Découvertes

Edward Sharpe & The Magnetic Zeros

Petite séance de rattrapage pour ceux qui n’auraient pas encore été emporté par la déferlante venue de Los Angeles, Edward Sharpe & The Magnetic Zeros.

Edward Sharpe & The Magnetic Zeros, groupe aux allures de fanfares, s’est fait connaître il y a un peu plus de deux ans maintenant avec le raz de marée « Home ». Difficile de ne pas succomber à ce duo plein de tendresse et de candeur. Et le public outre Atlantique ne s’y trompe pas et adopte très vite cette joyeuse troupe de hippies post-modernes. Des sifflements, un refrain implacable repris en cœur par les Magnetic Zeros, voilà ce qui est à l’origine de ce succès fulgurant. Dès la sortie de leur premier album « Up From Below » en juillet 2009, le groupe entame une tournée à guichets fermés. Cette formation est menée par le très charismatique Alexander Ebert: un physique qui le ferait presque passer pour un cousin éloigné d’Iggy Pop et dont la voix n’est pas sans rappeler celle d’un Bowie. D’ailleurs, tout comme ce dernier avec Ziggy Stardust, il s’est lui aussi crée un alter ego avec le personnage d’Edward Sharpe. Autour de cette figure messianique, Alexander Ebert, fasciné par la physique et les mathématiques depuis l’adolescence fédère une communauté d’artistes qu’il baptise les Magnetic Zeros.

Mais, si c’est auprès de ces derniers que la notoriété d’Alexander Ebert prend une nouvelle dimension, ce dernier n’est pas un inconnu sur la scène musicale Californienne. Depuis la fin des années 1990, il fait parti du groupe Ima Robot aux sonorités plus électro-rock, flirtant même parfois avec l’expérimental. Ce projet mérite que l’on s’y attarde plus longuement, alors je n’en dirai pas plus pour le moment.

Edward Sharpe & The Magnetic Zeros

Revenons en à Edward Sharpe et à ses Magnetic Zeros. Au-delà de l’apparente nonchalance de cette formation, « Up From Below », titre de ce premier album, c’est d’abord l’histoire d’une renaissance, une résurrection, celle d’un homme – Alexander Ebert – qui quelques années auparavant avait entamé une descente aux enfers en tombant dans les affres de la drogue  et en particulier de l’héroïne. Au début des  années 2000,  Ima Robot signe avec Virgin Records (qu’ils ont quitté depuis pour Werewolf Heart Records), et la machine s’accélère vite, trop vite. Alexander Ebert perd pied. Sa musique devient plus dogmatique, plus politique. Désenchanté, il ne croit plus en rien, victime de ses désillusions spirituelles, artistiques… S’enfermant dans une spirale auto-destructrice, il se décrit à l’époque comme une épave. Il finit par rejoindre un programme de désintoxication  et commence la rédaction d’un livre pour lequel il façonne le personnage d’Edward Sharpe.  Mais c’est l’idylle qui naît de sa rencontre avec Jade Castrinos qui lui redonne foi en la musique. Tous deux commencent à reprendre goût à l’exercice créatif en jouant de la façon la plus élémentaire qui soit. Ils chantent à l’unisson sans se préoccuper d’éventuelles fausses notes. Mus par la volonté de redonner à la création artistique sa quintessence, ils donnent vie à des morceaux comme « Home ». Puis, viennent se greffer au couple des amis et amis d’amis qui apportent avec eux trompettes, guitares, percussions… Portée par cette effervescence, l’élaboration de l’album apparaît dès lors, comme un processus thérapeutique, une manière pour Alexander Ebert d’exorciser ce passé tumultueux et de se réconcilier avec lui-même. Mais l’accouchement n’est pas sans douleur car si la réalisation de l’album se fait dans une atmosphère récréative, en faisant l’éloge de la spontanéité, le décès de l’acteur et réalisateur Heath Ledger proche d’Alexander Ebert et qui projetait de créer un nouveau label qui produirait cet album, vient endeuiller l’enthousiasme de cette communauté naissante. L’ombre de ce dernier plane d’ailleurs sur l’album dans des morceaux comme « Brother »  complainte aux  accents de redemption song et qui en live prend des allures de recueillement, ou encore le mélancolique « Come In Please » .

Le morceau « Up from Below » est  l’épicentre de cet album. Alexander Ebert y raconte son histoire sans concession depuis ses cinq ans. Chaque morceau semble ensuite une mise en abîme de sa vie, de ses expériences, dans lesquels se cristallisent ses joies, ses souffrances, et ses questionnements métaphysiques, à l’image du très épuré « Simplest Love » ou encore du très ténébreux «  Black Water » véritable plongée en eaux troubles, duquel s’élève sa voix caverneuse. Tous ces îlots musicaux demeurent toujours liés à un même destin, celui d’Edward Sharpe.

Edward Sharpe (Alexander Ebert)

« Up from Below » est un album patchwork aux influences multiples qui oscille entre le folk, le rock et même le hip-hop – passion d’Alexander Ebert depuis l’âge de 7 ans – à l’image de « Carries On ». Lorsqu’il était enfant, Alexander Ebert partait avec son père pour de longues virées en voiture au son d’une musique très éclectique allant du classique à la musique western en passant par du new age et pour citer quelques artistes Patsy Cline, Johnny Cash, Willie Nelson entre autres. Ces road trips sont une source d’inspiration majeure pour lui car finalement cet album c’est d’abord une invitation à suivre le voyage initiatique de cet alter ego – Edward Sharpe – qui n’a de cesse de lancer des regards dans le rétroviseur comme pour retrouver l’innocence perdue de son enfance. Dans sa quête de vérité, de liberté et d’amour, Alexander Ebert se livre peu à peu avec pudeur et poésie. Si la rencontre salvatrice avec les Magnetic Zeros est mise en scène dans le très théâtrale « 40 Day Dream » qui ouvre l’album, c’est avec « Janglin » que la synergie du groupe éclate au grand jour:

« We Want to feel ya!
We don’t mean to kill ya!
We come back to Heal ya – Janglin soul
Edward and the Magnetic Zeros »

Par ce refrain les Magnetic Zeros cèlent leur identité et revendique leur unité : à présent « we are each other ». Quant au morceau qui clôt l’album « Om Nashi Me », ce n’est ni plus ni moins qu’un hymne solaire de paix, d’amour et de liberté.

On sent que Alexander Ebert  a été marqué par ses lectures et notamment par l’œuvre de Jack Kerouac pour laquelle il ne cache pas son admiration.

Ce premier album se distingue également par un univers visuel remarquablement maîtrisé et pour cause Alexander Ebert a une vraie sensibilité cinématographique. Il met en scène les pérégrinations de son personnage à travers un triptyque relatant la genèse d’Edward Sharpe & The Magnetic Zeros et qui a  pour toile de fond les morceaux « Desert Song », « Kisses Over Babylon » et « 40 Day Dream ». Ces trois tableaux ne sont pas sans rappeler l’univers des Western Spaghetti de Sergio Leone et renforcent ainsi la dimension épique de ce projet. Pour la réalisation, il s’entoure notamment d’un collectif de réalisateurs « The Masses »  dont Heath Ledger faisait également parti et a réalisé plusieurs vidéos : « Morning Yearning » pour Ben Harper ou encore « King Rat » pour Modest Mouse.

Edward Sharpe & The Magnetic Zeros

Mais, Edward Sharpe & The Magnetic Zeros, c’est aussi et surtout une expérience à vivre en live. Le groupe apparaît alors en parfaite osmose et communie avec le public. On assiste à un véritable feu d’artifice d’émotions. Une performance à la fois joyeuse et mélancolique et portée par la voix profonde d’Alexander Ebert. Et si le couple mythique qu’il formait avec Jade n’est plus, leur complicité n’en demeure pas moindre et permet même de laisser une plus grande place aux autres membres du groupe, place qui promet de s’affirmer encore davantage dans le second opus actuellement en préparation et qui s’annonce prometteur. Certains morceaux ont déjà été testés en live comme « Child » interprété par le guitariste Christian Letts ou  « River of Love » ( « Fiya Wata ») chanté par Jade Castrinos mais aussi le très exalté « If You Wanna ». Je dois avouer que j’ai déjà un coup de cœur pour « Man On Fire » un morceau que Alexander Ebert décrit comme une « desperate song » à propos de ses pieds, qui valaient bien selon lui qu’on leur consacre une chanson.

Enfin en mars dernier, Alexander Ebert a sorti un album éponyme qu’il a écrit, composé et enregistré lui-même et qui s’inscrit dans le prolongement de « Up From Below ». Il y poursuit sa quête et continue de se questionner sur sa dualité, son passager noir à l’image du somptueux « Truth » à l’écoute duquel on ne peut que s’incliner devant son talent de songwriter qui le place dans la lignée d’un Dylan (à écouter également « Old Friend »). Cet album est riche d’autres pépites comme « A Million Years » dont la vidéo réalisée par Benjamin Kutsko nous emmène dans un univers à la croisée de L’Histoire Sans Fin et de Where the Wild Things Are.

Edward Sharpe & The Magnetic Zeros n’a pas fini de susciter l’engouement.

 Up from Below, 2009

Voir également artistes similaires : Alexander, Aaron Embry, Dead Man’s Bones, Ima Robot, Soko, Ashtar Command.

By Hélène Delabuis

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