Saint-Louis, ville mythique située à la confluence du Missouri et du Mississippi, entre Chicago au nord, Memphis au Sud, et encore plus bas : La Nouvelle Orleans. Une longue ligne noire de l’histoire du Blues et du Rythm’n Blues. Saint Louis a donc naturellement vu naître le Rock’n Roll, enfant bâtard du Rythm’n Blues. Pensez-donc que Saint Louis aurait pu être français si Bonaparte ne l’avait pas revendu aux Etats Unis en 1803… Pensez-donc que Chuck Berry, véritable légende du Rock, aurait pu naître français 123 ans plus tard… Nous aurions pu avoir la porte de l’Ouest, l’une de celles que prit le Rock’n Roll pour s’insinuer sur chaque radio du territoire…
L’Alchimiste
Chuck Berry est reconnu comme celui qui a transformé le Rythm’n Blues en Rock ‘n Roll, en y ajoutant des éléments qui, aujourd’hui encore, sont des caractéristiques persistantes du Rock’n Roll. Solo de guitare à rallonge, des thèmes sociaux plus que sentimentaux, chers jusque là au Rythm’n Blues. Même si l’on y parle de filles, on y parle aussi de belles caisses, d’adolescence… Des thèmes parfois jugés rebelles par les critiques : une femme aux yeux bleus et de classe sociale respectable s’entichant d’un homme aux yeux marrons, référence à peine voilée à une certaine mixité raciale encore mal vue à l’époque, mais qui transposent toute l’imagerie du Rock des années 50 que l’on connait. Si vous êtes cinéphiles, vous n’avez pas pu passer à côté de l’hommage que Robert Zemeckis cala dans son film Retour vers le Futur en rendant à César ce qui était à César, lors d’un clin d’oeil des plus intelligent… Et que dire du fait qu’il lui arrivait de recruter des musiciens le soir même de ses concerts en ville… C’est pas Rock’n Roll ça ?
Du Duckwalk à ACDC
Chuck Berry a apporté également beaucoup à la mise en scène lors de ses lives. Et, lorsque l’on y pense, il a énormément influencé les artistes qui lui ont emboîté le pas. Et si Angus Young (ACDC) traverse ses scènes avec son pas, lui aussi, légendaire, ce n’est pas pour rien. Celui qu’on surnommait « Crazy Legs » captivait son audience comme personne à l’époque. Même lorsqu’il passait dans des salles spacieuses et bondées. On pense alors naturellement à Elvis Presley, qui, un peu plus au sud de Saint Louis poussait la porte du petit studio de Sun Records, au même moment. Si ce dernier créa la surprise (et la stupeur !) avec son interprétation de That’s Allright Mama et son coté visionnaire quant au tournant que devait prendre la musique populaire, il enregistra pas mal de morceaux de Chuck Berry (Maybellene et Brown-Eyed Handsome Man trônent parmi les cinq premiers lives enregistrés du King), le déhanché est venu plus tard en relisant qu’il lui fallait, à lui aussi, un jeu de scène, qui devint vite central et incontournable pour électriser l’audience.
Une influence déterminante
Chuck Berry est reconnu comme l’un des papes du Rock’n Roll, l’un de ceux sans qui, nombre de musiciens n’auraient sans doute pas osé sortir de leurs caves où ils écoutaient, en petits groupes, les disques du monsieur et de bien d’autres (Little Richards, Jerry Lee Lewis, Muddy Waters…). C’est le cas d’un John Lennon ou d’un Keith Richards. Les Beatles ont beaucoup profité des succès de Chuck Berry lors de leurs débuts en concert, mais ce ne sont pas les seuls, loin de là, les Kinks sont allés jusqu’à enregistrer quelques morceaux du maitre sur leur premier album. On se souviendra également du cover de Nadine par un Rory Gallagher habité, en 1982. Et puis comment ne pas relever toutes les similitudes mélodiques de certains titres des Beach Boys, à commencer par Sweet Little Sixteeen… Le Rock est une grande famille et il est certain d’une chose, si Chuck Berry n’a sans doute pas sorti la première chanson Rock’n Roll, il en est assurément reconnu comme l’un des pères fondateurs.
Alors que cette année devrait voir l’arrivée d’un album sobrement intitulé Chuck, l’actualité, parfois, bouscule tout. Cet Edito n’était bien évidemment pas prévu, même si ce bon vieux Chuck était bien-entendu plus près de la première marche de son starway to heaven qu’en train de compter fleurette à sa première conquête. Il fallait s’y attendre oui, mais lorsque cela arrive, on se dit toujours que ça aurait pu attendre encore un peu, oui, un tout petit peu… Heureusement, de nombreux enregistrements video et audio existent et continueront à propager la légende de Chuck Berry. Je vous conseille tout particulièrement le documentaire Hail! Hail! Rock ‘n’ Roll, qui est en grande partie la captation des répétitions et des concerts organisés par Keith Richards pour célébrer le soixantième anniversaire de Chuck Berry. Ce n’est pas neuf (1986), mais ce documentaire restera dans l’histoire du Rock.
Greg Pinaud-Plazanet