Cette année le Brestois revient avec un nouvel album (son 8ième) qui, niveau orchestration est plus rock que les précédents. Ses « Chansons Ordinaires » regroupent 11 chansons qui, si elles sont ordinaires niveau textes pour quelqu’un comme lui -quoique certains textes sont bien ciselés mais peut-être est-ce là l’ordinaire de cet artiste- ont trouvé un tempo loin de son album précédent.
11 morceaux donc, intitulés « chansons », comme pour mettre en opposition le chansonnier et le rockeur qu’il était étant jeune et qu’il se plait à nous ramener sur le devant de la scène. 11 textes explorant les relations vis-à-vis des autres, vis-à-vis de soi, thèmes prépondérants chez l’artiste : les amis, les illusions que l’on perd au fil du temps. Une espèce de regard à l’intérieur de soi, parfois un peu caricatural, mais souvent juste, tout en double sens. Une certaine ironie transpire toujours de ses textes, en cela Miossec n’a pas changé.
Côté musique, il abandonne son groupe de tournée et s’offre le luxe de récupérer des anciens musicos de Dominique A. Il avait vraisemblablement besoin de faire autre chose musicalement que ce à quoi il s’était habitué avec sa troupe. Et grand bien lui en a pris. Cette nouvelle échappée lui permet de nous balancer quelques fulgurances bien senties.
On retrouve un Miossec changé, rajeuni, ayant quitté son image de vieux briscard un peu alcoolo de fond de bar. Il a envie de s’amuser, de fronder et cela se sent. Le Brestois a d’ailleurs arrêté l’alcool, fini de rentrer sur scène un peu pété, de chanter accroupi d’une inintelligible voix plus souvent qu’à son tour.
Pour ma part je l’ai vu deux fois en concert et bien que j’aime cet artiste, j’ai été assez déçu de ses prestations scéniques. Heureusement ce n’était pas tout le temps le cas mais cela a contribué lourdement à le classer comme gars en mal de vivre, ad vitam. Et pourtant…
Un regard en arrière au travers de sa chanson d’entrée d’album, relativisation du passé mais constat imparable, tout à déjà été fait, tout à déjà été dit, on fait les mêmes erreurs que nos pères, on n’apprend pas. Morceau qui sonne dans l’actualité sans jamais dire son nom.
La disparition virtuelle des amis à qui on avait juré fidélité mais qu’on a perdus de vue. Même si « chanson pour les amis » semble assez simple dans son traitement, les paroles résonnent de vérité. La peinture sans frais d’un fait divers en allant voir derrière le miroir de ce que peut être une vie ordinaire brisée, sans jamais effleurer la façade médiatique d’un tel fait, c’est « chanson d’un fait divers ».
« Chanson pour un homme couvert de femmes » est mélancolique d’une certaine façon, un peu dans la veine de certains morceaux de son album « Baiser ». On y retrouve d’ailleurs certains mots aimés du chanteur-compositeur qui ne passeront pas inaperçus pour les connaisseurs. Cette chanson a pourtant le recul d’un vieux mâle, un retour sur l’âge et le vieillissement.« Chanson pleine de voix » dépeint les coups de tête qui nous font devenir notre pire ennemi, les voix qu’on n’écoute pas ou qu’on écoute bien trop parfois.Dans « chanson dramatique » on touche plus à la trace laissée par les drames de la vie, des conclusions que l’on peut tirer de sa vie tout en ayant soif de celle-ci encore et encore.
Ensuite vient le regard que l’on peut porter sur le politiquement correct d’aujourd’hui vis-à-vis d’une certaine façon de vivre avant, c’est « chanson du bon vieux temps ». Le monde a changé, Miossec y pose un constat simple mais vrai. Tout fout le camp.
Sa « chanson protestataire » ne l’est pas vraiment, c’est plutôt un regard ironique sur quelques uns de ses morceaux passés, un déficelage en règle des clichés.« Chanson qui laisse des traces » est très calme, piano lent et voix pas vraiment chantée. Le temps passe et nous abîme comme il le dit si bien.
Une intro digne de l’album Outside de David Bowie (presque, avec un peu d’imagination mais ceux qui connaissent verront de quoi je parle) ouvre « Chanson d’insomniaque ». Les guitares vibrent en arrière plan, le rythme est enlevé. Le sujet est porté sur les démons qui nous hantent la nuit lorsqu’on ne ferme pas l’œil.
Enfin « Chanson sympathique » ferme la marche, une dernière pour la route un peu en demi teinte, le texte ne me parle pas forcément mais j’aime beaucoup l’orchestration en revanche.
Cet album m’a surpris. J’avais entendu dire qu’il avait arrêté la boisson, dû à une maladie diagnostiquée qui ne lui laissait que deux choix : stopper ou crever. On sent au travers de cet album qu’il a envie de remettre ses pendules à l’heure, de retrouver l’enthousiasme des premiers jours, de jouer fort et ça marche. On y croit. J’attends le prochain album pour voir si l’essai est transformé et que « Chansons ordinaires » marque bien un tournant, un espèce d’état des lieux acide pour mieux repartir.
By Greg Pinaud-Plazanet