Grands Classiques

Calvin Russell, « Blues Cow Boy »

Il y a deux mois, on apprenait la triste nouvelle : Gary Moore avait sombré dans un hôtel en Espagne. Le 3 avril, une information est passé complètement inaperçu, entre Fukushima, Benghazi, Abidjan et Lampedusa. Un des plus grands bluesmen s’est encore éteint. C’était le bluesman européen, sorte d’American Dream à l’envers. C’était Calvin Russell.

Calvin Russell, un personnage atypique

Né le 30 octobre 1948 à Austin, Texas, il se sent dès son enfance attaché à la musique. Précoce, il rejoint son premier groupe à 13 ans, The Caveman. Ces deux éléments représentent bien sa vie d’avant-gloire. C’est un peu « sexe, drogue et rock’n’roll ». Son casier judiciaire est ainsi bien rempli : vingt-trois délits, dont trois lui ont values des peines de prison ferme. Il connait assez bien la maison de correction et la prison, que ce soit aux USA mais aussi au Mexique. En 1985, il est emprisonné à Nuevo Laredo pour importation frauduleuse de stupéfiants pendant 1 an et demi. Il le déclare lui-même :

« J’étais ce genre de gars qui ne s’arrête jamais, même pas pour écouter battre son cœur. […] Pour moi, ça a été presque une école nécessaire, vraiment nécessaire. Et tu y apprends aussi à faire face et à surmonter tes propres peurs« .

Cela dit, Calvin n’est pas qu’un gamin voulant s’amuser. La musique ne le quitte jamais. Freddie King, Albert Collins, B.B. King, Bill Haley, Elvis Presley et les Beatles sont ses influences musicales, entre blues et rock. En 1985, revenant à Austin, il se met en tête d’intéresser l’industrie musicale avec le peu de chansons qu’il avait écrit et composé. Fréquentant les lieux où l’alcool et la drogue circule en quantité importante, il entre dans ce milieu marginal, mais rencontre quand même des gens de très grande qualité et de talent, comme Willie Nelson, Townes Van Zandt… La musique est la seule chose qui l’empêche de sombrer. N’arrivant pas à susciter l’intérêt des compagnies américaines, il fait un premier essai en 1988 sur un label allemand : cela s’appelle The Caracters – Act One. Ce premier album se vend à 600 exemplaires.

Calvin Russell, le bluesman tardif

Son sauveur est français : il s’appelle Patrick Mathé. Il vient de fonder le label New Rose Records, et trouve ce texan intéressant. Il rencontre pour la première fois Calvin Russell lors d’une soirée à Austin ou il y avait Charlie Sexton et son groupe. Mathé, après l’écoute de ses démos, lui propose de faire un album. A l’aube de ses quarante ans, avec la peur de ne jamais faire carrière, il accepte. Son premier album parait début 1990, et il s’appelle A Crack In Time. Il obtient une popularité assez importante en France, ou il tourne souvent. Ces années 90 commencent vraiment bien pour lui : en 1991, il produit un nouvel album, South From The Fourth World. Un des titres marque le public : Crossroads

En 1992, il sort encore un autre album, enregistré à Austin comme les deux précédents : Soldier. Sous la direction de Jim Dickinson, qui a travaillé avec les Stones et Ry Cooder, il nous livre un album à la charnière de Stevie Ray Vaughan et de Stephen Stills. Durant l’enregistrement de cet album, il voit pour la première fois la ville de Memphis. Le Voyageur est le premier album live de Russell, qui est enregistré en France, à l’Olympia, à l’Elysée Montmartre, mais aussi à Rouen et Orléans. Ce fut une tournée impressionnante, qui l’a amené dans 178 salles de concerts en Europe.

En 1995, il sort Dream Of The Dog, un album qui fait référence à une vieille légende indienne de la tribu de son arrière grand mère. Dans Valley Far Below, on retrouve la puissance de sa voix et d’instruments : c’est un tube incontournable. Pour ses prochains albums, que cela soit Calvin Russell, les inédits de sa compilation This Is My Life, The Story Of Calvin Russell, ou Sam, les chansons retrouvent leur penchant blues. Ainsi, ce dernier album est probablement un de ses meilleurs albums de blues. La chanson éponyme raconte la vie de Sam Brown, son ancien compagnon de cellule, condamné à vie selon les lois du Texas, qui veulent qu’après le 7ème délit mineur (comme chèque sans provision), on est condamné à vie.

Le blues authentique

Les années 2000 sont les années du retour aux sources. Avec Rebel Radio, Russell cherche à trouver enfin la popularité qu’il a acquise en Europe dans son pays natal. Par ailleurs, il n’abandonne pas la scène, qui est pour lui très importante, car ce n’est pas un arrangeur. Il aime ses morceaux brutes de décoffrage, comme en live, un peu à l’image de sa vie, une vie un peu à la marge. Il prend les choses comme elles viennent, développant une philosophie très épicurienne. Par ailleurs, il ne cesse et n’aura cessé de naviguer entre le blues et le rock. Il publie In Spite Of It All en 2005, puis Unrepentant en 2007. Enfin, en 2009, il publie Dawg Eat Dawg, et interprète même Lonesome Cowboy pour le film Lucky Luke. Contrabendo, album live enregistré en 2007, sera la dernière occasion de le voir sur scène. C’est son testament musical.

Calvin Russell est donc l’éternel hédoniste et assurément un musicien marginal. Il fait partie de la nouvelle vague de bluesman, comme Ray Vaughan et d’autres. Ses chansons sont sobres et efficaces. Sa voix sert beaucoup ses chansons, comme c’est le cas pour de nombreux artistes comme Tom Petty par exemple. Entre folk, blues, rock son cœur balance et nos oreilles aussi. Ses chansons, comme I want to change the world, mais aussi Down in Texas ou Rockin’ The Republicans sont des chansons vraiment marquantes. Calvin Russell représentait le blues qui marche, sans fioritures, et sans solos très impressionnants. Sa musique représentait sa vie, et il arrivait à nous transporter de façon inimaginable.

Il mérite largement sa popularité : bluesman de qualité, il faut réécouter sa discographie et notamment ses premiers albums. Le visage et les mains abimés par la vie, il a su rebondir grâce à la musique. La musique l’a sauvé de la déchéance, mais pas du cancer.

« L’homme au Stetson » avait 62 ans.

By Mickael Chailloux

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