Le scénario était implacable. deux groupes, deux leaders, une compétition, un gagnant, un perdant. Killing Bono, c’est un peu ça. Ou comment Neil McCormick essaye désespérément de concurrencer Paul Hewson. Chaque pas qu’il fait est réglé sur celui de son auguste concurrent. Killing Bono, c’est l’histoire de U2, de l’autre U2, de ce qu’il aurait pu être.

Killing Bono, U2 et Presque-U2
Réalisé par Nick Hamm, réalisateur irlandais peu connu pour ses succès mainstream (malgré qu’il fut le directeur de la Royal Shakespeare Company dans les années 80), ce film a donc plusieurs cordes à son arc pour plaire aux plus grand nombre. Tout d’abord, le jeu des acteurs est impressionnant. Ben Barnes campe un Neil McCormick frustrant à mort, tellement qu’on en oublie qu’il a joué dans « Le Monde de Narnia ». Martin McCann quant à lui, est surprenant tant la ressemblance physique avec Bono est flagrante. Son jeu d’acteur en fera probablement la révélation du film. Mention spéciale aussi à Pete Postlethwaite dans sa dernière interprétation. L’acteur est mort le 2 janvier à l’âge de 64 ans. Mention aussi à Peter Serafinowicz, campant un Hammond parait, producteur fou, passionné et extravaguant au possible, rude dans les affaires.

Martin McCann, impressionnant en sosie de Bono
Si ces acteurs donnent vie au film et rendent certaines scènes cocasses, le scénario est attrayant. Basé sur le livre de Neil McCormick (le vrai) intitulé « I Was A Bono’s Doppelganger », mais néanmoins romancé (selon les dires de Neil McCormick, « Je n’étais pas aussi nul ni mon frère aussi bon », référence direct à certaines scènes du film), le scénar’ devient malgré tout de plus en plus crédible au fur et à mesure des scènes. Pourquoi est-il crédible ? Tout simplement parce que le rêve qu’a obstinément Neil McCormick est commun à chacun d’entre nous. Qui n’a jamais déjà voulu devenir célèbre grâce à la musique ? Le film le montre magistralement, en posant frontalement cette question et en faisant cette expérience au plus près du réel dans les 13 ans de galère du « McCormick groupe » dénommé Shook Up. Plus philosophiquement, le film induit que la célébrité n’est pas forcement la voie du bonheur, et qu’elle n’est pas un Eldorado. Le message implicite est bien qu’il ne faut pas rechercher la célébrité pour la célébrité, comme le montre les déclarations de McCormick himself se repentant : « Je ne voyais la vie qu’à travers les tapis rouges et les objectifs des paparazzi. Et je ne demandais même pas comment gagner ma vie, puisqu’il était évident que ma musique me rendrait riche ». Le message délivré brut comme cela apparait comme un peu mielleux et ne s’éloigne pas de la doxa à la mode. Mais ce film a l’atout de faire passer ce message avec humour et avec de la bonne musique. Car, en effet, la bande originale, orchestrée par Joe Echo et chanté par le groupe Shook Up (Ben Barnes, Robert Sheenan, alias Neil et Ivan McCormick) est à tout point sublime. Elle colle au style de U2, et comme ce dernier, elle accompagne les changements du rock des années 80, du punk à l’arrivée des premiers synthétiseurs. Elle est absolument U2esque.

Shook Up, les vrais!
Au final, ce film est plus qu’agréable. L’histoire est attachante, et son coté authentique rehausse les cotés un peu trop facile de l’histoire. Par ailleurs, la bande originale et les acteurs sont d’une haute facture. Il est recommandable aussi à chaque artiste voulant se lancer dans l’univers de la musique, et aux fans de U2, bien sur, car leur leader n’est jamais absent de l’histoire. En réalité, d’ailleurs, Neil McCormick n’a cessé de garder des liens avec son ami Paul Hewson, alias Bono. Quant à ceux qui s’intéressent aux débats philosophique, ils peuvent compléter avec le récent film de Casey Affleck et Joaquin Phoenix dans « I’m Still Here« . Autre genre, mais autre expérience réelle. Comme si face aux succès fulgurants de nombreux artistes, nous avions besoin d’expérience qui ratent, qui foirent, et que pour les représenter, nous avions d’excellents comédiens. Gageons, quand même, que la célébrité et les débats qu’elle suscite fera encore beaucoup parler d’elle pour elle. Et qu’aucun autre drame n’arrivera. Après la désintégration d’Amy Winehouse, si Bono était assassiné…n’en arrivons pas là quand même !
Killing Bono (2010)
Un film de Nick Hamm avec Ben Barnes, Pete Postlethwaite, Krysten Ritter, Robert Sheehan, Peter Serafinowicz …
Durée : 01h54 – Sortie en salles le 03 Août 2011
Synopsis : Dublin, 1976. Neil McCormick n’en doute pas : une vie de rock star l’attend. Il est beau, jeune, talentueux. Un génie en herbe. Mais son camarade de classe Paul a les mêmes ambitions et c’est lui qui obtient l’unique place de chanteur au sein de The Hype, le groupe du lycée. Qu’importe : Neil monte sa propre formation avec son frère Ivan, déterminé à laisser The Hype dans son sillage. Seul hic : The Hype s’est rebaptisé U2. Et Paul s’appelle désormais Bono ! Une seule solution s’offre alors à Neil pour se faire une place sur la scène musicale des années 1980 : devenir plus gros que U2.