Il y a 30 ans disparaissait John Lennon, l’ancien leader des Beatles, devenu au fil des temps un idéaliste révolutionnaire. Cela nous donne une occasion de revenir sur une carrière musicale chargée. Car cette mort brutale le 8 décembre 1980, assassiné par Mark Chapman, nous laisse un gout amer et de facto, a propulsé Lennon au rang d’idole des temps modernes. Une idole encore féconde musicalement, puisque Lennon sortait l’album Double Fantasy au moment de sa mort, qui d’ailleurs fait encore actualité, avec la sortie de la Lennon Box récemment, autrement dit, toutes ses œuvres remasterisées, ainsi que deux best-of. Alors, on peut se poser légitimement la question suivante :
Comment Lennon durant toute sa carrière s’imposa comme une idole et de quelle façon il passa de l’idole musicale au mythe idéaliste ?
Oui, car le mythe Lennon se construit déjà par son génie musical, autant dans les Beatles qu’en solo. Cela dit, Lennon émerge musicalement en tant que fondateur des Quarrymens, devenus Beatles en 1962. Et c’est à travers ça qu’il se construit l’image d’un vrai leader de groupe, bientôt aidé dans son entreprise par Paul McCartney, un jeune homme pétri de talent, tout comme lui. A eux deux, et aidé par des gens aussi formidables, ils deviennent un groupe cohérent. Cohérent certes, mais où Lennon tient une grande place. Il écrit de nombreuses chansons et de nombreuses chansons seront des tubes. La qualité des chansons est indéniable : les Beatles importent en Angleterre quelque chose qui n’avait presque jamais été fait avant, et au Cavern Club, ils s’épanouissent. De tournée en tournée, ces « quatre garçons dans le vent » déclenchent une vague extraordinaire, dont eux-mêmes n’avaient pas conscience au début. « Les Beatles sont plus populaires que Jésus » prononce même Lennon. Musicalement, on lui doit des chansons telles qu’ « If I Fell », « Ticket To Ride », mais aussi « Please Please Me ». Surtout, on lui doit dès 1965 des chansons plus personnelles et intéressantes comme « I’m A Loser », « Help », « Doctor Robert », « Norwegian Wood », « I Am The Walrus », « Strawberry Field Forever », ou encore le controversé « Revolution 9 ». Ainsi, on ne peut pas considérer ses chansons de sa période « Beatles » comme niaises : elles ne le sont pas directement. Dés le premier jour, elles sont abouties, quand bien même elles sont simplistes. De plus, à partir des années 1965-1966, les chansons s’affinent encore plus, avec les premières utilisations de bandes magnétiques à l’envers, la rencontre avec Dylan, voir même l’influence du Maharashi (et du LSD)…. En tout cas, sa période « Beatles » lui apprend beaucoup. Dès lors, c’est une icône musicale. Une icône musicale dont la popularité ne se dément pas dans les années 70.
Car, réduire John Lennon au « Lennon des années 60 » est quelque chose d’inconcevable. C’est lui qui prononce « The Dream Is Over » et qu’il ne croit plus aux Beatles, cassant la rumeur d’une possible reformation. C’est lui encore qui préfère la collaboration avec Yoko Ono à la collaboration avec les autres Beatles. C’est lui qui tue le père en annonçant la séparation officielle des Beatles. Ainsi, cet apprentissage du milieu de la musique qui l’a porté en influence est quasiment renié par Lennon, et il se consacre à une nouvelle musique, aidé par son amie Yoko Ono. Son premier album est ainsi symptomatique d’un écartement de la voie des Beatles, dans le sens des paroles, de « Working Class Hero » à « God », en passant par « Mother. Lennon » écrit sur son enfance et sur le monde. Il est plus libre que ses collègues. Dans le même temps, il sort l’album Imagine en 1971, considéré comme la suite logique de son « premier album solo ». Enfin, il devient donc plus qu’une icône, mais un mythe. La suite de l’histoire musicale est plus troublée. Dans les années 1973, et après le bide de Some Times In New York City, il s’exile (poussé par Yoko Ono) en Californie, après ses déboires avec l’administration américaine (et surtout avec Nixon). Lorsqu’il revient, il n’est évidemment plus le même homme, moins activiste, et se consacrant à la vie de famille, sortant quand même un album hommage aux stars du rock’n’roll, qui ont fait en partie ce qu’il est devenu plus tard en 1975.
Le mois de décembre 1980 devait donc être son grand retour musical, retour à des chansons plus personnelles, et peut être moins acerbes. Il n’en reste pas moins que le 8 décembre 1980, une partie du monde et des fans des Beatles (qui entretenait le culte de Lennon) sont effondrés lorsqu’ils apprennent qu’un « allumé » qui s’appelle Mark David Chapman tire à bout portant, et devant les yeux de Yoko Ono, sur John Lennon. Fanatique plus qu’adorateur, ce geste montre la limite de la beatlemania et surtout d’un geste qui encore 30 ans après parait surréaliste et très peu expliqué, malgré de grandes recherches entreprises depuis 10 ans et le décès de Harrison. Comme le montre la une ci-dessus, l’onde de choc est réelle : c’est « la mort d’un héros ». Un héros qui rentre au panthéon des artistes connus assassinés, comme Sam Cooke, ou des rappeurs comme Notorious Big ou Tupac. Il retrouve aussi un autre « idéaliste » (ou considéré comme tel) assassiné en la personne de John Kennedy. Mais, celui qui le rejoindra plus tard, dans un autre parcours pas tellement différent est Michael Jackson. Une autre grande star morte en essayant de revenir sur le devant de la scène, et qui se voulait charitable et pacifiste. Le parallèle pourrait continuer longtemps, grâce à des spéculations douteuses ou non. Dans tous les cas, la mort de Jackson ou de Lennon reste quand même deux traumatismes dans le monde de la musique, traumatisme pour leurs fans et leurs proches, mais (mal) heureusement pas pour les commerciaux.
Car il faut l’avouer : la mort de Lennon fut une promo extraordinaire pour son album, Double Fantasy. Sorti en novembre, l’album est numéro 1 aux USA et en Grande Bretagne durant des mois et le premier single « Just Like Starting Over » est un énorme succès : les paroles prennent alors un nouveau sens, ce nouveau départ qu’espérait Lennon se traduisant par un nouveau départ pour l’au-delà en quelque sorte. De même, dans l’imaginaire collectif, il devient un martyr, devant de plus en plus un mythe. Avec sa mort, il a donc changé de statut, passant d’une icône à une idole, en arrivant en cet hiver 1980 à un véritable mythe ou culte « lennonien ». C’est dans ce sens qu’il faut aborder les manifestations spontanées de milliers de fans aux USA, mais aussi à Liverpool. Dans le même temps, sa mort profitera à Yoko Ono, et pas que financièrement : en devenant la première veuve des Beatles, elle deviendra de plus en plus sympathique, les fans partageants sa peine et oubliant les rancœurs envers celle qui aurait séparé Lennon des Beatles, sous le prétexte de l’idéal de John et les « John n’aurait pas voulu ça ». Son capital sympathie s’en trouve renforcé. De même, les réactions émues des 3 autres Beatles seront aussi un geste fort envers autant la mémoire de John que Yoko, Ringo Starr écourtant son voyage au Bahamas pour réconforter Yoko Ono. La réaction de McCartney sera tout aussi émouvante, lorsqu’il pleure en écoutant le nouvel album de Lennon, et plus particulièrement « Beautiful Boy ». Dans tous les cas, ce fut une grande perte pour la musique, et le mythe contribue à assurer l’espoir d’un monde meilleur qu’il percevait dans « Imagine ».
Au final, on peut considérer Lennon comme une icône et un mythe, un homme de grand talent musical et un parolier extraordinaire. Il existe donc un véritable mythe Lennon, plus que le mythe Beatles : ce personnage médiatique a su provoquer un attachement envers les fans des Beatles. Tuer Lennon a été un affront plus violent que tuer les Beatles. De ce fait, la mort de Lennon a été le deuxième cataclysme, après la séparation des Beatles, et en appellera un troisième le 29 novembre 2001 avec la mort de George Harrison.
Me vient alors une réflexion, l’autre jour, en écoutant le billet de Sophia Aram, humoriste de France Inter. Elle disait : « Imagine, John, qu’aujourd’hui, tu sois devenu juste un people ! Qu’on soit là à guetter si tes fesses se sont ramollies ou pas depuis que tu as fait cette photo tout nu avec Yoko Ono. Ou, pire, que tu termines dans une clinique à Saint Bart’ pour te remettre de ta dernière opération du docteur Delajoux ».
C’est peut être là le drame des nouvelles idoles d’aujourd’hui, ou des idoles vieillissantes, ou même des chanteurs français. Finalement, le monde manque de « baba-cool qui […] délivrent des messages un peu niaiseux sur une musique sirupeuse », ou de « barbus aux cheveux longs qui nous refait le coup du Aimez vous les uns-les autres ». A la place, on a des René La Taupe, ou des commerciaux qui nous vendent des chansons électro sans paroles et surtout sans messages. C’est probablement pour cela que des mythes comme celui de John Lennon ou du Che persistent aujourd’hui, et qu’on veut s’y raccrocher. Tout simplement parce que l’idéalisme est en danger, face au commerce. Alors, pour sauver nos esprits, écoutons Lennon. Ca fait du bien, je vous assure.
By Mike
Lennon après les Beatles a pu se construire son mythe. Et tu as raison en ce qui concerne la musique des 2000’s . Des artistes sans talents sans rien.. Lennon est sans aucun doute une légende !
C’est plus qu’une légende….un mythe.
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