A bientôt je l’espère !

  5. Je viens également de découvrir ce blog ; pour tout dire je voulais entendre parler de ce groupe. Je pense que mon cas n’est pas rare, c’est kids qui m’a complètement chamboulé. Cette chanson est simplement extraordinaire, et je souhaite découvrir tous leurs titres et retirer mes œillères….

  6. Eh bien je vous conseille, en très bon amateur de MGMT (et auteur de l’article également), le deuxième album, plus intime avec le groupe et si vous voulez planer à cent mille, la chanson Congradulations, encore plus extraordinaire que Kids, enfin c’est mon avis après ^^

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