Quel groupe de musique a le cran de sortir un album auto-produit sans faire aucune publicité et pourtant arrive à vendre en 24h, 30 000 albums et 15 000 vinyles ? My Bloody Valentine bien sur ! Ce magnifique groupe qui a profondément marqué l’histoire du rock revient après 22 ans d’absence avec un nouvel album intitulé MBV. Il est sorti le 22 février mais était déjà en vente sur le site du groupe avant cela. Ce groupe formé par Kevin Shields et Colm Cusack en 1983 dans la ville de Dublin, en Irlande, a bouleversé le rock.
Début des années 80, la vague punk est terminée. Le rock semble stagner dans une pop mielleuse et pourtant My Bloody Valentine est arrivé et a tout chamboulé. Comment évoquer la beauté de la musique, ces cascades sonores, ces distorsions extrêmes, ses divagations sonores qui nous entraînent dans un monde parallèle ? Ces guitares violentes, passionnelles, sont elles effrayantes ou attirantes ? Ces morceaux nous percutent comme des vagues violentes, les paroles sont effacées, vaporeuses comme des chants de sirènes qui nous parviendraient à travers la brume. Pour comprendre, il faut écouter, se laisser submerger, transpercer par cette musique indescriptible. La photo et la peinture peuvent être floues, nous découvrons que la musique, grâce à My Bloody Valentine peut l’être aussi. Ce groupe construit un mur du son et se cache derrière, nous savons peu de choses sur le groupe et c’est mieux ainsi : le mystère est entier.
Ce groupe phare du shoegaze, courant apparu dans les années 80 au Royaume-Uni, explore les limites de la dream pop pour atteindre l’expérimental et la distorsion. Le mouvement fut appelé ainsi à cause de l’attitude nonchalante des guitaristes qui regardaient leurs pieds pendant qu’ils jouaient, utilisant sans cesse les pédales. En 1984, Shields et Cusack crée, avec Dave Conway et Tina, My Bloody Valentine. Ils vivent en Hollande, à Berlin et retournent à Dublin après les concerts. En 85, ils s’installent à Londres et sortent un EP l’année suivante intitulé Geek ! Le groupe est fortement influencé par The Jesus and Mary Chain, groupe bruitiste culte. En novembre 87, c’est l’EP Ecstasy, poussé par le simple « Strawberry Wine » qui lance véritablement le groupe auprès des amateurs de rock indépendant. Malgré un mauvais son dû à des enregistrements amateurs, le bouche à oreille fonctionne et le groupe signe chez le label Creation en 88. Leur premier album, Isn’t Anything sort en novembre de la même année et montre que le groupe continue son ascension au sommet de la musique. Bilinda Butcher et Debbie Googe ont remplacé Conway et Tina. Cet album est tout simplement un joyau: des sons violents, extrêmes qui secouent le corps dans tous les sens. On découvre un Kevin Shields obsédé du son au point de s’y perdre. L’œuvre fait preuve d’une originalité incomparable et permet au groupe d’être propulsé tout en haut de la montagne sacrée du rock indépendant.
Après le succès de ce premier opus, Shields décide d’aller plus loin et commence à élaborer ce qui sera le plus grand chef d’œuvre du groupe et l’un des plus grands de l’histoire du rock : Loveless sorti en 91. Entre temps l’Ep Glider, sorti en avril 90, confirme le génie du groupe. Trois années de travail, dix-huit ingénieurs du son et vingt studios différents seront nécessaires pour venir à bout de Loveless. Pourquoi autant de travail ? Le son le demande t-il ? L’enregistrement de l’album fut chaotique, consommation de drogues douces, fatigues, tensions… Le groupe a survécu et propose ce qui devient leur plus bel album. Il est tout de suite considéré comme l’un des meilleurs de la décennie. Chaque chanson est un voyage sensorielle, l’album ne peut s’écouter que dans son ensemble, les morceaux font sens uniquement mit bout à bout. Kevin Shields lors d’une interview en 2012 aux Inrocks a déclaré : « Je n’arrivais pas à me dépêtrer de cette masse de riffs, de sons, de boucles. J’avais tellement le nez dans la console qu’il m’était impossible d’assembler tout ça pour en faire des chansons ». On pourrait parler de cet album pendant des heures, ce que je vais éviter de faire ! Malgré le succès, les relations au sein du groupe ainsi qu’ avec leur label s’enveniment au point qu’ils partent chez Island Record en 92. Mais sous pression pour la sortie d’un nouvel album, la créativité du groupe ne se développe pas et rien n’en sortira. Leur activité cesse peu à peu. De retour après une maladie mentale, Kevin Shields annonce en 97 la sortie d’un nouvel album. Les fans s’excitent et attendent impatiemment mais rien ne sortira là non plus. En 2003, Shields composera quatre morceaux pour le film Lost In Translation de Sofia Coppola. Malgré ce silence, aujourd’hui encore le groupe reste une référence incontournable du rock, pire ! ayant été fauchés en plein succès ils sont passé dans la légende du rock indé.
Le 2 Février 2013 My Bloody Valentine sort en écoute libre sur Youtube leur troisième album : MBV. Qu’en est-il de ce dernier Lp tant attendu ? Il est excellent. Le groupe prouve une fois de plus son génie musical et son originalité. Bien sur, il n’est pas au niveau de Loveless mais reste un excellent album qui démarre bien l’année 2013. Bien sur, il n’aura sans doute pas le même impact que ce dernier a eu et a encore, mais c’est quand même un très bon album. Ces neufs chansons sont construites dans la même vaine que Loveless (« Only Tomorrow », « She Found Now », « Nothing Is »…). Le son est toujours ravageur, travaillé et invitent à la transe sonore. C’est vrai que certains peuvent être déçus après 20 ans d’attente car l’album n’est pas aussi innovant que Loveless. On y retrouve néanmoins le son tellement magnifique de My Bloody Valentine et cela fait tellement plaisir. Alors en clair, cet album n’a pas la force novatrice de son prédécesseur, n’atteint pas les sommets avec des morceaux tels que « Soon », « Slow » ou bien « To Here Knows When », mais l’album nous fait retrouver de manière tellement jubilatoire My Bloody Valentine… Bel opus qui risque de tourner en boucle sur les platines !
By Diego Seval