Au mois d’Octobre est arrivé dans nos boutiques un cadeau d’avant Noël d’excellente facture : Plusieurs Box-Sets d’une anthologie des Smiths, remastérisée pour l’occasion par celui qui reste un des meilleurs guitaristes aujourd’hui : Johnny Marr, ancien lead guitar du groupe.
Personnellement, c’est ma femme qui m’a fait ce cadeau, un soir alors que je revenais de déplacement, elle me tend un paquet que je m’empresse d’ouvrir, elle qui a toujours un mal fou à me trouver un truc que je n’ai pas déjà car les trucs que je vois ou aime ne restent jamais très longtemps dans mes wish-lists… Bref, je déballe comme un gosse et du coup en découvrant ce qui était caché par le papier kraft, je replonge dans mon adolescence.
J’ai découvert The Smiths au fond d’une cave aux alentours de 1986 soit seulement un an avant leur séparation. Un pote à moi habitait une chambre aménagée dans la cave d’un des immeubles de ma résidence de l’époque et ce gars était un fondu de musique Pop/Rock et avait une collection de vinyles et de cassettes assez conséquente. Nous les écoutions donc, vautrés à longueur de soirées sur sa platine.
C’est lors d’une de ces soirées donc que je découvris ce qui allait être pour moi un tournant musical : une voix, un son, des thèmes un brin intello (ou du moins plus profonds que ce qu’on entendait souvent à l’époque), un truc assez bien léché en somme qui me parlait et que je n’avais encore jamais entendu.
The Smiths. Un choc. Une révélation. L’album (compilation) c’était Hatful of Hollow (1984). Des titres comme Panic, This Charming Man, Hand in Glove me firent aimer instantanément ce groupe du début des années 80. Mes LP préférés furent par la suite Meat Is Murder (1985) et The Queen Is Dead (1986), ce dernier étant resté dans l’histoire comme un des plus emblématiques albums de ces années-là.
Alors forcément, les soirs suivants, tous les albums y sont passés et le duo Morrissey-Marr devint pour moi le centre complexe de ma vie de collégien. C’est même le groupe qui m’a fait venir à Pop anglaise de l’époque, la fameuse scène Mancunienne (car née à Manchester).
Je délaissais donc pour un temps Bowie, Iggy Pop, les Buzzcocks pour me plonger dans un tout autre univers. Il ne fallut pas longtemps pour que j’achète ma première gratte, une demi-caisse de chez Aria et que je me mette à reproduire les accords que j’entendais tourner sur les sillons. La minuscule chambre dans le fond de la cave se transforma bientôt en espèce de mini-studio d’enregistrement (sur un pauvre magnétophone à cassette) et de répétition (là il a fallu acheter du matériel…) ou nous reprenions les morceaux de ce groupe, j’ajoutais la voix un jour par hasard quand mon pote me dit qu’elle avait des intonations ressemblant un peu à Morrissey et que je devais y travailler. Ce que j’ai fait.
Plus tard nous avons même réussi à faire un concert sur les marches de la Faculté de Pharmacie, pile sur la Place de la Victoire, à Bordeaux lors d’une fête de la musique sans pluie (ce qui est devenu rare… de ne pas avoir de pluie ce jour-là). J’étais pétrifié devant le monde qui se tenait là, mon ami, lui, en était malade et il a fallu le sortir de la voiture en le trainant… Par la suite j’ai intégré d’autres groupes, et avec l’âge et l’expérience me suis éloigné des voix Morrisseénnes pour trouver ma voix à moi. Et puis les années ont passées et aujourd’hui je ne joue plus que pour moi et mon vieux chien. Tout ceci pour vous faire comprendre que The Smiths a vraiment déclenché chez moi de profonds changements dans ma vie.
Bref. Vous pouvez trouver dans le commerce plusieurs Box-Sets, allant de 35 euros pour le simple, jusque presque 500 euros pour l’édition collector ultime mais les bases du coffret restent les mêmes : 8 CD, édités dans une pochette slim reprenant le design original des vinyles de l’époque. Juste un regret : que les CD eux-mêmes n’aient pas été sérigraphiés comme les vinyles avec impression de sillons et macaron central, mais là c’est peut-être ma nostalgie qui parle…
8 LP donc, soit leurs 4 albums studio (The Smiths, Meat is Murder, The Queen is Dead, Strangeways Here We Come), un album Live, Rank et 3 compilations (Hatful of Hollow, The World Wont Listen et Louder Than Bombs). Avec tout ça, vous avez la totale avec un son est excellent. Johnny Marr a fait un sacré boulot.
Ce groupe, crée en 82 a fortement influencé bon nombre de groupes allant d’Oasis (oui, ce groupe n’a pas été influencé QUE par les Beatles et les Stone Roses), Placebo, Suede, The Stone Roses, Radiohead, Coldplay, Supergrass et j’en passe et des meilleurs…
Il faut dire que musicalement c’était prenant, mais aussi et surtout qu’au niveau textes The Smiths abordait des sujets graves : le SIDA par exemple, sur Asleep… déjà à cette époque alors que le sujet ne faisait pas encore les unes des journaux, ou bien de meurtres d’enfants d’actualité sur Suffer Little Children alors que ce sujet était considéré comme tabou en Angleterre à ce moment-là ; des sujets de société (drogues, solitude, suicide, économie, politique…) que l’on avait pas vraiment l’habitude d’entendre développés sur la scène anglaise d’alors. Des sujets qui font la passerelle entre le mouvement punk de la fin des années 70 et la pop anglaise des années 80. Il n’y a qu’à écouter l’album Meat is Muder pour s’en convaincre une fois pour toutes…
The Smiths a eu une carrière éclair, et peut-être est-ce bien d’ailleurs, ils n’ont pas connu ce que connaissent beaucoup de groupes : la répétition, l’enlisement, l’oubli. Les carrières des uns et des autres membres du groupe ont connues des hauts et des bas, Marr avec The The, Modest Mouse et Morrissey en solo avec quelques échecs commerciaux mais aussi quelques très bons LP (Wauxhall and I entre autres).
Du coup, The Smiths reste LA référence et j’avoue que réécouter les 8 albums m’a renvoyé quelques 25 ans en arrière avec un plaisir d’adolescent bien vivace. Je pense même que je vais reprendre ma guitare et me faire un Panic, un Ask ou encore un Sweet and Tender Hooligan d’ici peu pour ne pas dire maintenant.
« And if it’s not love, then it’s the bomb that will bring us together… »
Greg Pinaud-Plazanet