Groupe américain, vous l’aurez sans doute deviné, natifs d’Athens, fief de l’État d’Alabama aux États-Unis, Alabama Shakes signe son premier album, Boys and Girls, sorti le 10 avril 2012, et le moins que l’on puisse dire c’est que ça vaut le coup d’oreille !
Contrairement aux dires de beaucoup, ce n’est pas un vieux groupe des années 70 du fin fond du sud des États-Unis qui sort un énième album, histoire de montrer à leurs quelques derniers fans qu’ils sont encore parmi le monde du commun des mortels. En effet, nouveau et sans expérience, le quatuor ma foi fort atypique fait les beaux jours des musiques d’antan en interprétant un premier LP ressemblant fortement à un 33 tour d’un groupe de Rythm’N Blues des années 70.
Pourtant, malgré leur récente émergence, le groupe affiche déjà une grande aisance dans leur domaine lorsque qu’on écoute ce Boys and Girls, très attendu par beaucoup. Ne chipotons pas des masses de plomb, l’album est excellent, sans fausse note de la première à la dernière syllabe. En effet, Après un premier single diffusé au préalable « Hold On », qui a bien cassé la baraque, l’album était attendu au tournant et on avait hâte de voir la suite, une suite tout aussi électrique que « Hold On ».
La première des choses à signaler, c’est que l’on n’a pas affaire à une bande d’amateurs. Des musiciens hors pair, jouant avec dextérité des rythmes anciens qui ont fait le bonheur des générations tout aussi anciennes, des prouesses à louer d’autant que le groupe jouit également de la présence d’une chanteuse, une vraie meneuse, dotée d’une voix exceptionnelle: Brittany Howard. Touchée par la grâce, Brittany Howard, de sa voix enivrante et suave, nous transporte dans un courant d’eau douce du Mississipi, en ornant l’album d’une tenue Blues Rock, Country, Rythm’N Blues et assurément très Soul.
Premières percussions bien sourdes de la part du batteur Steve Johnson, le EP Hold On balaye les quelques feuilles mortes de votre pallier avec cette musique un peu « force tranquille », gaie sous des airs de Country qui vous rafraîchit sous une canicule venue tout droit de l’enfer. Carrément ouais !
Le titre marche bien et introduit impeccablement le LP. Dans la continuité de l’album s’enchaîne l’une des plus belles chansons d’amour ou presque de Boys and Girls: « I Found You ». Je vous vois déjà la larme à l’œil, oui oui, ne me dîtes pas le contraire, tout émus que vous êtes par ces mélodies d’une similitude effroyable avec un grand album de soul d’un groupe de la Motown où Brittany Howard, encore un poil timide dans ses vocalises, bonifie ce titre par sa superbe. Magnifique. « Hang Loose », country sur les bords, et « Rise to The Sun », Soul mais moderne, tranquillisant mais pas mou du genou, vous promettent un agréable moment en compagnie de la bande « Air Alabama Shakes».
Après ces quelques entrées très goûteuses arrive le single « You Ain’t Alone ». Craintive mais désireuse d’éclaircir les choses, certainement avec un amour perdu ou un être cher tout au moins (« Somebody ? Are you scared what somebody’s gon think? Or… Are you scared to wear your heart out on your sleeve? Are you scared me?« ), Brittany Howard dirige par sa voix travaillée et puissante sa troupe vers un registre Soul sans conteste une fois encore. Petite transition avec « Goin ‘ to The Party », tout discret et sans prétention, histoire de se préparer au prochain titre, ça promet comme vous l’aurez timidement deviné. Imaginez un instant le cortège de musiciens (Alabama Shakes ici évidemment…), tous sur leur 31, en pleine représentation devant un public ébahi par la prestation de leur chanteuse qui monte en puissance sa voix rocailleuse et étirée à l’excès, vêtue de sa plus belle robe de soirée, brillante de mille feux, son front dégoulinant de sueur tant l’émotion prend le pas sur tout le reste. Vous sentez-vous pris sous son joug écrasant ? Avec un titre pareil, « Heartbreaker », inutile de vous faire un dessin sur ce qui peut être dit dans ce recueillement musical d’une telle beauté, tristement sangloté par une Brittany Howard, décidemment épatante.
Oui, las de se battre en vain, le EP Boys and Girls, éponyme de l’album, démontre au même titre que « You Ain’t Alone », la lassitude de la chanteuse essayer de soutirer le pourquoi du comment de la part, on le suppose ,d’un homme sur une ballade un poil mélancolique. Assez émouvant il faut bien l’avouer. « Be Mine » et « I Ain’t the Same » affichent quant à eux plus d’énergie après quelques morceaux qui vous foutent un peu le cafard par moment. On apprécie cet entrain à aller de l’avant sur une petite pointe de groove pour le second morceau, très sympa, frais, juste et sincère, bref, une brise de fraîcheur qui fait du bien !
« The Ballad Of Curtis Low », dernier titre de Boys and Girls… pardon pardon, « On Your Way », conclue adroitement le premier album de Alabama Shakes, agréable visite n’est-ce pas ? Effectivement, on peut sentir des faux-airs de Led-Zeppelin sur la fin du morceau et un faux air de la chanson de Lynyrd Skynyrd: « The Ballad Of Curtis Low » sur les riffs de guitares.
Qu’on se le dise, Alabama Shakes est à prendre très au sérieux. Fort d’avoir fait sensation dès son premier album, le groupe démontre une forte conviction, un peu de prétention et surtout beaucoup de talents chez ses membres mais c’est surtout la chanteuse, Brittany Howard qui fait vraiment la différence. Véritable égérie de la renaissance des chanteuses soul qui ont fait l’âge d’or du Rythm’N Blues et de la Soul music avec des pionnières comme Mavis Staples, Candi Staton, la célèbre Diana Ross des Supremes, sans oublier la grande, l’incroyable Aretha Franklin avec qui on la compare beaucoup pour sa capacité à aller décrocher la planète Neptune en 36 secondes chrono. Brittany Howard n’a vraiment pas à rougir face à la concurrence.
Toujours est-il qu’avec leur premier opus, Boys and Girls, Alabama Shakes a réussi son coup et on se délecte de 11 titres quand même bien plus Soul que Blues ou même Rock. Fiers de leurs origines, les membres du groupe semblent être très reconnaissants de leur héritage musical, ce qui se ressent beaucoup sur leur album. Reste maintenant à savoir si le fait de rester fixés fortement au passé sera la meilleure des manières d’aborder un possible second opus qui promet déjà. Mais comme nous n’y sommes pas encore, on profitera pour l’instant d’un excellent album, un peu court hélas et peut-être un peu trop vintage mais terriblement attachant et qu’on ne se lassera pas d’écouter pour accompagner nos journées épuisantes.
By Marcus Bielak